Un couple au tribunal pour refus de vaccination de ses enfants

Rendre obligatoire 11 valences : réflexion autour de la vaccination

Depuis la proposition de la ministre des solidarités et de la santé, de rendre obligatoire la vaccination pour 11 valences chez les enfants, les réactions des opposants à cette mesure sont virulentes. Outre le caractère obligatoire, c’est parfois l’acte vaccinal lui-même qui pose problème. Pourquoi Agnès Buzyn s’est-elle orientée vers du « tout obligatoire » ? Éléments de réponse dans un contexte global de défiance. 

Rendre obligatoire 11 valences : réflexion autour de la vaccination«  Encore une ministre achetée par les labos », « l’Etat veut nous faire croire qu’il s’agit d’une mesure de santé publique », « je n’injecterai pas ce poison à mes enfants »… Depuis que la ministre des solidarités et de la santé a indiqué au quotidien Le Parisien, qu’elle envisageait la mise en place d’une obligation vaccinale pédiatrique pour 11 valences pour « une durée limitée qui pourrait être de cinq à dix ans » , les réactions sont parfois très virulentes sur certains réseaux sociaux.

Il faut dire qu’en France, la méfiance vis-à-vis de la vaccination est grande. Déjà en 2015, un sondage IPSOS avait révélé que 29% de la population était hésitante. Depuis, le chiffre s’est élevé à 41% selon les associations E3M et Revahb, toutes deux représentantes de patients se disant victimes d’effets indésirables liés aux vaccins.

Sur les réseaux sociaux, même certains soignants s’y mettent et semblent avoir peur. D’où vient cette peur ? Est-elle rationnelle ? Certes, le traitement médiatique grand-public met en lumière des cas supposés de victimes des vaccins. Un enchaînement d’erreurs et de scandales sanitaires depuis les années 1990 a par ailleurs semé le doute et la méfiance. De quoi laisser perplexe la population. Et inquiéter aussi.

Mais bien souvent, les réactions ne prennent pas en compte la balance bénéfice-risque de la vaccination.

Il faut prendre une décision sur la vaccination

On peut imaginer que si Agnès Buzyn envisage de rendre ces onze valences obligatoires, c’est qu’il fallait prendre une décision. En effet, en février dernier, le Conseil d’Etat ordonnait au ministre de la santé de « prendre des mesures pour rendre disponibles des vaccins correspondant aux seules obligations de vaccination ».

En France, jusqu’à présent, seules trois valences sont obligatoires pour les enfants (Diphtérie, Tétanos, Polio). Or, les vaccins contenant ces trois valences ne sont pas commercialisés. Les laboratoires ne les fabriquent pas. Le vaccin permettant de satisfaire aux obligations vaccinales actuelles des enfants de moins de 18 mois pouvant être le plus aisément trouvé est un vaccin hexavalent qui comporte, outre les vaccinations obligatoires, celles contre la coqueluche, l’haemophilius et l’hépatite B.

Il fallait donc que la France, qui n’a aucun droit juridique pour imposer aux laboratoires pharmaceutiques la fabrication d’un vaccin spécifique pour son seul pays, trouve rapidement une solution.

Il y avait trois possibilités. Soit, l’Etat se débrouillait pour fabriquer lui-même ce vaccin DTP, soit il le rendait facultatif, soit il proposait d’étendre l’obligation vaccinale avec d’autres valences, prenant en compte les problématiques de santé publique actuelles et les produits disponibles sur le marché mondial.

Si Agnès Buzyn a opté pour cette dernière solution, on peut supposer que c’est parce que la couverture vaccinale de la population est en baisse. Et que les rapports sont formels : si l’on retire l’obligation vaccinale contre le DTP, il y aura moins d’enfants vaccinés contre ces maladies. Plus d’enfants malades potentiels donc. Depuis 2005, la diphtérie, la polio et le tétanos font leur retour en Europe (voir encadré).

Responsabilité collective vs liberté individuelle

Pourtant, l’annonce n’a pas été interprétée par les détracteurs vaccinaux de cette façon. Sur la toile, la pétition du Pr Joyeux, lancée en décembre 2016 après la diffusion publique du rapport du Comité d’Orientation citoyenne sur la vaccination qui préconisait ce passage à une obligation vaccinale à 11 valences, a été rediffusée massivement ces derniers jours. Elle a déjà recueilli près de 500 000 signatures. C’est la deuxième fois que ce médecin, radié par son Ordre et membre actif de l’IPSN (Institut pour la Santé Naturelle) lance une telle initiative. La première fois, il avait recueilli près de 1 million de signatures.

« Ces procédés – l’obligation vaccinale, ndlr – ne sont pas dignes d’une démocratie et ne peuvent contribuer à l’apaisement nécessaire dans un débat si important pour la santé publique », explique l’IPSN dans la pétition.

L’IPSN, dénonce régulièrement les « méfaits » de la vaccination. Il réfute aussi les traitements par antibiotiques, par chimiothérapies, préconisant de se soigner, y compris pour les pathologies lourdes, principalement par homéopathie et par traitements naturels.

Les associations de victimes et certains politiques figurent aussi dans la liste des détracteurs, même s’ils s’opposent régulièrement aux dires du Pr Joyeux, n’adhérant pas à toutes ses revendications. La question la plus souvent soulevée concerne la présence d’hydroxyde d’aluminium dans les vaccins.

Plus de transparence

Les détracteurs de la mesure, dans leur majorité, ne sont pas des anti-vaccins radicaux. “Tout n’est pas tout blanc, ni tout noir” expliquait fin 2015 à ActuSoins (dans le cadre d’un dossier complet sur la vaccination paru dans le numéro 19 du trimestriel) Didier Lambert, président de l’association E3M ( Association D’entraide aux malades atteints de myofasciite à macrophages). “Nous ne sommes pas contre la vaccination, au contraire. D’ailleurs, si nous sommes victimes d’effets indésirables, c’est bien que nous nous sommes fait vacciner à un moment donné. Néanmoins, nous souhaitons plus de transparence et de recherches sur les adjuvants notamment“. 

Les recherches scientifiques menées sur l’hydroxyde d’aluminium  ont jusqu’à présent démontré  qu’il n’y avait aucune corrélation entre les maladies neuro-dégénératives et cet adjuvant présent à très faible dose dans les vaccins afin de stabiliser celui-ci, assurer une meilleure réponse immunogène et donc une meilleure tolérance justement. Des fonds ont néanmoins été débloqués pour financer des recherches complémentaires, au CHU Henri-Mondor (Créteil).

« Il y certes de rares personnes qui ont développé certaines maladies auto-immunes dans les mois qui ont suivi une vaccination. Mais ce n’est pas le vaccin en lui-même qui provoque la maladie. L’incidence de ces pathologies n’est pas plus élevée quand il y a vaccination », déclarait à ActuSoins fin 2015 le Pr Floret, pédiatre et président du Comité technique de Vaccination. 

Une décision prise suite au rapport du Comité d’Orientation citoyenne sur la vaccination

Au-delà du caractère hypothétiquement « dangereux » des vaccins, les réticents estiment que la décision a été prise par la ministre, par « pur intérêt personnel » (Agnès Buzyn ayant travaillé pour l’industrie pharmaceutique).

Face à ces accusations, Agnès Buzyn n’a pas hésité à s’exprimer. « Je refuse qu’on me colle cette étiquette. Oui, les industriels gagnent de l’argent, mais on ne peut pas réduire la question de la vaccination à l’intérêt des laboratoires » a-t-elle expliqué au Parisien.

Certes, l’on peut s’interroger sur le caractère « obligatoire » de cette mesure. Est-ce la bonne solution ? La député européenne EELV Michele Rivasi a dénoncé sur son site internet, le côté infantilisant de cette obligation. « La restauration de la confiance ne passe pas par l’infantilisation et le mépris des parents inquiets pour la santé et le système immunitaire de leurs enfants » a-t-elle jugé.

Notons toutefois, qu’Agnès Buzyn instaurerait la mesure sur « cinq à dix ans » en espérant augmenter la couverture vaccinale de la population qui ne cesse de baisser ces dernières années. Ensuite, si la confiance est rétablie, serait-il question de revenir à de simples recommandations ? A priori, oui. 

Ecouter les réticents

La réticence ne touche pas que le grand public. Parmi les soignants, il y a aussi des hésitants. Sur la toile, on voit déjà des débats houleux entre ceux qui doutent et ceux qui approuvent. Les arguments des premiers sont en général les mêmes que ceux recueillis dans la population générale : effets indésirables, mise en danger, conflits d’intérêts, complotisme politique, liberté individuelle bafouée… 

« Comment discerner le vrai du faux ? » s’interroge Claire, sur un forum. « Avec tout ce qui circule, et malgré notre formation, on est en droit de se poser des questions » ajoute la jeune femme. « Et si on allait chercher les réponses dans des données scientifiques réelles? » lui propose sa collègue Judith. Et d’ajouter « Ne reste pas sur tes positions. Va chercher l’information là où elle n’est pas tronquée et demande à des toxicologues ou des infectiologues et qui ont étudié 12 ans pour cela, ce qu’ils pensent de la vaccination. Tu verras, tu dédramatiseras… ». 

M.S

 

La vaccination ne préserve pas que les pays du Tiers-Monde

L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) estime que la vaccination permet d’éviter entre 2 à 3 millions de décès par an dans le monde. « C’est l’une des interventions sanitaires les plus efficaces et les moins coûteuses » expliquait l’organisation dans un communiqué de presse à l’occasion de la semaine mondiale de la vaccination en avril dernier.

« La vaccination systématique est l’un des éléments essentiels de soins de santé primaires solides et de la couverture sanitaire universelle – elle est une occasion de contact pour les soins au début de la vie et offre à chaque enfant la chance d’une vie en bonne santé dès le départ » ajoutait l’OMS.

S’il est vrai qu’un seul cas de dommage grave dû potentiellement à un vaccin est un cas de trop, il n’en reste pas moins que les avantages de la vaccination dépassent largement les risques, y compris dans les pays industrialisés et développés, et que sans les vaccins beaucoup plus de dommages seraient à déplorer.

En Europe occidentale, depuis 2005, des flambées de rougeole ont frappé les populations non vaccinées en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en France, en Italie, en Suisse et au Royaume-Uni. Les complications de la rougeole peuvent être dramatiques : encéphalites, cécité… Des cas de polio, tétanos, diphtérie ont également été recensés.

« Bien que les maladies évitables par la vaccination soient devenues rares dans de nombreux pays, les agents infectieux qui en sont responsables continuent à circuler dans certaines parties du monde. Dans un monde hautement interdépendant, ces agents peuvent passer les frontières et infecter quiconque n’est pas protégé » souligne l’OMS.


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