Jennifer, infirmière libérale, et les soins psychiatriques en dehors des murs

Jennifer, infirmière libérale, et les soins psychiatriques en dehors des murs

Jennifer Verbeke est infirmière libérale en plein cœur de Paris. En janvier 2017, elle a créé l’association Réseau Soins Psy qui propose une orientation adaptée aux familles et aux patients atteints de troubles psychiques ou psychiatriques.

Jennifer Verbeke, infirmière libérale
Jennifer Verbeke, infirmière libérale. © Malika Surbled.

« Infirmière libérale, coordinatrice de parcours de soins ». La plaque professionnelle est discrète. On pourrait presque passer devant sans la remarquer. Pourtant, à l’intérieur du cabinet, une infirmière libérale s’attelle à des tâches administratives. « Je ne travaille pas aujourd’hui, mais je suis venue pour mettre un peu d’ordre dans mes papiers. L’association me prend beaucoup de temps et d’énergie » explique Jennifer en souriant. Il faut dire que Réseau Soins Psy est née il y seulement deux mois, d’une idée que la jeune femme a mûrie et travaillée depuis près de dix ans. En déposant enfin les statuts de l’association, Jennifer a concrétisé un projet qui lui tenait à cœur : proposer une offre de soins différente, axée sur la coordination de parcours et sur l’orientation des patients atteints de troubles psychiatriques.

Répondre à une carence de l’orientation psychiatrique

« Il y a une réelle carence en termes d’orientation psychiatrique en ville, explique Jennifer, infirmière libérale. Parfois, il peut s’écouler entre 48 et 72 heures avant qu’un patient en décompensation puisse mettre un pied dans un service adapté ou dans un cabinet de psychiatre. La plupart du temps, ces patients se perdent dans les méandres des commissariats ou des urgences généralistes ». Jennifer estime par ailleurs qu’il faudrait professionnaliser l’intervention d’urgence en psychiatrie, notamment lors des prises en charge pré-hospitalières.

Alors, elle a décidé de prendre les choses en main. Avec l’aide de deux psychologues cliniciens et d’une infirmière collaboratrice et à la demande des familles, des patients, des proches, de la police, du Samu ou des pompiers, elle « optimise » les parcours, pour qu’ils soient plus « fluides ». Plus accueillants aussi. « Nous évaluons les besoins. Cela facilite le travail des autres professionnels de l’urgence. Nous nous rapprochons aussi évidemment des psychiatres pour mettre en place des traitements. Cela peut parfois permettre d’éviter des hospitalisations inutiles ».

Des suivis personnalisés

En dehors des situations de crise ou de pré-crise, Jennifer et ses associés proposent – sur prescription médicale – des suivis de courts, moyens et longs termes de leurs patients. Évaluation, accompagnement dans des démarches administratives ou dans des démarches d’insertion, entretiens infirmiers, accueil, soins plus conventionnels : les missions de Jennifer au sein de sa propre association sont nombreuses.

En roulement avec ses collaborateurs, elle reçoit les patients demandeurs de soins dans son cabinet ou se déplace à domicile. « Certains individus vont avoir besoin d’analyser leur passé ou leurs sentiments pour trouver des clés pour avancer. Dans ce cas, c’est le psychologue qui interviendra. D’autres vont plutôt avoir besoin d’outils pragmatiques pour avancer dans leur quotidien. L’infirmière proposera dans ce cas, des solutions plus adaptées. Mais les deux professions peuvent se compléter autour d’une même personne présentant des problématiques mixtes. L’idée est donc vraiment de multiplier les champs de compétences autour d’un même patient pour une offre personnalisée » explique Jennifer.

Une NGAP nomenclature peu adaptée

À l’heure où la politique de santé vise un large virage ambulatoire, l’idée de Jennifer pourrait facilement convaincre. Pourtant, la jeune femme se sent un peu démunie face aux obstacles administratifs. Déjà, parce que dans la nomenclature générale des actes infirmiers (NGAP), presque rien ne prévoit tout cela. Ensuite, parce qu’elle ne peut recueillir aucun fond tant que la solvabilité de son projet n’est pas prouvée.

Alors, Jennifer s’arrange comme elle peut. Il faut bien qu’elle puisse vivre de son métier. Pour les entretiens infirmiers, elle utilise pour cotation les fameux AIS 3, ces actes professionnels qui relèvent du rôle propre infirmier. Elle pratique aussi le dépassement d’honoraires, compatible avec sa fonction. « Malheureusement, comme je ne peux coter que des AIS 3, l’heure de travail n’est pas du tout rentable (15,90 euros hors déduction des charges, ndlr). Avec un cabinet en plein Paris et le loyer qui va avec, je ne peux pas faire autrement que de pratiquer ces dépassements. Les patients sont libres de choisir s’ils veulent ou non poursuivre avec l’association, en toute connaissance de cause » souligne Jennifer. « L’aide apportée aux différents patients en 2016 prouve que ce système peut avoir un réel impact économique en fluidifiant le parcours de soins et en apportant au bon moment, la bonne réponse au bon patient avec le bon traitement » ajoute-t-elle, déterminée.

Aujourd’hui, Jennifer, qui travaille main dans la main avec les structures hospitalières et les CMP, continue de penser son projet pour qu’il se développe davantage. « C’est toute une longue observation des failles du système qui m’a poussée à créer ce réseau. Il faut que j’arrive à prouver son efficacité pour améliorer à ma façon le système de santé et généraliser le soin psychologique en libéral ». À suivre de près…

Malika Surbled

Actusoins magazine pour infirmier infirmière hospitalière et libéraleCet article est initialement paru dans le n°24 (avril 2017) d’ .

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Jennifer Verbeke, infirmière libérale en 5 dates :

2007 : obtient son D.E. Infirmier Travaille 7 ans en psychiatrie à Bichat (AP-HP)

2015 : effectue des remplacements en tant qu’infirmière libérale et travaille pour l’association SOS Psy Urgences (seule infirmière)

2015 : présente un mémoire, dans le cadre d’un master 1 en gestion et économie des établissements de santé, sur l’interaction des professionnels d’urgences en psychiatrie

2016 : obtient son Master 2 en gestion et économie des établissements de santé (Dauphine) et installation en tant qu’infirmière libérale

2017 : fonde l’association Réseau Soins Psy

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60 réactions

  1. Mam Meyer tu as vu ç le même projet que celle du 4

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  2. Bravo !!!

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  3. Pour l’avoir rencontrée et avoir échangé avec elle sur sa pratique, je peux confirmer que c’est une très belle initiative qui mérite qu’on s’y intéresse de plus prêt ! Une véritable alternative à l’hospitalisation en psy et aussi une évidence oubliée : les soins à domicile en libéral , quid de la psy ?
    Len Jaslier je t’en parlais hier soir

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  4. Alexis Papin on en avait parlé une fois!

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  5. en tant que ide psy, j’en parle souvent car les CMP ne peuvent plus le faire… je serais ravie de le créer un jour après mon master sciences cliniques infirmières… un rêve… réalisable??

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  6. Laetitia Canivet c’est effectivement le problème de cette cotation inappropriée ! Avec ce gouvernement peut être que les choses vont bouger … mais pour le moment bcp se sont cassés les dents !

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  7. J’attend de voir car si ça méne à la même chose non merci

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  8. J’attend de voir car si ça méne à la même chose non merci

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  9. Oui à peu de chose prêt ! Sauf que là, la cotation utilisée est tjs la même …

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  10. Oui à peu de chose prêt ! Sauf que là, la cotation utilisée est tjs la même …

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