Infirmières et burn out : lever le tabou

Infirmières et burn out : lever le tabou

Manque de personnel, patients toujours plus nombreux, rentabilité des soins : de multiples causes peuvent expliquer le ras-le-bol que ressentent certains soignants. Et parfois, cela va plus loin, on parle alors de burn out, un mal qui touche de plus en plus de professionnels de santé. Un infirmier, un sociologue et un psychologue acceptent de parler de ce sujet encore tabou.

infirmière burn out« J’ai craqué nerveusement, j’étais à bout de nerf, mes larmes sortaient toutes seules », raconte Romuald, 25 ans, infirmier dans un hôpital psychiatrique, en arrêt depuis quatre mois. En plein service, il s’est effondré.

En moins de deux ans d’exercice, il a été victime d’un burn out, un épuisement émotionnel qui conduit à une déshumanisation, par le soignant, de sa relation avec le patient. « Cela provoque enfin la perte de l’accomplissement professionnel, des valeurs fondatrices de son métier », précise Marc Loriol, sociologue, chargé de recherche au CNRS et spécialiste de la question du stress au travail.

« J’ai été une éponge, j’ai absorbé, absorbé et j’ai finalement dégorgé », explique le jeune infirmier qui reconnaît ne pas avoir su trouver la bonne distance thérapeutique avec ses patients en raison de son manque d’expérience.

Une organisation du travail à revoir pour les infirmières

A la différence de la dépression qui a des causes personnelles, le burn out trouve son origine dans l’organisation du travail. « On manque de personnel, on n’a pas de moyens, on travaille à 200 % sans offrir le minimum de ce qu’on devrait donner aux patients », dénonce Romuald. S’ajoutent les changements d’horaires permanents. Les infirmiers doivent être prêts à mettre leurs jours de repos au placard pour faire des remplacements.

De plus, leurs responsabilités ne font que s’accroître. « La charge de travail est énorme, tous nos actes doivent être justifiés parce qu’aujourd’hui les gens portent plainte pour un oui ou pour un non », regrette Nicole, infirmière depuis 34 ans dans une maison de retraite en Côte-d’Or.

L’ensemble de ces facteurs provoquent un stress, un épuisement et une désillusion. « Le personnel soignant est en grande souffrance parce qu’il est en désaccord avec son engagement, estime Valérie Carrara, psychologue du personnel depuis 2003 à l’hôpital Raymond Poincaré de Garches. Aujourd’hui, c’est le rendement qui compte pour la direction, ce qui va à l’encontre du désir d’être soignant. »

Effets sur les patients et les soignants

Le burn out des infirmiers a des conséquences sur la qualité de leur travail. Leurs patients subissent leur agressivité, leur humour noir ou, dans les cas extrêmes, leur maltraitance « généralement présentée comme la perversion du personnel, mais qui, en réalité, est souvent induite par une organisation du travail trop pressurisante », explique Eric Zaoui, formateur au Centre de formation continue du personnel hospitalier (CFCPH) à la Pitié-Salpêtrière.

Quant aux effets sur le personnel soignant, ils sont nombreux. « Je suis passé de l’ébullition à un état léthargique, rapporte Romuald qui avait aussi d’importants troubles du sommeil. Sortir de chez moi me demandait un effort surhumain. » L’infirmier est également devenu agoraphobe. « Je ne supportais plus aucun contact humain, comme si j’avais fait une overdose de gens. »

Se protéger

Pour Valérie Carrara, les cadres doivent offrir des espaces de paroles à leurs équipes, « mais c’est assimilé à une perte de temps pour beaucoup de directions ». Le CFCPH propose cependant des formations au sein desquelles est introduite la dimension liée au stress au travail. « Les soignants doivent être accompagnés pour qu’ils puissent eux-mêmes accompagner les patients », recommande Eric Zaoui. Pour Marc Loriol, ces groupes de paroles se révèlent utiles lorsque la confiance mutuelle ou l’entraide dans l’équipe de travail font défaut. « L’idéal serait que les infirmiers puissent communiquer spontanément sur les difficultés d’organisation. »

Une fois touché par le burn out, l’arrêt de travail a été la seule solution pour Romuald afin qu’il s’éloigne de son lieu de travail et qu’il prenne du temps pour lui. « Il faut un arrêt pour comprendre comment on en est arrivé là », prévient Valérie Carrara qui encourage également le suivi par un psychologue.

A noter toutefois qu’en France, les arrêts de travail sont prescrits pour une dépression, du surmenage ou de l’anxiété. « Le burn out doit être reconnu comme maladie professionnelle car il est uniquement dû à l’organisation du travail », défend Romuald qui reprend son travail début mars dans un nouveau service et qui a demandé sa mutation dans un autre hôpital.

Pour aller plus loin:

Marc Loriol est l’auteur de nombreux ouvrages sur le stress au travail:

Le temps de la fatigue. La gestion sociale du mal-être au travail, Anthropos, 2000, collection « Sociologiques », 293 pages, 29,73 €.

Au-delà du stress du travail. Une sociologie des agents publics au contact avec les usagers, dirigé par Marie Buscatto, Marc Loriol et Jean-Marc Weller, ERES, 2008, collection « Clinique du travail », 288 pages, 18 €.

Je stresse donc je suis, Marc Loriol, Mango, Collection « Mots et Compagnes », 104 pages, 9 €.

Laure Martin

 

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lynelyne-2a

Bonjour,
je fais actuellement mon mémoire sur le burn out et je souhaiterais présenter lors de ma soutenance des témoignages d’infirmieres pour savoir ce que ressentent vraiment les soignants. JE REMERCIE INFINIMENT LES PERSONNES QUI REPONDRONT A CE QUESTIONNAIRE ( pas besoin de phrases)
merci adeline

1) depuis quand êtes vous diplômé ?
2) dans quel service travaillez vous et depuis combien de temps?
3)Selon vous quelles sont les principales causes de burn out ?
4) quel est l’impact de celui ci sur vous , et sur le patient?
5) qu’est ce qui d’après vous peut aider les soignant à ne pas tomber en burn out ?
6) qu’est qui vous a aider à sortir du burn out ?

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natdu47

moi ou je bosse,en ssr ,hopital publique..il y a des arrets de travail,dus au burn out..reaction de notre cadre sup..ce sont des faineants nantis!!! qui profitent du systeme!!! pour pallier aux absences..modification des plannings …sans aucune contrepartie..en tout illegalité ,en se moquant des syndicats…aucune communication…propos meprisants envers les soignants…la politique du “divise r pour mieux regner”.. bref..ras le bol et pourtant je suis representante syndicale….pour eux les syndicats…….rien a faire …malgre les refus ils passent en force tout leur projet… 10% du personnel en moins…agents titulaires deplacés dans d’autres sevices…bref l’hopital publique dans toute sa splendeur…bouffé par les administratifs

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Frane

Entièrement d’accord avec marie klem…et notre métier est si intéressant, défendons notre travail!!!Il est temps de se faire entendre, on se moque vraiment de nous et en plus on ne réagit même pas, mais jusqu’où va t’on subir…ensemble nous pouvons être fort, en question c’est la sécurité et la qualité, il n’y a rien de plus important dans la vie que la santé, il faut se faire entendre et que nos conditions s’améliorent, nous ne pouvons pas continuer comme ça…Agissons!!!

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Stéphanie

c’est ce qui se passe en se moment on arrive on c’est pas ou on bosse on c’est pas avec qui et encore quand il y a du personnel !

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Delphine

j’ai fait mon TFE, sur le burn out et franchement on est pas à l’abri mais avant de s’en rendre compte on morfle et souvent on st pris pour des tirs au cul ou des depressives!

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Isabelle

j’ai fait un burn out il y a deux ans. J’aime sincèrement mon métier mais les horaires qui changent, les implications dans l’établissement, les collègues qui vous font des vacheries, des vacances décalées parce ce que le collègue estime que vos enfants sont plus grands que les siens, les patients qui meurent, les reproches de votre famille parce que vous êtes pas souvent là, tout cela cumulé fait que vous faites un malaise dès que vous approchez de l’hôpital, vous êtes moins patiente, vous angoissez pour un oui pour un non et vous finissez par un malaise cardiaque. Là vous prenez conscience que quelque chose ne va pas. Personnellement je remercie l’équipe des urgences qui m’a aidé à cette prise de conscience et qu’il ne faut pas avoir honte, nous sommes des soignants mais vous êtes avant tout des humains avec des limites.J’ai repris mon travail en douceur en mi-temps thérapeutique ce qui permet de reprendre ses marques en douceur. Par contre incompréhension de jeunes collègues qui ne comprennent pas que l’on puisse faire un burn out( je suis diplômée depuis 18 ans)depuis j’ai repris à temps complet avec la même passion pour mon travail mais je relativise beaucoup plus les choses , je fais mon travail et je ne me laisse plus faire j’impose mais vacances, j’ose dire non . Tout le travail repose sur cette capacité à dire non.

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