Classification des maladies mentales: Le DSM remis en question

Malika Surbled
13 décembre 2011 @ 8 h 25 min

Controversé depuis sa première parution au milieu du 20 e siècle, le DSM, manuel de référence mondiale en psychiatrie, attise de nouveau la polémique avec sa 5e version à paraître en mai 2013.

Classification des maladies mentales: Le DSM remis en questionDe vives critiques

Avec son approche catégorielle de la maladie mentale, le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) est critiqué par une grande partie des psychiatres français. Lesquels estiment que la grille de lecture consiste à ranger les patients dans des cases, sans tenir compte de leur environnement.

« La psychiatrie n’est pas une médecine conventionnelle. Lorsque l’on traite un patient, il faut toujours prendre en considération son contexte socio-professionnel, personnel et familial. Le DSM ne propose pas cette approche. Il se contente de décrire des symptômes de façon extrêmement grossière puis propose un diagnostic », explique le  Dr Michel Botbol, pédopsychiatre et secrétaire général de l’Association Française de Psychiatrie.

Même son de cloche du côté de la presse professionnelle. La revue indépendante Prescrire* accuse même le DSM V – dont la parution est prévue l’an prochain – de proposer de nouveaux diagnostics « inutiles et dangereux », une « vision étriquée de spécialistes » ainsi que des « seuils diagnostics très abaissés ».

Elle évoque entre autres « une médicalisation de l’existence et des émotions ». Ce qui favoriserait l’industrie pharmaceutique et les lobbys. « Les nouveaux diagnostics ont tous pour effet d’augmenter le nombre de malades et donc de personnes à traiter. C’est une excellente classification si vous êtes producteurs de médicaments », ironise le Dr Botbol, confirmant la théorie de la revue.

Cette opinion est également partagée par certaines associations de patients. « Pour nous, le DSM est le summum du technocratisme psychiatrique et de l’inhumanité psychiatrique. L’application mécanique de cette grille de lecture conduit à des traitements inadaptés ou inutiles, voire même à des internements abusifs », estime André Bitton, du Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie.

Avec modération

Le Pr Julien-Daniel Guelfi coordonne depuis plusieurs années la traduction du DSM. Partisan de cette classification, il tempère les propos de ses adversaires. Pour lui, le manuel reste un outil utile qui offre une grille de lecture cohérente. « Il représente un langage commun de base sur lequel tout le monde pourrait se mettre d’accord. Les détracteurs du DSM V ou du DSM en général, pensent que ce manuel remplace la nosographie psychiatrique. Or, il n’a pas cette prétention. Il n’a pas été conçu pour s’en servir de manière isolée», explique-t-il.

A l’évocation du lobby pharmaceutique, il mesure son discours.« Tout dépend de l’utilisation que l’on fait du DSM. À aucun moment le manuel n’impose tel ou tel traitement. Ces reproches sont purement hypothétiques ». Le DSM V est actuellement en préparation et en développement. À ce jour rien n’est figé. L’Association Américaine de Psychiatrie – éditrice du manuel – prend en compte les remarques et les critiques des professionnels avant de publier sa version officielle.

Malika Surbled

* Editorial de la revue Prescrire « DSM V: Au fou ! », sept 2010.

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8 réactions

Julie
13 décembre 2011

encore une polémique à venir…

Maëlle
13 décembre 2011

C’est bien un outil, en aucun cas ça ne peut remplacer un diagnostic médical.. Ils sont tous différents et demandent tous d’autres attentions, c’est pas un secret..

Magalie
13 décembre 2011

En même temps les patients sont devenus des F. Quelque chose depuis l’arrivée de ces classifications.
À un congrès l’an dernier un psy de Strasbourg
Déplorait ces attitudes avec une explication simple qui me semble très juste: si vous suivez une classification vous annoncez à un patient qu’il est psychotique si vous en suivez une autre il ne l’est pas étonné sait à quel point ces diag font peur.
Certe ce n’est pas le cas de tous les diag mais quand on voit qu’on commence à traiter les deuils, ces documents sont à prendre avec des pincettes

Laulau
13 décembre 2011

Rien ne vaut l’entretien personnalisé…..

Katharina
13 décembre 2011

je ne travaille pas en psychiatrie, mais en gériatrie, alors ma réflexion vaut ce qu’elle vaut… Je me disais que réduire un patient à sa pathologie (quelle qu’elle soit)est délétère et que, par ailleurs, toute sorte de diagnostic peut faire peur, et pourtant, l’annonce peut être salvatrice si elle initie un cheminement, une prise en charge de soi-même.

nelly79
13 décembre 2011

Ne pas prendre en compte les ATCD de tous ordres pour soigner 1 malade psy, consiste presque à remettre en question multe procés prenant en compte le vécu d un individu pour essayer de comprendre ses actes. pourquoi nous éduquer au mieux si celà ne sert à rien .Pour moi les cases à classes les pathologies avec 1véçu individuel sont fiables et indispensables pour examiner les réactions de certains « criminels pathologiques » et tous les délinquants « psy ».

vincent
19 décembre 2011

faire rentrer les patients dans des cases va permettre de faire entrer la TA en psychiatrie. on a beau résister, on va bien passer à la casserole un jour ou l’autre 🙁

Marie
4 janvier 2012

la souffrance mentale ne s’enferme pas dans une case à cocher, elle reste souvent le reflet de multiples autres souffrances empêtrées les une aux autres…quel triste sort pour de l’humain! simple avis

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