Bronchiolite: selon Prescrire, la kinésithérapie respiratoire n'est pas efficace

Rédaction ActuSoins
3 décembre 2012 @ 15 h 59 min

La kinésithérapie respiratoire n’est pas efficace pour combattre la bronchiolite, une infection respiratoire qui touche chaque hiver près de 30% des enfants de moins de deux ans, affirme la revue médicale Prescrire publiée lundi.

Bronchiolite: selon Prescrire, la kinésithérapie respiratoire n'est pas efficaceAlors que la kiné respiratoire est très largement prescrite en France et dans plusieurs pays européens francophones, 9 études, réalisées sur 891 nourrissons hospitalisés pour des bronchiolites, n’ont fait apparaître aucune différence entre les enfants traités par kiné respi ou sans kiné, relève la revue médicale indépendante dans son numéro de décembre.

Selon une synthèse des 9 études réalisée par un groupe du Réseau international Cochrane (d’évaluation et d’information médicales), aucune différence n’a été retrouvée en terme d’évolution clinique, d’oxygénation du sang, de fréquence respiratoire, de durée de la maladie ou de l’hospitalisation, quelle que soit la technique de « kiné » respiratoire utilisée.

Avec ou sans « kiné », la durée moyenne de la maladie a été d’environ 13 jours.

Parmi les effets indésirables de la « kiné » rapportés par les études figurent des vomissements, des douleurs et des fractures de côtes (une fracture pour 1.000 nourrissons traités, selon une étude conduite dans des hôpitaux parisiens).

« En 2012, on dispose de données solides montrant que chez les nourrissons atteints de bronchiolite, la kinésithérapie respiratoire n’est pas efficace et a une balance bénéfices-risques défavorable, y compris avec la technique habituellement utilisée en France. Mieux vaut épargner cette épreuve aux bébés » conclut Prescrire.

La bronchiolite est une infection des petites bronches dues à des virus très fréquents et très contagieux, le plus souvent d’évolution spontanément
favorable.

Elle débute généralement par un simple rhume et une toux qui peut s’accompagner de sifflements. Elle peut être responsable de complications graves chez les enfants les plus fragiles, notamment les enfants de moins de trois mois ou les bébés prématurés.

La kinésithérapie respiratoire française privilégie les techniques expiratoires passives et lentes, associées à la toux provoquée. Sa prescription n’est pas systématique mais dépend de l’état clinique de l’enfant, c’est-à-dire de son encombrement bronchique, selon les dernières recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) sur la bronchiolite. Mais dans ce document publié en 2000, la HAS souhaitait également la poursuite des études de validation de cette pratique afin d’obtenir une « base scientifique solide ».

La technique préconisée en France a été évaluée dans 4 des 9 études, soit chez 645 nourrissons au total.

Rédaction ActuSoins, avec AFP

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18 réactions

Michelle
3 décembre 2012

Et le soulagement de l’enfant? C’est la mère qui parle… Mon fils étouffait dans ses sécrétions bronchiques, la kiné l’a libéré!
Ca n’altère peut-être en rien le pronostic ou l’évolution de la maladie dans l’absolu, mais si ça soulage, j’espère qu’on ne s’attaquera pas à la kiné respi comme à certains médicaments déremboursés parce que considérés comme uniquement de confort!

Veronique
3 décembre 2012

Une bonne kiné respi faite par un kiné compétent, c’est quand même appréciable (mais impressionnant).

Emmanuelle
3 décembre 2012

ça dépend du kiné, mais quand c’est quelqu’un de compétent la kiné est efficace et bénéfique pour l’enfant !!!

Chris
3 décembre 2012

Heureusement qu’il y a la kiné respiratoire pour soulager l’enfant! C’est une maman qui parle.

Carine
3 décembre 2012

D’accord avec cet article! C’est ce que mon pédiatre m’a tjs affirmé et en effet, jamais eu besoin de Kiné respi!

Coralie
3 décembre 2012

et oui heureussement

Véronique
3 décembre 2012

Ma fille qui avait 18 jours a fait une bronchiolite sans fièvre et autres signes seulement une perte d’appétit depuis 48H et bien après la 1e séance a pu boire entièrement son bibi et enfin soulagé !!!! Mais certe vraiment très impressionnant pour la maman!!!!!!!!!!!m!ù

3 décembre 2012

Heureusement, ici aucun des deux enfants n’a fait de bronchiolite ! Par contre, je sors d’une permanence à la crèche et tous les enfants m’ont fait un câlin ou un bisou: qu’est ce que je vais avoir à titre perso ? Gastro ? Conjonctivite ? grippe ?

Veronique
3 décembre 2012

Une bonne immunité voyons!

3 décembre 2012

ou alors ..combo !

Cecilia
3 décembre 2012

Ça n’a p-e pas d’effet sur la durée de la maladie mais ça soulage dans l’immédiat, et franchement, quand mes loulous ont eu des bronchiolites, je ne demandais rien de plus !

Cecilia
3 décembre 2012

Quand aux fractures de cotes, eh bien, changez de kiné !

Santon
3 décembre 2012

L’article ne mentionne que le fait que la kiné respiratoire ne semble pas raccourcir l’évolution de la maladie, et que avec et sans, le délai de guérison serait en moyenne identique. MAIS que dire des épisodes de détresse respiratoire enrayés par le désencombrement bronchique? Quid de la différence tangible de l’auscultation pulmonaire avant et après la séance? Comment expliquer dans certains cas le net gain au niveau de la SaO2, visible pendant la séance même? Enfin, tous les parents pourront confirmer une évolution nettement favorable concernant l’appétit des bébés traités par kiné respi. Il existe autant de manières de faire la kiné que de professionnels et les prétendues luxations costales peuvent peut être être évitées par juste un peu de douceur.. Cet article est malvenu en plein début d’épisode de bronchiolites, pourtant déjà bien installées, et ne servira qu’à semer le doute dans la tête de parents pourtant déjà bien assez inquiets de l’état de leur chérubin…

Sandrine
3 décembre 2012

8 bronchiolites pr mon second….heureusement que j avais le kiné…..

Manon
4 décembre 2012

Juste un rappel mais je n ai rien contre prescrire (qui a été le 1er a abordér des sujets fâcheux comme médiator p être…) : fut un temps la médecine a aussi dit que l enfant ne ressentait pas la douleur!!!! Et on opérait donc des générations d enfants sans anesthésie……mmmmm………

jcdubien
6 décembre 2012

La revue « Prescrire » s’est fait l’écho d’une revue de la littérature de la Cochrane concluant à l’inefficacité de la kiné respiratoire dans les bronchiolites… hospitalisées. Cette précision ne relève pas du détail, car, comme le souligne le Pr Vincent Gajdos, auteur de l’étude française Bronkinou (2010), la situation tout autre en ambulatoire justifie de faire appel à des critères d’efficacité très différents.

« Les neuf études sélectionnées, dont notre étude Bronkinou en France, n’ont inclus que des enfants hospitalisés, précise le Pr Vincent Gajdos, pédiatre à l’hôpital Antoine-Béclère (Clamart), et premier auteur d’un des deux seuls essais randomisés sur le sujet. La kiné à l’hôpital n’a pas diminué le délai de guérison ni la durée d’hospitalisation. Mais si la méthode n’a pas amélioré les enfants hospitalisés, on ne peut rien dire sur la situation en ville. Pas grand-chose de nouveau en somme, cette revue de la littérature existe depuis longtemps. Un essai testant l’efficacité de la kiné en ambulatoire s’avère nécessaire, ce que, tous, nous réclamons avec les réseaux bronchiolites. »

La suite sur :

http://www.lequotidiendumedecin.fr/specialites/infectiologie-pneumologie/bronchiolites-la-kine-n-pas-ete-evaluee-en-ville

olislagers
7 décembre 2012

Lettre ouverte à la rédaction de la revue Prescrire
en réponse à la publication de l’article :
« Bronchiolites : pas de place pour la kinésithérapie respiratoire »
par Marik FETOUH MKDE, DIU de kinésithérapie respiratoire,
chargé d’enseignements au CHU de Bordeaux
Bordeaux, le 6 décembre 2012
A l’attention du Dr Bruno Toussaint, directeur de la publication de la revue Prescrire
Les médias grand-public se sont emparés d’un article publié dans le numéro de décembre 2012 de
votre revue (Prescrire n°350) : « Bronchiolites : pas de place pour la kinésithérapie respiratoire » (1).
Au-delà du trop simpliste débat « pour ou contre la kinésithérapie respiratoire », il est difficile de
partager, tant sur le fond que sur la forme, votre interprétation de la synthèse méthodique du
Réseau Cochrane(2) à partir de laquelle vous vous permettez de conclure : « En 2012, on dispose de
données solides montrant que, chez les nourrissons atteints de bronchiolite, la kinésithérapie
respiratoire n’est pas efficace et a une balance bénéfices-risques défavorable, y compris avec la
technique habituellement utilisée en France. Mieux vaut épargner cette épreuve aux bébés. »
Dans la version résumée de votre article disponible en ligne(3), vous affirmez qu’il existe de graves
effets secondaires de la kinésithérapie respiratoire : « la kinésithérapie respiratoire expose les
nourrissons à d’autres effets indésirables, notamment des douleurs, voire des fractures de côtes
(1 fracture pour 1 000 nourrissons traités) ». Vous oubliez au passage de citer l’origine de cette
affirmation qui n’est pas la synthèse Cochrane. La version complète de votre article(1) prend soin
de citer la référence qui n’est autre que la revue Prescrire elle-même(4). Nous pouvons supposer que
cette ancienne publication se réfère à l’étude de Chalumeau datant de 2002(5) évoquée à la page
14 de la synthèse Cochrane en ces termes : « A retrospective observational study in the literature
suggests an association between rib fractures and chest physiotherapy (Chalumeau 2002) but this
adverse effect was not observed in any of the nine clinical trials included in this review. » Les moins
anglophones auront compris que la fracture de côte comme un effet secondaire est possible, mais
pas certain. De plus, cet effet secondaire n’a en effet été observé dans aucune des neuf études
analysées dans la synthèse Cochrane. Chalumeau concluait d’ailleurs prudemment que la
kinésithérapie respiratoire doit être considérée comme une cause potentielle de fracture de côte,
en l’absence d’autre cause identifiable dans les 5 cas constatés au cours de son étude
rétrospective. De plus, la question de la douleur n’est jamais abordée, contrairement à ce vous
affirmez.
Vous évoquez les autres effets indésirables en ces termes : « Les principaux effets indésirables
rapportés dans ces essais ont été une désaturation en oxygène pendant la séance, et des
vomissements avec la technique d’accélération du flux expiratoire. » Vous vous appuyez cette fois
sur le contenu de la synthèse Cochrane qui se base sur 9 études. Parmi ces 9 études, 2(6,7) n’étaient
pas publiées à l’époque de la synthèse et leurs auteurs ont donc été contactés pour clarification et
collecte des données. Ces 2 études, non accessibles directement encore aujourd’hui pour une revue
par les pairs, et quelle que soit leur qualité, ont-elles réellement leur place dans cette synthèse ?
La question mérite d’être posée. Parmi les 7 études restantes, 3(8,9,10) ont étudié les effets de la
kinésithérapie respiratoire telle qu’elle est pratiquée au sein de « l’école francophone », c’est à
dire une prise en charge à base de techniques expiratoires passives. Selon la synthèse
Cochrane : « la seule étude ayant spécifiquement étudié les effets indésirables (Gajdos 2010(8))
retrouve une proportion significativement plus grande d’enfants ayant présenté une déstabilisation
respiratoire transitoire ou ayant vomit dans le groupe traité par kinésithérapie respiratoire, mais
pas d’effet indésirable grave. » Toujours selon Cochrane, Rochat 2010(9) n’a observé aucune
complication directe de la kinésithérapie, telle qu’une détérioration respiratoire et Postiaux 2011(10)
n’a observé aucun effet indésirable.
Lettre ouverte à la rédaction de la revue Prescrire – Page 2 sur 4
En résumé selon Cochrane, 1 seule des 9 études a spécifiquement étudié les effets indésirables des
techniques expiratoires passives utilisées en France et conclut à leur augmentation dans le groupe
traité à l’hôpital par kinésithérapie respiratoire. Alors que votre conclusion est la suivante : « Les
principaux effets indésirables rapportés dans ces essais ont été une désaturation en oxygène
pendant la séance, et des vomissements avec la technique d’accélération du flux expiratoire. » Le
pluriel utilisé ici est totalement erroné, et il est impossible de conclure sur ce point sans études
complémentaires.
Se pose en outre la question de l’efficacité de la kinésithérapie respiratoire. Pour rappel, 4(7,8,9,10)
des 9 études retenues dans la synthèse Cochrane utilisent les techniques françaises dont 3(8,9,10) sont
publiées. En nous repenchant sur les conclusions de chacune de ces 3 études, voici ce que nous
lisons :
? Gajdos 2010
« IET + AC had no significant effect on time to recovery in this group of hospitalized infants with
bronchiolitis. Additional studies are required to explore the effect of chest physiotherapy on
ambulatory populations and for infants without a history of atopy. »
Ce que nous nous autorisons à traduire par : les techniques de kinésithérapie respiratoires
recommandées en France n’ont pas d’effet significatif sur le temps de guérison dans ce groupe
d’enfants hospitalisés pour bronchiolite. Des études supplémentaires sont nécessaires pour
explorer les effets de la kinésithérapie respiratoire sur la population traitée en ambulatoire
et pour les enfants sans antécédent d’atopie.
? Rochat 2010
« In conclusion, this study shows the absence of effectiveness of CP techniques using passive
acceleration of expiratory flux in infants hospitalized for bronchiolitis. It seems justified to
recommend against the routine prescription of CP, as already proposed by some consensus
conferences. This important finding should be included when establishing allocation of
resources in the actual cost-containment era. Further work is needed before extending this
recommendation to children managed on an outpatient basis. »
La traduction est claire : en conclusion, cette étude montre l’absence d’efficacité de la
kinésithérapie respiratoire utilisant les techniques expiratoires passives chez les enfants
hospitalisés pour bronchiolite. Il semble justifié de recommander de ne pas prescrire en
routine la kinésithérapie respiratoire, comme cela est déjà proposé par certaines conférences
de consensus. Cette importante conclusion devrait être prise en compte dans l’attribution des
financements en cette époque de maîtrise des dépenses. Un travail complémentaire est
nécessaire avant d’étendre cette recommandation aux enfants traités en ambulatoire.
? Postiaux 2011
« Our new CPT method showed short-term benefits to some respiratory symptoms of bronchial
obstruction in infants with acute respiratory syncytial virus bronchiolitis. »
En voici notre traduction : notre nouvelle méthode de kinésithérapie respiratoire a montré des
bénéfices à court-terme sur certains symptômes respiratoires d’obstruction bronchique chez les
enfants avec bronchiolite à virus respiratoire syncitial.
L’une de ces 3 études conclut à un intérêt de la kinésithérapie respiratoire tandis que les 2 autres
ne montrent pas d’effet significatif sur les patients hospitalisés pour bronchiolite et souhaitent,
que des études supplémentaires soient réalisées pour évaluer les effets de la kinésithérapie
respiratoire chez les enfants traités en ambulatoire présentant une bronchiolite légère à
modérée. Et ce d’autant plus ces 2 études évoquent d’autres pistes de recherche avec un effet
statistiquement significatif selon la sous-population concernée (non atopique dans Gajdos 2010) ou
l’objectif étudié (amélioration d’un score clinique et respiratoire incluant l’auscultation dans
Rochat 2010).
Cette analyse met en évidence que :
– seulement 3 études nous concernent car publiées et se rapportant aux techniques de l’école
francophone
– parmi ces 3 études exploitables, une est favorable à la kinésithérapie respiratoire
– ces études portent sur les nourrissons hospitalisés, c’est à dire 2 à 3 % des nourrissons,
– 2 études sur 3 ne mettent pas en évidence d’effets secondaires de la kinésithérapie
– aucune des 3 ne parlent de fractures costales.
Lettre ouverte à la rédaction de la revue Prescrire – Page 3 sur 4
Votre conclusion « En 2012, on dispose de données solides montrant que, chez les nourrissons
atteints de bronchiolite, la kinésithérapie respiratoire n’est pas efficace et a une balance bénéficesrisques
défavorable, y compris avec la technique habituellement utilisée en France. » est donc non
conforme à la réalité, tant sur le fond, puisqu’il n’y a pas de données solides permettant de
trancher dans un sens ou dans l’autre contrairement à ce que vous affirmez, ni sur la forme, car
vous vous référez à des études faites en milieu hospitalier, et vous vous permettez néanmoins de
conclure pour l’ensemble des populations de patients pris en charge, y compris en ville.
Nous venons de démontrer que contrairement à ce que vous affirmez, il n’existe pas de données
solides, ni au sujet de l’efficacité de la kinésithérapie respiratoire, ni concernant ses potentiels
effets secondaires, et qu’il reste donc à mener de nouvelles études, en particulier sur la prise en
charge en ville. Votre article ne fait que reprendre des études connues depuis un certain temps, qui
ne permettent pas de trancher la question. Aussi, et jusqu’à ce qu’une mise à jour des
recommandations de la HAS soit faite, c’est la conférence de consensus de 2000(11) qui s’applique en
France : la kinésithérapie respiratoire, ne vous en déplaise, est donc toujours recommandée dans la
prise en charge de la bronchiolite du nourrisson.
Plutôt que de jeter injustement l’anathème sur les kinésithérapeutes avec un certain acharnement
depuis 2006, année de votre première publication qui disait déjà exactement la même chose, vous
devriez plutôt vous interroger sur les raisons d’un manque de données probantes dans ce domaine.
Le fait que la kinésithérapie ne soit pas encore en France une discipline universitaire, à la
différence de presque tous les autres pays européens, nous prive des moyens nécessaires à la
réalisation de telles études.
Plutôt que de faire inutilement peur aux dizaines de milliers de familles qui ont ou vont avoir
recours à la kinésithérapie respiratoire pendant cette épidémie de bronchiolite, il serait plus utile
et plus logique de demander, aux côtés de toutes les organisations professionnelles des
kinésithérapeutes, une intégration de la kinésithérapie comme discipline universitaire, ainsi que la
conduite de véritables études multicentriques contrôlées et randomisées qui portent sur la prise en
charge du nourrisson en ville.
Comme le précise l’article R 4127-13 du code de déontologie médicale « Lorsque le médecin
participe à une action d’information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu’en soit le
moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et
avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public ». Force est de constater que la
publication de cet article dans la revue dont vous dirigez la rédaction ne fait pas état de « données
confirmées », ni de la plus élémentaire « prudence » et s’inquiète encore moins de l’impact au
niveau du public. Afin de vous mettre en conformité avec le Code de déontologie médicale, et de
permettre un juste droit de réponse aux professionnels qui ont été bafoués par vos allégations, je
vous demande de publier cette lettre ouverte sur le site de la revue Prescrire, ainsi que dans son
prochain numéro.
Dans cette attente, je vous prie de croire en l’expression de mes salutations très distinguées.
Marik FETOUH

olislagers
7 décembre 2012

Lettre ouverte à la rédaction de la revue Prescrire
en réponse à la publication de l’article :
« Bronchiolites : pas de place pour la kinésithérapie respiratoire »
par Marik FETOUH MKDE, DIU de kinésithérapie respiratoire,
chargé d’enseignements au CHU de Bordeaux
Bordeaux, le 6 décembre 2012
A l’attention du Dr Bruno Toussaint, directeur de la publication de la revue Prescrire
Les médias grand-public se sont emparés d’un article publié dans le numéro de décembre 2012 de
votre revue (Prescrire n°350) : « Bronchiolites : pas de place pour la kinésithérapie respiratoire » (1).
Au-delà du trop simpliste débat « pour ou contre la kinésithérapie respiratoire », il est difficile de
partager, tant sur le fond que sur la forme, votre interprétation de la synthèse méthodique du
Réseau Cochrane(2) à partir de laquelle vous vous permettez de conclure : « En 2012, on dispose de
données solides montrant que, chez les nourrissons atteints de bronchiolite, la kinésithérapie
respiratoire n’est pas efficace et a une balance bénéfices-risques défavorable, y compris avec la
technique habituellement utilisée en France. Mieux vaut épargner cette épreuve aux bébés. »
Dans la version résumée de votre article disponible en ligne(3), vous affirmez qu’il existe de graves
effets secondaires de la kinésithérapie respiratoire : « la kinésithérapie respiratoire expose les
nourrissons à d’autres effets indésirables, notamment des douleurs, voire des fractures de côtes
(1 fracture pour 1 000 nourrissons traités) ». Vous oubliez au passage de citer l’origine de cette
affirmation qui n’est pas la synthèse Cochrane. La version complète de votre article(1) prend soin
de citer la référence qui n’est autre que la revue Prescrire elle-même(4). Nous pouvons supposer que
cette ancienne publication se réfère à l’étude de Chalumeau datant de 2002(5) évoquée à la page
14 de la synthèse Cochrane en ces termes : « A retrospective observational study in the literature
suggests an association between rib fractures and chest physiotherapy (Chalumeau 2002) but this
adverse effect was not observed in any of the nine clinical trials included in this review. » Les moins
anglophones auront compris que la fracture de côte comme un effet secondaire est possible, mais
pas certain. De plus, cet effet secondaire n’a en effet été observé dans aucune des neuf études
analysées dans la synthèse Cochrane. Chalumeau concluait d’ailleurs prudemment que la
kinésithérapie respiratoire doit être considérée comme une cause potentielle de fracture de côte,
en l’absence d’autre cause identifiable dans les 5 cas constatés au cours de son étude
rétrospective. De plus, la question de la douleur n’est jamais abordée, contrairement à ce vous
affirmez.
Vous évoquez les autres effets indésirables en ces termes : « Les principaux effets indésirables
rapportés dans ces essais ont été une désaturation en oxygène pendant la séance, et des
vomissements avec la technique d’accélération du flux expiratoire. » Vous vous appuyez cette fois
sur le contenu de la synthèse Cochrane qui se base sur 9 études. Parmi ces 9 études, 2(6,7) n’étaient
pas publiées à l’époque de la synthèse et leurs auteurs ont donc été contactés pour clarification et
collecte des données. Ces 2 études, non accessibles directement encore aujourd’hui pour une revue
par les pairs, et quelle que soit leur qualité, ont-elles réellement leur place dans cette synthèse ?
La question mérite d’être posée. Parmi les 7 études restantes, 3(8,9,10) ont étudié les effets de la
kinésithérapie respiratoire telle qu’elle est pratiquée au sein de « l’école francophone », c’est à
dire une prise en charge à base de techniques expiratoires passives. Selon la synthèse
Cochrane : « la seule étude ayant spécifiquement étudié les effets indésirables (Gajdos 2010(8))
retrouve une proportion significativement plus grande d’enfants ayant présenté une déstabilisation
respiratoire transitoire ou ayant vomit dans le groupe traité par kinésithérapie respiratoire, mais
pas d’effet indésirable grave. » Toujours selon Cochrane, Rochat 2010(9) n’a observé aucune
complication directe de la kinésithérapie, telle qu’une détérioration respiratoire et Postiaux 2011(10)
n’a observé aucun effet indésirable.
Lettre ouverte à la rédaction de la revue Prescrire – Page 2 sur 4
En résumé selon Cochrane, 1 seule des 9 études a spécifiquement étudié les effets indésirables des
techniques expiratoires passives utilisées en France et conclut à leur augmentation dans le groupe
traité à l’hôpital par kinésithérapie respiratoire. Alors que votre conclusion est la suivante : « Les
principaux effets indésirables rapportés dans ces essais ont été une désaturation en oxygène
pendant la séance, et des vomissements avec la technique d’accélération du flux expiratoire. » Le
pluriel utilisé ici est totalement erroné, et il est impossible de conclure sur ce point sans études
complémentaires.
Se pose en outre la question de l’efficacité de la kinésithérapie respiratoire. Pour rappel, 4(7,8,9,10)
des 9 études retenues dans la synthèse Cochrane utilisent les techniques françaises dont 3(8,9,10) sont
publiées. En nous repenchant sur les conclusions de chacune de ces 3 études, voici ce que nous
lisons :
? Gajdos 2010
« IET + AC had no significant effect on time to recovery in this group of hospitalized infants with
bronchiolitis. Additional studies are required to explore the effect of chest physiotherapy on
ambulatory populations and for infants without a history of atopy. »
Ce que nous nous autorisons à traduire par : les techniques de kinésithérapie respiratoires
recommandées en France n’ont pas d’effet significatif sur le temps de guérison dans ce groupe
d’enfants hospitalisés pour bronchiolite. Des études supplémentaires sont nécessaires pour
explorer les effets de la kinésithérapie respiratoire sur la population traitée en ambulatoire
et pour les enfants sans antécédent d’atopie.
? Rochat 2010
« In conclusion, this study shows the absence of effectiveness of CP techniques using passive
acceleration of expiratory flux in infants hospitalized for bronchiolitis. It seems justified to
recommend against the routine prescription of CP, as already proposed by some consensus
conferences. This important finding should be included when establishing allocation of
resources in the actual cost-containment era. Further work is needed before extending this
recommendation to children managed on an outpatient basis. »
La traduction est claire : en conclusion, cette étude montre l’absence d’efficacité de la
kinésithérapie respiratoire utilisant les techniques expiratoires passives chez les enfants
hospitalisés pour bronchiolite. Il semble justifié de recommander de ne pas prescrire en
routine la kinésithérapie respiratoire, comme cela est déjà proposé par certaines conférences
de consensus. Cette importante conclusion devrait être prise en compte dans l’attribution des
financements en cette époque de maîtrise des dépenses. Un travail complémentaire est
nécessaire avant d’étendre cette recommandation aux enfants traités en ambulatoire.
? Postiaux 2011
« Our new CPT method showed short-term benefits to some respiratory symptoms of bronchial
obstruction in infants with acute respiratory syncytial virus bronchiolitis. »
En voici notre traduction : notre nouvelle méthode de kinésithérapie respiratoire a montré des
bénéfices à court-terme sur certains symptômes respiratoires d’obstruction bronchique chez les
enfants avec bronchiolite à virus respiratoire syncitial.
L’une de ces 3 études conclut à un intérêt de la kinésithérapie respiratoire tandis que les 2 autres
ne montrent pas d’effet significatif sur les patients hospitalisés pour bronchiolite et souhaitent,
que des études supplémentaires soient réalisées pour évaluer les effets de la kinésithérapie
respiratoire chez les enfants traités en ambulatoire présentant une bronchiolite légère à
modérée. Et ce d’autant plus ces 2 études évoquent d’autres pistes de recherche avec un effet
statistiquement significatif selon la sous-population concernée (non atopique dans Gajdos 2010) ou
l’objectif étudié (amélioration d’un score clinique et respiratoire incluant l’auscultation dans
Rochat 2010).
Cette analyse met en évidence que :
– seulement 3 études nous concernent car publiées et se rapportant aux techniques de l’école
francophone
– parmi ces 3 études exploitables, une est favorable à la kinésithérapie respiratoire
– ces études portent sur les nourrissons hospitalisés, c’est à dire 2 à 3 % des nourrissons,
– 2 études sur 3 ne mettent pas en évidence d’effets secondaires de la kinésithérapie
– aucune des 3 ne parlent de fractures costales.
Lettre ouverte à la rédaction de la revue Prescrire – Page 3 sur 4
Votre conclusion « En 2012, on dispose de données solides montrant que, chez les nourrissons
atteints de bronchiolite, la kinésithérapie respiratoire n’est pas efficace et a une balance bénéficesrisques
défavorable, y compris avec la technique habituellement utilisée en France. » est donc non
conforme à la réalité, tant sur le fond, puisqu’il n’y a pas de données solides permettant de
trancher dans un sens ou dans l’autre contrairement à ce que vous affirmez, ni sur la forme, car
vous vous référez à des études faites en milieu hospitalier, et vous vous permettez néanmoins de
conclure pour l’ensemble des populations de patients pris en charge, y compris en ville.
Nous venons de démontrer que contrairement à ce que vous affirmez, il n’existe pas de données
solides, ni au sujet de l’efficacité de la kinésithérapie respiratoire, ni concernant ses potentiels
effets secondaires, et qu’il reste donc à mener de nouvelles études, en particulier sur la prise en
charge en ville. Votre article ne fait que reprendre des études connues depuis un certain temps, qui
ne permettent pas de trancher la question. Aussi, et jusqu’à ce qu’une mise à jour des
recommandations de la HAS soit faite, c’est la conférence de consensus de 2000(11) qui s’applique en
France : la kinésithérapie respiratoire, ne vous en déplaise, est donc toujours recommandée dans la
prise en charge de la bronchiolite du nourrisson.
Plutôt que de jeter injustement l’anathème sur les kinésithérapeutes avec un certain acharnement
depuis 2006, année de votre première publication qui disait déjà exactement la même chose, vous
devriez plutôt vous interroger sur les raisons d’un manque de données probantes dans ce domaine.
Le fait que la kinésithérapie ne soit pas encore en France une discipline universitaire, à la
différence de presque tous les autres pays européens, nous prive des moyens nécessaires à la
réalisation de telles études.
Plutôt que de faire inutilement peur aux dizaines de milliers de familles qui ont ou vont avoir
recours à la kinésithérapie respiratoire pendant cette épidémie de bronchiolite, il serait plus utile
et plus logique de demander, aux côtés de toutes les organisations professionnelles des
kinésithérapeutes, une intégration de la kinésithérapie comme discipline universitaire, ainsi que la
conduite de véritables études multicentriques contrôlées et randomisées qui portent sur la prise en
charge du nourrisson en ville.
Comme le précise l’article R 4127-13 du code de déontologie médicale « Lorsque le médecin
participe à une action d’information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu’en soit le
moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et
avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public ». Force est de constater que la
publication de cet article dans la revue dont vous dirigez la rédaction ne fait pas état de « données
confirmées », ni de la plus élémentaire « prudence » et s’inquiète encore moins de l’impact au
niveau du public. Afin de vous mettre en conformité avec le Code de déontologie médicale, et de
permettre un juste droit de réponse aux professionnels qui ont été bafoués par vos allégations, je
vous demande de publier cette lettre ouverte sur le site de la revue Prescrire, ainsi que dans son
prochain numéro.

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