Fugue d'un patient : quelle responsabilité pour les infirmières ?

Rédaction ActuSoins
16 septembre 2013 @ 9 h 53 min

Le vieillissement de la population, l’augmentation du nombre des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer rendent le risque de fugue en établissement de santé, en EHPAD et en maison de retraite plus présent aujourd’hui.

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infirmière fugueLa fugue d’un patient atteint de sénilité ou d’une maladie psychiatrique peut être à l’origine d’un important dommage tant pour le patient lui-même que pour des tiers.

Il est ainsi déclaré chaque année des fugues se terminant par la mort du patient des suites d’un accident ou d’une hypothermie, ou par la blessure ou le décès d’un tiers suite à l’accident provoqué par le patient, comme ce fut le cas par exemple après qu’un fugueur atteint de la maladie d’Alzheimer ait volé une voiture, pris l’autoroute voisine à contresens et provoqué une collision mortelle.

L’état du patient rendant inenvisageable une action contre lui, c’est contre l’établissement d’accueil ou les professionnels l’ayant pris en charge que celle-ci sera dirigée. L’action contre les praticiens ou en rapport avec l’activité des agents paramédicaux nécessite la démonstration d’une faute devant avoir un lien avec le dommage subi.

Celle contre l’établissement peut être mise en œuvre par la victime du patient fugueur sans démonstration de faute comme l’a décidé l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation dans son arrêt du 29 mars 1991. A la suite d’un incendie de forêt provoqué par un pensionnaire ayant fugué d’un CAT, la plus haute juridiction civile française a considéré que « l’association gestionnaire du centre doit répondre, au sens de l’article 1384 alinéa 1 du code civil, de son pensionnaire et réparer les dommages qu’il a causés dès lors que l’association a la charge d’organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ce handicapé ».

L’admission

Le principe de la liberté d’aller et venir est constitutionnel et même supranational (article 18 du traité instituant la communauté européenne du 25 mars 1957) et implique que toute limitation soit strictement motivée. Ainsi il est tout autant fautif de priver sans raison légitime un patient de sa liberté d’aller et venir que de ne pas prendre les mesures nécessaires pour éviter les dommages liés à sa pathologie.

L’orientation du patient vers un établissement déterminé engage la responsabilité du médecin traitant mais également celle du praticien ayant décidé d’accepter l’admission de ce patient dans son service ou dans l’établissement qu’il est chargé de coordonner. Ainsi le décret du 27 mai 2005 définissant les missions du médecin coordonnateur d’un EHPAD prévoit qu’il doit donner son avis sur les admissions, c’est-à-dire vérifier la compatibilité de l’état du patient avec les moyens effectivement disponibles dans le service et ce indépendamment de l’avis du médecin traitant ou du directeur administratif.

S’il est découvert que la pathologie du patient nécessitait un environnement spécifique en locaux ou en personnel qui ne pouvait être assuré dans l’établissement choisi, cela peut suffire pour engager, après une fugue dommageable, la responsabilité des praticiens ayant contribué à cette admission.

La surveillance

Elle appartient en premier lieu au personnel de l’établissement qui doit mettre en œuvre les consignes particulières décidées par le praticien ayant en charge le patient ou les protocoles préalablement établis qui doivent être écrits, datés et signés par un médecin.

La contention d’un malade doit être utilisée avec une grande prudence et ne constitue pas un moyen acceptable de prévention des fugues comme le prévoit le guide de l’ANAES « limiter les risques de la contention physique de la personne âgée » d’octobre 2000. Celui-ci insiste sur la nécessité d’une prescription médicale avant toute contention qui ne peut être laissée à la seule initiative du personnel paramédical de l’établissement. Ceci a été utilement complété, à propos de la prévention des fugues, par la conférence de consensus « liberté d’aller et venir dans les établissements sanitaires et médico-sociaux et obligation de sécurité » (24 – 25 septembre 2004).

Les fautes se retrouvent dans l’absence de prescription des mesures de surveillance ou d’adaptation de celles-ci à l’évolution de la pathologie, dans le défaut de mise en œuvre des consignes prescrites, dans l’insuffisance quantitative ou qualitative de personnel et dans l’inadaptation des locaux à la bonne sécurité des patients. Il sera bien entendu tenu compte, pour l’appréciation des moyens nécessaires, de la gravité de la pathologie et donc du caractère prévisible ou non de la fugue.

Pour les moyens humains, même s’il n’existe pas aujourd’hui de norme obligatoire pour la quantité ou la qualification des personnels, il sera tenu compte des effectifs habituels dans le type d’établissement concerné et des décrets de compétence de chaque profession afin de vérifier que chacun accompli bien la tâche pour laquelle il a été formé.

Pour les locaux, ils doivent correspondre au risque encouru par les patients et il est par exemple difficilement admissible aujourd’hui que dans un service accueillant des patients atteints de la maladie d’Alzheimer il soit possible de sortir sans que personne ne s’en aperçoive en poussant simplement la barre de l’issue de secours. Des portes à code ou des bracelets de sécurité doivent alors être demandés. Si l’établissement lui-même est responsable de ces défauts d’environnement, cela n’exonère pas les personnes qui y exercent de leur propre faute (par exemple l’absence de signalement des situations à risque).

En matière pénale la responsabilité est personnelle, les fugues liées à un défaut de surveillance pouvant, sur la base des blessures ou de l’homicide involontaires, conduire à la condamnation du médecin ayant en charge le patient, du personnel devant assurer cette surveillance et du directeur de l’établissement, voire de l’établissement lui-même.

La découverte de la fugue et les mesures prises

La faute peut également se retrouver dans le retard à la découverte de la fugue qui signe alors un défaut de surveillance. Il n’est pas admissible, chez un patient à risque, que la fugue soit découverte cinq heures plus tard alors que le patient a déjà subi ou provoqué le dommage. Il n’existe pas de norme fixant la fréquence de passage de jour ou de nuit du personnel pour vérifier que le patient est en sécurité mais il sera demandé quels ont été les horaires réels des différentes visites qu’il est alors prudent de noter dans le dossier du patient ou le dossier de soins infirmiers.

Il sera par ailleurs demandé de produire les consignes écrites ou le protocole tout en vérifiant qu’ils ont bien été respectés. Si un contrôle toutes les deux heures est bien admis, un toutes les quatre heures sera plus difficile à faire accepter. Il convient également de définir une procédure d’actions à mettre en œuvre une fois que la fugue est constatée (information du directeur de l’établissement ou de l’administrateur de garde, des services de police ou de gendarmerie, de la famille du patient, mise en œuvre des premières recherches…). Un retard à la mise en œuvre de ces différentes mesures peut faire perdre une chance de retrouver rapidement le patient et d’éviter le dommage et constitue ainsi une source de responsabilité.

Enfin il est très important d’éviter la récidive en adoptant les mesures nécessaires tant à l’égard de ce patient à l’issue de sa première fugue qu’à l’égard des procédures et moyens de sécurité utilisés. Il sera beaucoup plus difficile de justifier la quatrième fugue, cette fois-ci mortelle, chez le même patient ou la fugue du quatrième patient du même service…Mais les moyens ne doivent pas être pires que les maux à prévenir, comme par exemple la condamnation pure et simple de l’issue de secours par une chaîne et un cadenas, au risque de mettre en danger la vie de l’ensemble des pensionnaires en cas d’incendie, ou l’arrêt des activités occupationnelles pour l’ensemble des patients !

La prévention des fugues constitue ainsi un vrai travail d’équipe engageant la responsabilité de chaque membre, selon son statut et son domaine de compétence. Si les difficultés de prise en charge des patients fugueurs, dont les droits doivent par ailleurs être respectés, sont prises en compte, elles ne permettront pas souvent de justifier les fautes commises notamment dans l’admission, la surveillance et la réaction suite à la fugue.

Germain Decroix – juriste MACSF

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12 réactions

Coralie Deffein
16 septembre 2013

si l on a la possibilité de garder c est proche chez soit je le conseil vivement.

Selem Za
16 septembre 2013

Dans des cas de démence dégénérative , quand serait-il ? a domicile , un danger pour eux-même et pour les autres aussi ..ne devrions pas nous faire appel à une requête préfectorale , comme déjà il est établi pour des démences neuro-psychiatrique ..le code de déontologie médicale est parfois pas très clair en terme de protection , et de responsabilité ..y a des choses a revoir ..comme la maltraitance et la négligeance qui sont souvent antagoniste en ces termes .

Odile Courbot
16 septembre 2013

les garder chez soit impossible ..on a une vie aussi

Virginie Saboureau
16 septembre 2013

Attention on bannit le mot « fugue » ,désormais on dit « sortie inopinée »- recommandation H.A.S

Virginie Saboureau
16 septembre 2013

Il n y a pas suffisamment de structure fermée, et donc adaptée à ce type de troubles…

Veronique Le Gall
16 septembre 2013

oui, 24h/24, 365j/365 à vivre avec une personne désorientée, toujours sur le qui-vive, c’est épuisant : gros manque d’accueil de jour ou temporaire de quelques semaines pour pouvoir souffler…

Coralie Deffein
16 septembre 2013

quand c est un proches on ferait n importe quoi pour l avoir chez soit surtout que ya des aides pour cela.après tout le monde n a pas la possibilité de le faire a cause de sont partenaire qui refuse recevoir ça belle maman sous sont toit.ce qui est bien dommage.dans les ehpad soit ya le manque de place manque d effectif.aprés oui il peut faire une fugue pareille a la maison fin c est sur plu facile a dire cas faire.

Ashburn
17 septembre 2013

Bonjour,

Je suis étudiant en soins infirmiers, actuellement en stage en établissement de santé mentale. Qu’en est-il de la responsabilité du service si un patient en hospitalisation libre fugue, et à qui il arriverait quelque chose de dommageable pour lui même ?

Le patient, étant en HL, et non SPDT/SPDRE/Péril imminent, il évolue dans le cas que je soumets, dans un secteur ouvert. Au regard de son mode d’hospitalisation, on ne peut le contraindre à quoi que ce soit.

Lors de ses fugues, nous sommes souvent avertis de sa présence en différents lieux : nous prenons un véhicule de service, suivons un protocole établi (prévenir l’IDE coordinateur et le cadre de santé) et partons à deux afin d’essayer de le raisonner. Sommes nous couverts si nous avons un accident hors de l’enceinte ?

Merci de vos réponse, et merci pour votre article également.

idolys
17 septembre 2013

Des alternatives existent avant la contention par une surveillance discrète.
Depuis 1990, M. Briantais a travaillé et breveté des solutions qui permettent d’avoir une étape complémentaire avant la contention.
Basée sur une surveillance passive et discrète, le système est actuellement en service dans de nombreux établissements et rend vraiment service.
Il est commercialisé par la société Idolys (www.idolys.fr)

leilou
17 septembre 2013

De ce que je comprends c’est que la responsabilité peut porter sur tout le monde et que chacun se renverra la balle.
IDE dans un service de court séjour, nous sommes souvent confrontés à ce type de population. nous prévenons les médecins et notamment le chef de service des risques de fugue liés à tels et tels patients… On est souvent confronté à la sourde oreille ou a des prescriptions inadaptées comme mettre une PSE d’hypnovel pour calmer sans sédater, une personne qui marche et qui évidemment se l’arrache et fugue.

Le personnel est souvent dépassé par un manque d’effectif et un hôpital de campagne dont la sécurité des locaux n’assurent pas la prise en charge de ce type de patient…sans compter les risques de violence à l’égard du personnel.
Alors tout tracer je veux bien, mais on n’a pas le temps non plus. Personnellement je fais pas mal d’heures sup juste pour les trans écrites, les déclarations….

Moi j’aimerais savoir où commence la responsabilité du médecin et où s’éteint celle du personnel sur qui il est aisé de taper dessus…comme on dit, nous faisons beaucoup de soins en chambre, nous n’avons pas la possibilité matérielle d’être derrière chaque patient fugueur…

danlili
17 septembre 2013

il y a la loi , la liberté d aller et venir ,mais le mode si je peux me permettre importe peu au dela bien sur du mode SDRE, seule la prescription medicale prevale dans le sens qu on peut parler de mode d hospitalisation a l entrée , a son initiative ou sans consentement (car n avait pas les capacités de « jugement » a ce moment la ):
un patient en santé mentale en HL s il souhaite partir doit etre vu par un medecin qui est seul « juge » s il peut partir et donc le passer en sdt ‘plus complique avec la nouvelle loi) si risque suicidaire ou « dangereux » tout pour dire que le medecin peut decider de demander la réintegration ou lever son hospitalisation
Bien sur cela depend des etablissements et du medecin
Enfin il n y a jamais à engager sa responsabilité si on suit le protocole: cadre de sante , medecin en cas d accident

leilou
17 septembre 2013

tu ne dois pas être soignant pour répondre de la sorte… les gens comme toi qui parlent ainsi ne connaissent rien du milieu soignant et des difficultés de garder un proche dément, qui fugue, devient violent….dernièrement on en a un qui a séquestré et battu sa femme du fait de sa démence…qu’en penses tu ?

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