Prothèses PIP : retour sur un scandale

Rédaction ActuSoins
17 mars 2014 @ 21 h 28 min

Des défauts et dysfonctionnements – notamment des ruptures de l’enveloppe – ont été signalés dès 2005 par les chirurgiens utilisateurs des implants mammaires défectueux de la société Poly Implant Prothèse (PIP), selon des documents internes que s’est procuré Mediapart.

Prothèses PIP : retour sur un scandaleIl s’agit de rapports mensuels d’activité établis par la direction commerciale de PIP entre début 2005 et fin 2009.

Rappelons que la suspension de la commercialisation des prothèses PIP a été décidée en mars 2010 après que l’Afssaps (aujourd’hui Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ANSM) ait constaté que le gel utilisé était différent de celui mentionné dans le dossier réglementaire.

Le fondateur de PIP, Jean-Claude Mas, a été condamné à quatre ans de prison et 75.000 euros d’amende en décembre 2013 par le tribunal correctionnel de Marseille pour tromperie aggravée et escroquerie.

Petit retour chronologique : dès mars 2005, les commerciaux de PIP s’inquiétaient auprès de leur hiérarchie : « suite à de nombreux problèmes rencontrés avec PIP (extrusions, cas de formation de liquide séreux important lors de reconstructions, ruptures de stock à gérer), ce très gros client a laissé sous-entendre qu’il pourrait très prochainement aller à la concurrence », relate Mediapart.

Un représentant déplore que le chirurgien ait été réduit à «  ouvrir 7 boîtes d’implants PIP… pour en éliminer 5… et en poser 2 !! « . Certains chirurgiens signalent  « de cheveux, de bulles, de peluches, de taches ou de traces de silicone » sur l’enveloppe.

En mai 2006 :  » vu les cas de plus en plus fréquents de ruptures des pmi en gel, l’explication que l’épaisseur est conforme aux normes n’est pas appropriée ni justifiée. Les chirurgiens parlent entre eux « , écrit un représentant.

En février 2007, un représentant redoute que certains chirurgiens soient, « je cite, intimement convaincus d’avoir implanté des dispositifs limite ou douteux… ».  » Je pense que cette année, nous allons approcher la centaine de ruptures. C’est grave et les conséquences peuvent être dramatiques pour nous. A chaque fois, il y a une déclaration de matériovigilance: un jour, l’Afssaps va trouver [cela] bizarre ! », écrit un autre commercial en 2007.

L’Afssaps est resté muette

Dans cette affaire, Mediapart critique « l’apparente sérénité de l’Afssaps, qui ne s’étonne pas de l’augmentation des déclarations d’incidents ». En 2008, un médecin du service du professeur Chavoin au CHU de Toulouse vérifie l’état d’une prothèse PIP qu’il s’apprête à utiliser. L’implant lui éclate dans les mains, relate Mediapart. Une déclaration de matériovigilance est faite, et la prothèse rompue est envoyée à l’Afssaps. Mais l’agence ne réagit pas.

En septembre 2008, le Dr Christian Marinetti de la clinique Phénicia de Marseille parle d’un « gel toxique ». Il envoie un mail à l’Afssaps en novembre 2008, demandant à l’agence de faire une analyse physico-chimique du gel des prothèses PIP.  En mai 2008, une patiente du docteur Félix – exerçant dans la même clinique – doit être opérée en urgence parce que les médecins craignent qu’elle n’ait des métastases. En fait, la patiente souffre de nombreux siliconomes, effet récurrent du gel, ajoute Mediapart.

Cela n’empêche pas PIP de remporter en juin 2008 le marché des prothèses pour des centres de lutte contre le cancer (CLCC).  Sont mentionnés l’Institut Curie (Paris), le centre Léon-Bérard (Lyon), l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif, Val-de-Marne) et l’Institut Claudius-Regaud (Toulouse). Le marché tiendra un an.

Redaction ActuSoins, avec Mediapart

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