Le civisme à l'hôpital avec les Gilets bleus

Delphine Bauer
5 novembre 2014 @ 15 h 02 min

Depuis 2012, de petits gilets bleus arpentent, mobiles, les couloirs de l’hôpital Mondor à Créteil. Ils ont entre 18 et 23 ans et ont été recrutés pour effectuer leur service civique dans les murs même de l’établissement. (A lire également dans le numéro 14 d’ActuSoins)

©Natacha Soury Yoann, Fréderic et un camarade de l’équipe des Gilets bleus

©Natacha Soury
Yoann, Fréderic et un camarade de l’équipe des Gilets bleus

La cardiologie ? C’est au 12e étage, Madame”. Frédéric, la vingtaine, étudiant en reconversion qui ne reprendra les cours qu’à la rentrée, vient de renseigner une femme qui débarquait, un peu perdue, à Mondor.

Pendant ce temps, Yoann, 21 ans, aide une personne âgée dotée d’une canne à se rendre dans le bon service.

Leur point commun : le gilet bleu qu’ils portent tous les deux. Ces petits « plus » apportés aux patients, aux familles dans le flou, grâce à ces jeunes qui réalisent leur service civique, sont le résultat du combat d’un homme, Théo Yamou.

Dynamique, plein de bonne volonté, Théo Yamou fonde en 2007 l’association Banlieues sans Frontière. Le but ? Participer à la réinsertion de jeunes en difficultés, favoriser le dialogue intergénérationnel et interculturel.

L’idée d’un partenariat avec l’hôpital Mondor lui vient à l’esprit, mais au départ, il doit faire face à des réticences. “Les syndicats avaient peur que l’on pique des postes existants”, mais en vérité, aucune embauche en interne n’était prévue. “Le dispositif des Gilets Bleus vient compléter ce qui existe déjà, il n’y a pas de concurrence directe”, estime-t-il.

Une fois acceptés, les Gilets bleus se sont fait leur place et leur réputation.

Du côté des jeunes, “c’est une expérience valorisante et cela leur donne la possibilité de faire ses stages dans d’autres services à l’hôpital. En plus, ils perçoivent une indemnité pour les heures travaillées”, détaille Théo Yamou.

Depuis, il se targue que trois d’entre eux ont été embauchés, et, sur les cinq lycéens qui préparaient le bac cette année, trois l’ont obtenu.

Même s’il se souvient que dans les premiers temps du projet, il a du “aller chercher les jeunes dans les cages d’escaliers, le soir venu. Je devais gagner leur confiance et leur faire comprendre que cette fois-ci ce n’était pas des promesses mais du concret”, se rappelle-t-il.

Il va même jusqu’à déclarer : “avec ce dispositif, je retire de la main d’oeuvre aux dealers.” Le bouche-à-oreille a fait son effet : les jeunes viennent aujourd’hui à lui.

 Un rôle intermédiaire

Après une formation sur le service civique au siège de l’association, les Gilets bleus apprennent la nature de leur mission à Mondor.

Ils sont formés à la connaissance géographique de l’hôpital, à la communication, afin de savoir gérer les gestes d’agressivité, reçoivent des informations sur l’hygiène de l’hôpital, sur Alzheimer et bénéficient aussi d’une formation de premier secours.”

Ils doivent renseigner les patients, aller les chercher, les accompagner à la cafétéria, au Relais H, ou fumer une cigarette. “Cela permet d’humaniser l’hôpital, de combler l’angoisse de certaines familles ou de personnes seules”, détaille Théo Yamou.

Les Gilets bleus sont aussi en contact avec les soignants. “Après une consultation, ils prennent en charge les patients, et cela décharge les personnels soignants.”

Yoann estime : “nous sommes devenus indispensables à l’hôpital”. Ce dernier se qualifie volontiers “d’ancien décrocheur scolaire”.

Aujourd’hui, il a pris ses marques, “du plomb dans la tête, parle bien aux patients et a surmonté sa phobie du fauteuil roulant : je ne savais pas mettre le frein!”, raconte le jeune homme, qui espère être embauché à l’hôpital par la suite.

Frédéric explique “voir des trucs de dingue. On a affaire à la mort, on accompagne les gens à la levée de corps. L’hôpital c’est aussi un brassage culturel, on voit toutes les classes sociales, des gens de partout. Je réalise qu’on est tous égaux face à la santé”, lâche le jeune homme, en interaction constante avec l’équipe soignante. “Pour un patient paralysé, j’ai demandé de l’aide au soignant pour le soulever, je ne savais pas comment faire,” raconte-t-il.

Yassa, 19 ans, souhaite devenir infirmière. Pour elle, être Gilet bleu, même le temps de quelques mois, est une opportunité en or pour « mieux connaître le monde hospitalier et s’habituer à voir les plaies de près”, explique-t-elle. Elle a pu faire un stage en chirurgie réparatrice, a aidé un peu les aides-soignantes. Mais “j’étais surtout en observation, je regardais les infirmières faire les piqûres, soigner les patients, désinfecter les plaies. J’ai pris des notes.”

 Un statut en question

Liova Yon, psychiatre à l’hôpital Mondor, a été le médecin tuteur de l’un des Gilets bleus. Il est nuancé sur le projet. Pour lui, “cette mission devrait revenir à l’institution hospitalière et être réalisée par des agents qualifiés et diplômés d’Etat.”

Mais il reconnaît que cela arrange tout le monde : pas de vrai salaire pour l’hôpital, une expérience pour ces jeunes, un bienfait pour les patients et les visiteurs.

Si le dispositif a fait ses preuves, c’est grâce à la personnalité forte de Théo Yamou qui encadre fortement les jeunes, scrute leurs moindres faits et gestes et débriefe avec eux chaque semaine de leur expérience sur le terrain, pour ne passer à côté d’aucune question ou doute.

“Je ne suis pas sûr que cela fonctionnerait avec quelqu’un d’autre. Sur les faits, oui, les gilets bleus sont utiles mais cela revient à privatiser la santé, non ? », s’interroge le médecin. Peut-on faire entrer à l’hôpital, auprès des patients, du personnel non soignant ?

Les deux hommes sont en désaccord sur ce point. A partir de quel moment parle-t-on de soins ? Le soin commence-t-il dès l’accompagnement ? Et au final, les risques éventuels, sont-ils plus importants que les avantages?

Force est de constater que les Gilets bleus remplissent aujourd’hui une mission que personne, avant eux, ne remplissait. Le livre d’or qu’ils présentent timidement aux patients ou aux visiteurs pour leur laisser un mot de remerciement, en témoigne. L’idée est lancée.

 Delphine Bauer/ Youpress

 

L’AP-HP décide de développer cette expérience

L’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris-AP-HP, agréée au mois d’octobre pour accueillir des jeunes en service civique, recrute à partir de novembre ses premiers volontaires et propose des missions à des jeunes de 18 à 25 ans au sein de ses hôpitaux.

Ils auront une formation particulière, seront encadrés par des tuteurs, en partenariat avec l’association des transmetteurs créée par le Docteur Xavier Emmanuelli.

60 missions sont proposées à des jeunes volontaires pour un début de volontariat en décembre ; une centaine de missions supplémentaires seront proposées en 2015.

Pour cela, l’AP-HP s’est appuyée sur une première expérience réussie, celle des Gilets Bleus, Elle est désormais relayée et amplifiée par l’AP-HP.

Conformément à l’esprit du service civique, les volontaires effectuent des missions spécifiques qui ne se substituent pas à celles qu’assurent les professionnels.Les missions confiées à ces volontaires sont les suivantes :

• Accompagner les enfants et leurs proches dans le cadre de l’hospitalisation pédiatrique,
• Accompagner les personnes âgées et leurs familles dans le cadre de l’hospitalisation gériatrique. Il s’agit d’aider les familles dans toutes les étapes de l’hospitalisation telles que les accompagner dans leurs démarches administratives, les guider au sein de l’hôpital. Les volontaires peuvent aussi jouer un rôle de soutien auprès des familles, de l’enfant ou de la personne âgée pris en charge,
• Accompagner ses usagers dans les lieux d’accueil, d’attente et de consultation ainsi que dans les permanences d’accès aux soins,
• Accompagner les personnes en attente au sein des services d’accueil d’urgences de l’AP-HP. Outre une fonction d’accueil, le volontaire pourra également jouer un rôle de médiateur en rassurant, apaisant le patient pris en charge et ses proches ou encore contribuer à l’organisation et au confort logistique de la salle d’attente.

(communiqué AP-HP du 7 novembre 2014

 

 

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1 réaction

Kittycat Mel
12 novembre 2014

ben voilà ! et ça peut permettre de savoir ce que l’on veut faire de sa vie

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