L’importance de la cicatrisation en milieu humide

pansements

Nous poursuivons une série d’articles sur le thème des plaies et de la cicatrisation. Après avoir abordé, dans les précédents articles, l’anatomie de la peau et l’évolution cicatricielle, analysons l‘importance de la cicatrisation en milieu humide et le rôle de l’exsudat.

Le milieu humide est capital pour la cicatrisation. Croire que l’on doit laisser les plaies à l’air ou dessécher les plaies pour qu’elles puissent cicatriser, fait partie des contre-vérités. En effet, nos cellules et surtout les cellules de la cicatrisation, les fibroblastes, fonctionnent avec 70 % d’eau (cf : Cicatrisation : les plaies et leurs évolutions).

C’est une notion qui remonte aux années 1960 et qui est à l’origine des pansements dits « moderne ». En 1962 Dr. George D. Winter (1927-1981) publie ses travaux sur l’importance de « maintenir un milieu chaud et humide sur une plaie afin d’optimiser la cicatrisation ». Ses travaux seront repris un an plus tard par Himman et Maibach qui démontreront que l’humidité sur une plaie ne doit cependant pas être excessive pour favoriser les processus de cicatrisation.

Composition de l’eau

Figure 1 : la molécule d’eau

L’eau représente entre 60 et 70 % de la masse corporelle. L’eau est constituée de deux atomes d’hydrogène et d’un atome d’oxygène. C’est une molécule dite polaire du fait de ses liaisons entre les atomes d’hydrogène et d’oxygène. Cette polarité permet à l’eau de développer des propriétés électrophysiques. (Figure 1)

Les propriétés de l’eau

L’eau est un solvant. Cette propriété permet de dissoudre de nombreuses molécules et de dissocier des minéraux en ions tel le chlorure de sodium NaCl et permet leurs diffusions.

Ensuite l’eau est un réactif. Elle facilite le contact entre les molécules, et donc les réactions chimiques. Elle permet, par exemple, la simplification de macromolécules au cours de réactions d’hydrolyse.

De plus, l’eau a une forte capacité thermique et joue un rôle dans la thermorégulation.

Enfin, l’eau est présente en grande quantité dans les liquides extracellulaires. Elle joue un rôle d’amortisseur et de protection.

La répartition de l’eau dans notre organisme

Figure 2 : Répartition des fluides dans l’organisme à l’échelle cellulaire

L’eau est répartie dans l’organisme entre deux compartiments : l’un, intracellulaire, situé à l’intérieur des cellules, et le deuxième, extracellulaire. L’eau extracellulaire est le principal composé du milieu intérieur, lui-même constitué du liquide interstitiel ou lymphe interstitielle et de deux liquides circulant dans les vaisseaux : le plasma sanguin et la lymphe canalisée. Le liquide interstitiel constitue le milieu d’échange entre les cellules et les liquides circulants (Figure 2).

Les avantages d’un milieu Humide pour la cicatrisation

L’unité structurelle et fonctionnelle de tout être vivant est la cellule. En effet, « l’unité structurelle de la cellule ne vient pas de ses membranes ou de structures macromoléculaires plus ou moins complexes baignant dans une solution aqueuse mais de son eau qui est, pour sa quasi-totalité, « coincée » au sein de la foule de macromolécules qui remplit la cellule : cette eau est interfaciale (structurée) et c’est elle qui contrôle le fonctionnement cellulaire ».

Donc d’un point de vu histo-cytologique l’eau est capitale au fonctionnement cellulaire et au fibroblaste. L’organisme réagit face à une plaie en gérant la quantité d’eau dont le fibroblaste a besoin par la production d’exsudat.

L’exsudat : composition, évaluation et maîtrise

D’où provient l’exsudat ?

L’exsudat provient du secteur vasculaire. Il sort des vaisseaux sanguins situés sur le lit de la plaie par extravasation sous l‘effet de processus inflammatoires mais aussi sous l’action de facteurs chimiques comme l’histamine par exemple qui est libérée lors de la survenue des plaies. Une action par la mécanique des fluides et l’hémorhéologie.

La composition de l’exsudat

Figure 3 : composition de l’exsudat

Ce liquide est constitué de différents éléments, essentiellement de protéines, mais aussi d’autres éléments en concentration variable. (Figure 3)

Le rôle de l’exsudat dans la cicatrisation

L’exsudat permet d’optimiser la cicatrisation. Tout d’abord de part sa composition. Il est en effet constitué de différents éléments qui maintiennent un environnement propice à l’action cicatricielle des fibroblastes. Il permet de réguler une homéostasie favorable mais également de maintenir un milieu humide qui favorise la migration des kératénocytes, la division cellulaire, et la synthèse du collagène du milieu extracellulaire.

Cicatrisation : maîtriser la quantité d’exsudat

Utile, l’exsudat doit cependant être maîtrisé car une plaie desséchée connaitra toujours des retards de cicatrisation, comme l’a démontré le Dr Winter dans ses travaux. Si la quantité d’exsudat augmente sur le lit de la plaie, elle provoquera des phénomènes de macérations qui plongeront le fibroblaste dans un environnement péri-cellulaire défavorable.

En effet dans les vaisseaux sanguins, son écoulement non stationnaire est régi par la circulation des fluides. Or, dans le secteur interstitiel, l’écoulement devient stationnaire.

Sa vitesse s’en retrouve modifiée et le passage dans un système turbulent limite considérablement les échanges avec les fibroblastes.

Un soignant ne doit donc pas raisonner par rapport au type de plaie, mais par rapport à la quantité d’exsudat présente sur la plaie. Une plaie n’existe pas en tant que plaie, parce ce que c’est une escarre, une plaie d’ulcère ou une plaie fibrineuse… La plaie évolue en fonction de dérèglements locaux régionaux dus à la variabilité de la quantité d’exsudats présente sur la plaie.

Cicatrisation : les conséquences de la macération

L’exsudat n’est donc pas un élément négatif de la cicatrisation. Cependant, il doit être canalisé pour que la quantité d’exsudat sur le lit de la plaie soit optimale et pour éviter les phénomènes de macération. La macération provoquée sur la plaie lorsque la quantité d’exsudat est mal gérée, majore l’inflammation sur le lit et les berges, favorise l’apparition de fibrine et entraîne des retards de cicatrisation, voire une absence de cicatrisation.

La prise en charge peut très vite se compliquer si la plaie est en plus infectée. De plus, en fonction du germe présent sur la plaie, l’exsudat change de couleur et d’odeur.

Cicatrisation : évaluer la quantité d’exsudat

L’évaluation se fait de manière indirecte, par l’intermédiaire des pansements. Si le soignant positionne un pansement absorbant, l’exsudat se retrouve absorbé par celui-ci et il est alors possible d’en évaluer la quantité. Le soignant est alors plus à même de positionner le bon pansement absorbant afin d’adapter au plus juste la quantité d’humidité pour que le fibroblaste puisse agir au niveau de la cicatrisation.

Ce qu’il faut retenir

L’exsudat joue un rôle capital dans la cicatrisation. Il doit être respecté mais surtout maîtrisé. L’évaluation de la quantité d’exsudat sur la plaie conditionne la cicatrisation. Il est donc important d’évaluer la bonne quantité d’exsudat afin d’utiliser les pansements adaptés pour bien les gérer.

Philippe Viseux de Potter,
PDG d’i-Cica institut de la cicatrisation,
Directeur d’ATouSoins formation continue

 

Cet article est initialement paru dans le n°18 d’ ActuSoins Magazine.

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Références

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7. Comment les cellules construisent l’animal – Rosine Chandebois – 1999, Phénix Editions, Paris
8. Le gène et la forme (ou la démythification de l’ADN) – Rosine Chandebois – 1989, Ed. Espaces 34
9. Le cycle cellulaire chez les animaux et les végétaux – Jean Clos, Marc Coumans et Yves Muller – Biologie-Géologie, 3-2002
10. Hémorhéologie clinique. Concept, physiopathologie et application aux maladies vasculaires – M-R Boisseau – Novembre 2004
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12. Assessment and management of wound exsudate – Thomas S. – J WoundCare, 1997
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15. i-Cica institut de la cicatrisation : Evaluation des exsudats – Etude juin-décembre 2014.

 

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