Jennifer, infirmière libérale, et les soins psychiatriques en dehors des murs

Malika Surbled
9 janvier 2018 @ 14 h 22 min

Jennifer Verbeke est infirmière libérale en plein cœur de Paris. En janvier 2017, elle a créé l’association Réseau Soins Psy qui propose une orientation adaptée aux familles et aux patients atteints de troubles psychiques ou psychiatriques.

Jennifer Verbeke, infirmière libérale

Jennifer Verbeke, infirmière libérale. © Malika Surbled.

« Infirmière libérale, coordinatrice de parcours de soins ». La plaque professionnelle est discrète. On pourrait presque passer devant sans la remarquer. Pourtant, à l’intérieur du cabinet, une infirmière libérale s’attelle à des tâches administratives. « Je ne travaille pas aujourd’hui, mais je suis venue pour mettre un peu d’ordre dans mes papiers. L’association me prend beaucoup de temps et d’énergie » explique Jennifer en souriant. Il faut dire que Réseau Soins Psy est née il y seulement deux mois, d’une idée que la jeune femme a mûrie et travaillée depuis près de dix ans. En déposant enfin les statuts de l’association, Jennifer a concrétisé un projet qui lui tenait à cœur : proposer une offre de soins différente, axée sur la coordination de parcours et sur l’orientation des patients atteints de troubles psychiatriques.

Répondre à une carence de l’orientation psychiatrique

« Il y a une réelle carence en termes d’orientation psychiatrique en ville, explique Jennifer, infirmière libérale. Parfois, il peut s’écouler entre 48 et 72 heures avant qu’un patient en décompensation puisse mettre un pied dans un service adapté ou dans un cabinet de psychiatre. La plupart du temps, ces patients se perdent dans les méandres des commissariats ou des urgences généralistes ». Jennifer estime par ailleurs qu’il faudrait professionnaliser l’intervention d’urgence en psychiatrie, notamment lors des prises en charge pré-hospitalières.

Alors, elle a décidé de prendre les choses en main. Avec l’aide de deux psychologues cliniciens et d’une infirmière collaboratrice et à la demande des familles, des patients, des proches, de la police, du Samu ou des pompiers, elle « optimise » les parcours, pour qu’ils soient plus « fluides ». Plus accueillants aussi. « Nous évaluons les besoins. Cela facilite le travail des autres professionnels de l’urgence. Nous nous rapprochons aussi évidemment des psychiatres pour mettre en place des traitements. Cela peut parfois permettre d’éviter des hospitalisations inutiles ».

Des suivis personnalisés

En dehors des situations de crise ou de pré-crise, Jennifer et ses associés proposent – sur prescription médicale – des suivis de courts, moyens et longs termes de leurs patients. Évaluation, accompagnement dans des démarches administratives ou dans des démarches d’insertion, entretiens infirmiers, accueil, soins plus conventionnels : les missions de Jennifer au sein de sa propre association sont nombreuses.

En roulement avec ses collaborateurs, elle reçoit les patients demandeurs de soins dans son cabinet ou se déplace à domicile. « Certains individus vont avoir besoin d’analyser leur passé ou leurs sentiments pour trouver des clés pour avancer. Dans ce cas, c’est le psychologue qui interviendra. D’autres vont plutôt avoir besoin d’outils pragmatiques pour avancer dans leur quotidien. L’infirmière proposera dans ce cas, des solutions plus adaptées. Mais les deux professions peuvent se compléter autour d’une même personne présentant des problématiques mixtes. L’idée est donc vraiment de multiplier les champs de compétences autour d’un même patient pour une offre personnalisée » explique Jennifer.

Une NGAP nomenclature peu adaptée

À l’heure où la politique de santé vise un large virage ambulatoire, l’idée de Jennifer pourrait facilement convaincre. Pourtant, la jeune femme se sent un peu démunie face aux obstacles administratifs. Déjà, parce que dans la nomenclature générale des actes infirmiers (NGAP), presque rien ne prévoit tout cela. Ensuite, parce qu’elle ne peut recueillir aucun fond tant que la solvabilité de son projet n’est pas prouvée.

Alors, Jennifer s’arrange comme elle peut. Il faut bien qu’elle puisse vivre de son métier. Pour les entretiens infirmiers, elle utilise pour cotation les fameux AIS 3, ces actes professionnels qui relèvent du rôle propre infirmier. Elle pratique aussi le dépassement d’honoraires, compatible avec sa fonction. « Malheureusement, comme je ne peux coter que des AIS 3, l’heure de travail n’est pas du tout rentable (15,90 euros hors déduction des charges, ndlr). Avec un cabinet en plein Paris et le loyer qui va avec, je ne peux pas faire autrement que de pratiquer ces dépassements. Les patients sont libres de choisir s’ils veulent ou non poursuivre avec l’association, en toute connaissance de cause » souligne Jennifer. « L’aide apportée aux différents patients en 2016 prouve que ce système peut avoir un réel impact économique en fluidifiant le parcours de soins et en apportant au bon moment, la bonne réponse au bon patient avec le bon traitement » ajoute-t-elle, déterminée.

Aujourd’hui, Jennifer, qui travaille main dans la main avec les structures hospitalières et les CMP, continue de penser son projet pour qu’il se développe davantage. « C’est toute une longue observation des failles du système qui m’a poussée à créer ce réseau. Il faut que j’arrive à prouver son efficacité pour améliorer à ma façon le système de santé et généraliser le soin psychologique en libéral ». À suivre de près…

Malika Surbled

Actusoins magazine pour infirmier infirmière hospitalière et libéraleCet article est initialement paru dans le n°24 (avril 2017) d’ .

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Jennifer Verbeke, infirmière libérale en 5 dates :

2007 : obtient son D.E. Infirmier Travaille 7 ans en psychiatrie à Bichat (AP-HP)

2015 : effectue des remplacements en tant qu’infirmière libérale et travaille pour l’association SOS Psy Urgences (seule infirmière)

2015 : présente un mémoire, dans le cadre d’un master 1 en gestion et économie des établissements de santé, sur l’interaction des professionnels d’urgences en psychiatrie

2016 : obtient son Master 2 en gestion et économie des établissements de santé (Dauphine) et installation en tant qu’infirmière libérale

2017 : fonde l’association Réseau Soins Psy

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60 réactions

Nou Na
5 janvier 2018

Princess Massaï

Vero Aparicio
5 janvier 2018

Niny Gatubela …. t’as vue on aura même le droit à des sorties youhouuuuu !

De La Suze Rominous
5 janvier 2018

Quelle super idée !!

Anne-Marie Dos Reis
5 janvier 2018

Une super idée! Bravo

Mariscal Francoise
5 janvier 2018

Bravo fallait y penser

Laurence Raffault
5 janvier 2018

Très belle initiative, bon vent

Athénaïs Colbert-Barnabé
5 janvier 2018

Cid Pmt Marques, Veda VnBn, je crois qu’on en a déjà parlé de ce type de besoin de soins?
(Bonne année au passage! )

Cid Pmt Marques
5 janvier 2018

Bah oui grave. Ça serait un beau projet mais en effet ça ne nous permet pas de gagner notre vie car les actes ne sont pas reconnus. C’est bien dommage parce que le besoin est là…

Athénaïs Colbert-Barnabé
5 janvier 2018

Ça permettrait en plus sûrement de gagner pas mal de temps, et finalement de l’argent (puisque c’est ce qui intéresse l’état..)

Cid Pmt Marques
5 janvier 2018

Nicolas Archer

Marine Pap's
5 janvier 2018

Anaïs Nine

Anaïs Nine
5 janvier 2018

Super ?

Patty Sammy
6 janvier 2018

Bravo à cette IDEL qui fait évoluer la prise en charge de ces personnes et familles démunies.

Patty Sammy
6 janvier 2018

Bravo à cette IDEL qui fait évoluer la prise en charge de ces personnes et familles démunies.

Héléna Ravelomanantsoa
6 janvier 2018

Hermann Finck lis ça

Héléna Ravelomanantsoa
6 janvier 2018

Hermann Finck lis ça

Sophie Lisoo
6 janvier 2018

Bravo pour le projet à qui je souhaite réussite et développement. Infirmière en psychiatrie, je suis persuadée que c’est un pan de la prise en charge psychiatrique qui manque à notre système Français. Je serais ravie d’avoir des nouvelles de votre expérience, de l’avancée de votre projet.

Oliv Balm's
6 janvier 2018

Lucas Fbre

Delph PN
6 janvier 2018

Camille Drouet

Delph PN
6 janvier 2018

Camille Drouet

Laetitia Canivet
6 janvier 2018

Mam Meyer tu as vu ç le même projet que celle du 4

Mam Meyer
6 janvier 2018

Oui à peu de chose prêt ! Sauf que là, la cotation utilisée est tjs la même …

Mam Meyer
6 janvier 2018

Oui à peu de chose prêt ! Sauf que là, la cotation utilisée est tjs la même …

Laetitia Canivet
6 janvier 2018

J’attend de voir car si ça méne à la même chose non merci

Laetitia Canivet
6 janvier 2018

J’attend de voir car si ça méne à la même chose non merci

Mam Meyer
6 janvier 2018

Laetitia Canivet c’est effectivement le problème de cette cotation inappropriée ! Avec ce gouvernement peut être que les choses vont bouger … mais pour le moment bcp se sont cassés les dents !

Céline Cha
6 janvier 2018

Bravo !!!

Marine Pichd
6 janvier 2018

Pour l’avoir rencontrée et avoir échangé avec elle sur sa pratique, je peux confirmer que c’est une très belle initiative qui mérite qu’on s’y intéresse de plus prêt ! Une véritable alternative à l’hospitalisation en psy et aussi une évidence oubliée : les soins à domicile en libéral , quid de la psy ?
Len Jaslier je t’en parlais hier soir

Cindy Plçn
6 janvier 2018

Alexis Papin on en avait parlé une fois!

Stéphanie Courcoux
7 janvier 2018

en tant que ide psy, j’en parle souvent car les CMP ne peuvent plus le faire… je serais ravie de le créer un jour après mon master sciences cliniques infirmières… un rêve… réalisable??

Sandrine Fadda
7 janvier 2018

Anne Perez elle a changé Jenni Jenni Lou… c’est les dents Ca !

Jenni Lou
7 janvier 2018

Qu est ce qu elles ont les dents !!!!

Sandrine Fadda
7 janvier 2018

Le sourire à Dents de la photo Ca te change Jennifer infirmière libérale

Sandrine Fadda
7 janvier 2018

Punaise faut toujours t’expliquer les blagues c’est chiant ?

Anne Perez
7 janvier 2018

Elle a perdu ses lunettes on dirait…

Jenni Lou
7 janvier 2018

Arrêter de m embêter s il vous plait certains d entres nous travaille !!!!!!

Jenni Lou
7 janvier 2018

Arrêter de m embêter s il vous plait certains d entres nous travaille !!!!!!

Jenni Lou
7 janvier 2018

Arrêter de m embêter s il vous plait certains d entres nous travaille !!!!!!

Sandrine Fadda
7 janvier 2018

Jenni Lou Mouais …..

François Charpentier
7 janvier 2018

Soin psy en libéral… Mais qu’est-ce qu’on attend !! Bravo collègue !

Aude Blanch
7 janvier 2018

Laetitia Tornicelli !

Celine Chab
8 janvier 2018

Grave!!! Non mais je mûri l’idée aussi depuis un bail mais zéro possibilité d’en vivre car la nomenclature n’évolue pas. Les quelques projets mis en route ont eu grand succès (à hauteur des failles de plus en plus grande) mais aucun n’a été porter par l’ARS plus d’un an…pourtant au final économiquement c’est rentable…bref Comme d’hab on évolue à 2 à l’heure…

Celine Chab
8 janvier 2018

Comment je viens de m’incruster à la place de Laet ? désolé hein! Mais qu’est ce que j’aimerai monter un truc Comme ca!

Pascaline Cipriano Thiebaut
9 janvier 2018

Marie Labat

Alex Gaybab
9 janvier 2018

Ça doit être hyper intéressant
Vive la psy!

Marianne Seguela Peyrat
9 janvier 2018

Comment la contacter ????

Estella Chounounoune
9 janvier 2018

C’est intéressant, à condition de blinder de formation en psy. Ce qui manque cruellement aux Ide.

Alex Gaybab
9 janvier 2018

Et il faut aussi songer à la sécurité..tu te retrouves en tete à tete CHEZ le patient…quand tu sais ce que ça peut donner d’entrer dans l’univers d’un psychotique parfois..bon..

Estella Chounounoune
9 janvier 2018

Oui, Après ça doit déjà être réfléchi… Enfin j’espère. Et je ne vois ces soins que pour des pathologies « légères » ou stabilisées ou en thérapie familiale

Alex Gaybab
9 janvier 2018

Estella Chounounoune oui certainement
Mais quand on voit ce que nous on peut voir parfois c’est une question à se poser ?

Estella Chounounoune
9 janvier 2018

J’imagine ?

Alex Gaybab
9 janvier 2018

Estella Chounounoune enfin Ca n’empêche que cest quelquechose à creuser qui doit être quand même sympa

Elodie Mayenson Muyard
9 janvier 2018

On s associe les trois 🙂

Gsik Jegou
9 janvier 2018

Marion Heulin j’espère que ça va marcher cette fois !

Marion Heulin
10 janvier 2018

Carrément! Quand tu vois tous les commentaires on est pas les seules à avoir la même envie, et pourtant rien n’avance!

Michael Langlois
10 janvier 2018

Ifsi maison Blanche forme des cracks. ..bonne chance et félicitations.

Estella Chounounoune
10 janvier 2018

Non merci

Jennifer Verbeke
10 janvier 2018

Un grand merci à tous pour vos commentaires. Je suis heureuse de voir que les soins psy intéressent et mobilisent grand nombre d’entre vous. N’hésitez pas à me contacter en MP si vous souhaitez plus d’infos!!!! La clef, c’est le réseau!!! Plus on est de fous… plus on a de poids

Verdin
8 septembre 2021

Bonjour. Je trouve ce que vous faite très intéressant je suis moi-même infirmier avec une expérience très varié. J’ai travaillé plus de 10 ans avec des handicapés atteints de pathologie mentale. Ils m’ont beaucoup appris sur et surtout m’ont appris à me questionner sur une chose essentielle et très oubliée, le sens de la vie. Bien sûr ils m’ont appris beaucoup sur la nature humaine et surtout à me méfier des dogmes, des projections que nous opérons… je me suis rendu compte que le monde de la santé ressemblait beaucoup au royaume du père Hubu et que je n’avais pas la force de supporter les non sens et contradictions des institutions quelles qu’elles soient : publique, privée, associatives. Votre exemple me donne l’espoir qu’un jour je pourrais être à nouveau utile dans le soin. J’ai essayé récemment de me remettre dans le métier mais j’ai cru que j’étais emporté dans un tourbillon, une course folle pour aligner les actes avec l’angoisse de faire une erreur ce que bien sûr je n’ai pas manquer de faire. Le soin à la chaîne je ne suis pas fait pour. Quand au institutions psychiatrique, rien que d’y penser ça me déprime. Maintenant ça se résume à deux possibilités. Travailler dans le publique avec un manque de moyen criant, du personnel mal formé, pas assez nombreux et démotivé ou dans le privé ou le principal du boulot est de prendre les constantes, donner les médicaments et s’occuper des dossiers. Si t’es chanceux tu vas anime un atelier intéressant mais il faudrait attendre te tour que les anciens cèdent leurs place. Bon ok très caricatural mais c’est quand même comme ça que ça se passe.
C’est pourquoi accompagner des gens dans leurs parcours de santé à l’extérieur des institutions, apporter un accompagnement psychothérapeutique tout en se préoccupant des problèmes somatiques est pour moi très intéressant d’autant plus qu’il y a de réel besoins. Mais je ne sais pas comment faire. Auriez vous quelques conseils, recommandation à me faire au vu de votre parcours.
Bien cordialement.

Boyer.M
14 mai 2022

Bonjour, étudiante de 3eme année je serai à la recherche de 3 IDE ayant exercé en psy et ayant déjà pris en charge des patients étrangers !! Sa serai pour un entretien très rapide dans le cadre de mon TFE.

Merci d’avance !!!

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