En 2001, face à la pénurie d’infirmières françaises, les fédérations d’employeurs font venir des professionnels espagnols. Avec le recul, le bilan de l’expérience semble mitigé.
Une formation nécessaire mais souvent insuffisante. «Les trois premiers mois, nous avons dû mettre en place des cours de langue», témoigne Nadia Boltez, directrice de la clinique des Fontaines à Melun qui a accueilli quatre professionnels ibériques. «Puis, nous avons mis en place un système de tutorat car si les diplômes sont équivalents dans les deux pays, les formations ne sont pas les mêmes», poursuit-elle.
Deux métiers différents
En effet, le métier d’infirmière englobe des fonctions différentes des deux côtés des Pyrénnées. «Il s’agit de deux cultures sanitaires. En Espagne, le rôle des infirmières est plus étendu. Elles ont plus de responsabilités», explique Olga Seize Nunez. Une idée partagée par la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (FEHAP) qui souligne, dans son bilan de l’expérience, «les compétences et les niveaux techniques élevés des professionnels espagnols». Mais, sur le terrain, ces différences n’ont pas forcément été faciles à vivre. «Nous avons recruté une dizaine d’infirmières. Elles étaient déstabilisées par les méthodes de travail. Au bout de deux ans, elles étaient toutes parties», explique le service DRH du CHU de Grenoble.
Un investissement trop lourd
Si seuls 3,5% des professionnels étaient retournés en Espagne à la fin du dispositif en 2004, six ans plus tard, il ne semble pas en rester beaucoup. «On ne sait pas du tout ce qu’elles sont devenues, déplore Olga Seize Nunez. Il n’y a pas eu de suivi». «Le mode de vie ne leur convenait pas. Ils se plaignaient du climat, de la vie nocturne inexistante à Melun», ajoute Nadia Boltz.
Bilan : beaucoup d’investissements pour peu de résultats. «Ces professionnels nous ont rendu service pour passer un cap difficile. Mais cela a été très délicat à mettre en œuvre et a représenté un coût financier lourd. C’est une méthode de recrutement qui n’aurait pas pu perdurer», conclu Nadia Boltz. Même son de cloche auprès de la FEHAP qui souligne «un retour sur investissement inexistant».
Reste que tous saluent une expérience humaine très enrichissante et un bel échange entre les deux pays.
Judith Korber
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Puisque notre diplôme est européen, pourquoi n'avons-nous pas un temps de formation sur l'exercice dans les autres pays de la CE ? au même titre que les cours de santé publique ?
Dans un autre domaine, dans les années 60 nous avons fait émigrer des travailleurs, nous avons vu le résultat, aucune politique n'a suivi derrière pour les intégrer au quotidien, pas cool ! Et nous avons récidiver en 2001 sans tenir compte des leçons du passé !
Les pyramides des âges servent à quoi, nous savons depuis longtemps que le nombre d'infirmières en départ à la retraite est colossale, c'est mathématique ! Pourquoi nos politiques n'ont-ils pas ouvert plus tôt les quotas ? Les candidats sont là, nombre d'entre eux, malgré leurs compétences et leurs valeurs, sont éconduits à cause du numérus clausus.
Ceci dit, dommage que ce fut un échec, nous n'avons pas su passer de la polyculturalité des soignants à l'interculturalité qui, elle, aurait pu enrichir notre profession et la qualité des soins. Nous avons utilisé des pions au lieu de nous enrichir de leur savoir, de les valoriser. Pas cool
belle intégration ! Vraiment cool !