En poste dans un sous-marin : rencontre avec les infirmiers sous-mariniers du Vigilant

A la fois marins et soignants, les infirmiers sous-mariniers doivent être capables de faire face à toutes les pathologies lorsqu’ils sont en mer. Dans les sous-marins nucléaires (SNLE), ils plongent durant deux mois sans aucune possibilité d’assistance. Reportage à Brest auprès de l’équipe médicale du Vigilant.

Thomas, maître infirmier © Natacha Soury

Le gigantesque sous-marin est posé au creux de sa cale dans la base de l’Île Longue, à Brest. A quai pour quelques semaines avant de repartir en patrouille, Le Vigilant est l’un des quatre sous-marins nucléaires lanceur d’engin (SNLE) français. Sa mission ? Assurer la dissuasion nucléaire française. Ses 110 membres d’équipages cohabitent avec seize missiles nucléaires. Durant deux mois, ils sillonnent les mers du globe avec un objectif : rester indétectables. Impossible donc de remonter à la surface ou d’échanger avec l’extérieur. Les sous-mariniers peuvent recevoir un message de leur famille par semaine, sans possibilité d’y répondre. Et seules les bonnes nouvelles sont autorisées afin de ne pas démoraliser ces marins coupés du monde.

Une fois à bord du Vigilant, atteindre l’infirmerie nécessite d’emprunter un dédale d’échelles et de coursives étroites. Ces quelques mètres carrés concentrent la pharmacie, le laboratoire d’analyse, le bloc opératoire… Aux manettes, le médecin principal Pierre-Marie, le major infirmier-anesthésiste Matthieu et le maître infirmier Thomas. Impossible de connaître leurs noms ou de photographier le reste du sous-marin : tout est classé confidentiel.

Les trois soignants ont en charge la santé de tout l’équipage. Leur motivation pour intégrer un sous-marin ? « L’autonomie dans les décisions » et « la polyvalence », répondent-ils. « Nous devons être capables de traiter  toutes les pathologies chirurgicales qui peuvent se présenter lors d’une mission sans avoir recours à l’aide extérieure », explique le médecin. Celui-ci est donc aussi « un peu chirurgien et un peu dentiste ». L’infirmier est également manipulateur radio, biologiste et infirmier de bloc opératoire. « On a la possibilité de faire plusieurs métiers à la fois », s’enthousiasme Thomas. Le major Matthieu, sept patrouilles au compteur, ajoute à ces compétences celles d’infirmier anesthésiste.

Aux côtés de la prise en charge médicale, la psychologie est une part essentielle de leur métier. Elle est inhérente à tout milieu confiné, même si les sous-mariniers sont tous des volontaires. « Notre intégration dans l’équipage permet de dépister précocement s’il y a une baisse de moral », explique l’infirmier-anesthésiste. La prévention est d’ailleurs au coeur de leur mission. « En mer, on doit gérer le risque potentiel. Dès qu’on fait un geste médical, on doit envisager tous les cas de figure car on travaille sans filet », précise-t-il. « Nos patients, on les suit de A à Z, rappelle le médecin, cela demande d’être endurant et solide sur ses compétences ». Car « une patrouille qui se passe bien, c’est une patrouille où il ne se passe rien », sourient les trois hommes.

Amélie Cano (textes),
Natacha Soury (photos)

Cet article est paru dans le numéro 25 d’ActuSoins Magazine (juin 2017)

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