Les études infirmières à l’heure de Parcoursup

La procédure Parcoursup a pris fin le 19 juillet dernier : on sait désormais presque tout de la première génération d’étudiants en soins infirmiers sélectionnés sans concours. L’heure est donc venue de dresser un premier bilan de cette réforme qui a fait couler beaucoup d’encre, et qui a généré bien des émotions chez les aspirants infirmiers.

Les études infirmières à l’heure de ParcoursupUne révolution copernicienne. C’est ce que représente le remplacement, intervenu cette année, du bon vieux concours infirmier par la procédure Parcoursup. On ne pourra connaître tous les effets de cette modification que dans quelques années, quand les étudiants en soins infirmiers cuvée 2019 seront devenus des professionnels formés et autonomes.

Mais alors que la procédure de sélection a été définitivement clôturée le 19 juillet dernier, on peut déjà esquisser quelques enseignements.

Le premier est quantitatif. Pour leur première année sur Parcoursup, les Instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) ont fait un tabac, raflant le titre de formation la plus demandée sur la plateforme. En effet, d’après les chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 103 605 des 910 000 candidats ayant participé à la procédure Parcoursup (soit 11 %) ont fait et confirmé au moins un vœu en Ifsi. Un succès qui n’a pas été sans faire des mécontents : le nombre de places en Ifsi étant limité à 31 000, ce sont plus de 70 000 candidats qui sont restés à la porte des Ifsi.

L’amertume des étudiants de prépa

Parmi les plus amers, on trouve notamment certains étudiants qui avaient choisi de faire une prépa, espérant que leur dossier serait ainsi étudié avec une bienveillance toute particulière par les Commissions d’examen des vœux (CEV), mais qui n’ont malgré tout pas été acceptés.

La colère de ces candidats déçus est telle qu’on a vu au printemps fleurir les mouvements de protestation, comme cette pétition sur le site MesOpinions.com. Le journal La Dépêche a même rapporté qu’à Saint-Gaudens en Haute-Garonne, des élèves de prépa ont entamé un recours au tribunal administratif contre Parcoursup.

A la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi), on rejette la faute sur les classes prépas elles-mêmes. « Ce qui n’est pas normal, c’est qu’on ait dit à ces personnes en septembre "faites une prépa, vous aurez une place en Ifsi", c’est de la publicité mensongère », s’énerve Bilal Latreche, président de l’association. Celui-ci assure que le fait d’avoir fait une classe prépa a été pris en compte, mais qu’il s’agit d’un élément d’évaluation parmi d’autres (fiche avenir, projet professionnel motivé, dossier scolaire…).

Au ministère de l’Enseignement supérieur, on confirme d’ailleurs que plus de 55 % des candidats ayant fait une prépa ont reçu une proposition en Ifsi, contre 30 % pour l’ensemble des inscrits sur Parcoursup, ce qui montre bien que leur formation supplémentaire a joué en leur faveur.

L’attractivité des Ifsi renforcée

A la Fnesi comme au ministère, on préfère d’ailleurs mettre l’accent sur le succès des formations infirmières sur Parcoursup. « Entre 2015 et 2018, on constatait d’année en année une baisse du nombre de candidatures », remarque Bilal Latreche. « La suppression du concours a réussi à redonner de l’attractivité à la formation. »

Mais comme le remarque Stéphane Le Bouler, responsable de l’universitarisation des formations paramédicales aux ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur, on ne peut pas comparer le nombre de candidats pour 2019 à celui des années précédentes. « Auparavant, un individu pouvait passer 10 concours », rappelle le fonctionnaire. « Il n’y avait pas de consolidation des statistiques au niveau national. » Stéphane Le Bouler estime tout de même que le nombre des candidats oscillait par le passé entre 40 en 50 000, ce qui signifie qu’il y a eu « au moins un doublement » des candidatures.

Ministère et Fnesi pointent également le fait que contrairement à ce qui était redouté, la suppression du concours n’a pas modifié le profil des lauréats. « On a dit tout et son contraire à ce sujet », estime Stéphane Le Bouler. « Certains pensaient que le niveau allait s’effondrer, d’autres craignaient que seuls les bacs S soient retenus… » Mais les statistiques montrent que parmi les candidats de terminale ayant accepté une proposition, on compte 36 % de bacs généraux, 43 % de bacs technologiques et 21 % de bacs professionnels, ce qui, selon Stéphane Le Bouler est « parfaitement équilibré ». « On est au pourcent près au même niveau que l’année dernière », se réjouit de son côté Bilal Latreche.

Une procédure appelée à bien vieillir ?

Reste que la procédure peut encore s’améliorer l’année prochaine. « Il y a eu quelques bugs, il faut appeler un chat un chat », admet Bilal Latreche, citant notamment le cas de « trois regroupements où les retranscriptions sur la plateforme n’étaient pas conformes au classement fait par les CEV ». Mais au-delà des dysfonctionnements techniques, certains paramètres sont à modifier.

« Il faudra rapidement se poser la question du nombre de sous-vœux que peut faire un candidat », estime le président de la Fnesi qui rappelle qu’avec les règles de 2019, un seul étudiant pouvait sélectionner jusqu’à 100 Ifsi. « Cela génère du stress, retarde l’algorithme et crée de la désinformation », regrette le militant. Celui-ci ajoute qu’il lui semble nécessaire de « faire monter en compétence les CEV, afin de trouver des processus plus fluides pour que l’ensemble des acteurs aient l’ensemble des informations pour bien étudier les profils ».

Une préoccupation que partage Stéphane Le Bouler, qui a noté « des comportements différents dans la façon dont les CEV se sont appropriées les critères ». Il note par exemple que les pondérations utilisées pour évaluer les dossiers des bacheliers des filières technique, professionnelle et générale n’étaient pas les mêmes sur l’ensemble du territoire. « Globalement, le travail a été bien fait par les responsables des Ifsi, mais l’année prochaine ils maîtriseront encore mieux les outils qui leur ont été confiés », veut-il croire. Rendez-vous en 2020 !

Adrien Renaud

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