Qu'est-ce que la réquisition dans le cadre de la crise sanitaire actuelle ?

Vincent Lautard
6 avril 2020 @ 15 h 35 min

Le terme « réquisition » est parfois mal compris et même mal utilisé par les professionnels de santé et les structures qui l’emploient. 

Cet article a été rédigé par un juriste en droit de la santé et de la protection sociale, pour Actusoins.com. 

Vos droits : qu'est-ce que la réquisition dans le cadre de la crise sanitaire actuelle ?Qu’est-ce que la réquisition dans le cadre de la crise sanitaire liée au coronavirus ?

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Attention, il y a actuellement un abus de langage avec le terme réquisition qui est utilisé à tort et à travers pour des situations qui ne relèvent pas de la réquisition ! 

La réquisition est ordonnée par le préfet du département en lien avec les propositions émises par les ARS (Agences régionales de santé). Un arrêté doit être notifié individuellement à chaque personne réquisitionnée. Il doit notamment préciser l’identité des personnes concernées ainsi que le lieu et la durée de la période de réquisition.

Si un professionnel de santé n’a pas eu de notification individuelle de l’arrêté de réquisition, c’est qu’il n’est pas légalement en situation de réquisition !

Comme le dispose l’article 12-1 du décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire : « Le représentant de l’Etat dans le département est habilité, si l’afflux de patients ou de victimes ou la situation sanitaire le justifie, à ordonner, par des mesures générales ou individuelles, la réquisition nécessaire de tout établissement de santé ou établissement médico-social ainsi que de tout bien, service ou personne nécessaire au fonctionnement de ces établissements, notamment des professionnels de santé. »

Le refus d’un ordre de réquisition peut entrainer des sanctions, notamment une amende de 3750 euros.

Existe-t-il des alternatives à la réquisition ?

 Même si la réquisition existe dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement préfère néanmoins que cette dernière soit mise en place en dernier recours et que d’autres dispositifs moins brutaux et ayant déjà fait leur preuve soient utilisés :

  • Le volontariat: des plateformes de mises en relation et de recensement ont été mises en place notamment par les ARS ou par des établissements de santé qui peuvent aboutir à la signature de CDD de la part de professionnels de santé volontaires avec une structure de santé ayant demandé des renforts. Des missions d’intérims peuvent aussi être envisagées.

Comme l’indique le ministère de la solidarité et de la santé :

« Si la personne est agent public, elle peut demander l’autorisation à son administration de bénéficier d’un cumul d’activités pour une activité accessoire, notamment dans le cadre d’un motif d’intérêt général

Si la personne est salariée, elle peut cumuler plusieurs emplois sous réserve de respecter le cadre de la règlementation sur la durée maximale du temps de travail.

Si la personne est retraitée, ce recrutement peut s’inscrire dans le cadre d’un cumul emploi-retraite (CER). Plusieurs établissements ont déjà pu rappeler d’anciens agents pour leur proposer d’exercer dans ce cadre

Si le volontaire est salarié/agent d’un établissement privé ou public, le recrutement peut se faire dans le cadre d’une mise à disposition. »

 

  • La réaffectation des personnels déjà en poste au sein des établissements : Les établissements peuvent réaffecter en interne leurs personnels afin de répondre aux besoins de soins les plus importants.

 

  • L’utilisation de la réserve sanitaire : la réserve sanitaire a été instituée en 2007, l’engagement dans la réserve sanitaire est basé sur le volontariat. Des missions sont proposées aux professionnels inscrits à la réserve sanitaire.

 

  • La proposition de vacations pour des étudiants en santé par exemple des propositions de vacations d’aide-soignant pour des étudiants en soins infirmiers ayant validé la première année de formation, de vacations d’infirmier pour des étudiants en formation d’IBODE, d’IADE, d’infirmière puéricultrice, d’IPA ou de cadre de santé, de vacations de brancardier ou d’ASH (Agent de Service Hospitalier) pour des étudiants aides-soignants…

Qui peut être réquisitionné ?

La réquisition peut s’appliquer aux :

– Professionnels de santé exerçant en établissements sanitaires ou médico-sociaux, exerçant dans le cadre de la médecine du travail…

– Professionnels de santé libéraux

– Étudiants en cours de formation en prenant en compte l’avancée de leur formation (par exemple un étudiant infirmier ayant validé la première année de formation pourra exercer dans le cadre du référentiel de compétences de la profession d’aide-soignant).

– Professionnels de santé retraités ou professionnels de santé sans activité professionnelle

Les anciens professionnels de santé qui pratiquent une autre activité professionnelle et qui ne sont plus inscrits à leur ordre (pour ceux qui ont un ordre professionnel), ne rentrent pas, normalement, dans le cadre de la réquisition.

Comme l’indique le ministère de la solidarité et de la santé : « La réquisition doit autant que possible être mobilisée pour des professionnels volontaires pour contribuer à la lutte contre le COVID-19 »

La réquisition dépendra aussi des missions du soignant, une réquisition ne peut entrainer un défaut de continuité des soins, un infirmier libéral ne peut pas laisser sa patientèle sans soins par exemple, idem pour les infirmiers salariés.

L’indemnisation concernant la réquisition est définie par « l’arrêté du 28 mars 2020 portant diverses dispositions relatives à l’indemnisation des professionnels de santé en exercice, retraités ou en cours de formation réquisitionnés dans le cadre de l’épidémie covid-19 »

Attention à ne pas confondre indemnités de réquisition et heures supplémentaires.

Existe-t-il des dérogations à la réquisition ?

Il y des situations de dérogation à la réquisition, par exemple pour les professionnels ou étudiants étant en arrêt maladie ou ayant une incompétence professionnelle dans le cas où les connaissances, l’expérience, et les compétences du professionnel sont insuffisantes pour travailler dans certains services de soins.

Cependant concernant « l’incompétence professionnelle » notamment pour les services techniques comme la réanimation, l’établissement pourra proposer une formation ou un encadrement (doublure) au professionnel ou affecter le professionnel sur un poste moins à risque.

Bien évidemment le professionnel ou l’étudiant devra respecter son cadre de compétences légal lié à son diplôme ou à l’avancée de sa formation.

Vincent Lautard
Infirmier et juriste en droit de la santé

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