Les types de drainage, leurs indications et la surveillance

Marianne Soules
15 juillet 2021 @ 17 h 30 min

Le drainage est une technique chirurgicale qui permet de créer un trajet temporaire d’évacuation d’une collection liquidienne depuis une cavité vers l’extérieur. Cette cavité peut-être naturelle ou néoformée en cas d’infection, de traumatisme ou de chirurgie. Zoom sur les différents systèmes de drainage, leurs indications, la surveillance de leur efficacité, leur tolérance et les modalités d’ablation.

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Deux situations peuvent conduire à proposer un drainage :

  • lorsque la situation pathologique initiale comporte une collection symptomatique qui doit être évacuée. Le drainage est alors thérapeutique ;
  • lorsque la prise en charge chirurgicale initiale peut favoriser la constitution d’une collection pouvant compromettre l’évolution du patient. Le drainage est alors prophylactique pour éviter la constitution de cette collection.

Le drainage prophylactique est cependant un sujet à controverse. Tout drain, par définition, met en communication la cavité drainée avec l’extérieur et représente donc un facteur de risque infectieux potentiel. Par ailleurs, la littérature, notamment orthopédique, n’a pas réussi à démontrer un rapport bénéfice/risque en faveur des drainages prophylactiques, en dehors de cas particuliers. On est donc passé, pour la majorité des chirurgiens, d’une utilisation systématique utilisant un ou plusieurs drains par plaie à une utilisation plus raisonnée en fonction des données de la littérature, de leur expérience et des antécédents des patients. Il est donc possible au sein d’un même service, pour une même pathologie, d’avoir des patients drainés ou non.

La durée d’un drainage doit être adaptée à la pathologie traitée. Elle peut être prolongée, comme en chirurgie infectieuse où son objet est l’assèchement de la cavité drainée ou l’aide à sa cicatrisation dirigée. En revanche, en chirurgie réglée, le drainage est utilisé pour des périodes courtes et limitées au péri-opératoire allant de quelques heures à quarante-huit heures, avec une moyenne de vingt-quatre heures. La présence d’un drain après chirurgie réglée ne justifie pas la prolongation d’une antibioprophylaxie.

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Drainage actif ou passif ?

Le drainage passif

Drain simple

Drain simple

Le drainage passif par capillarité ou par déclivité s’effectue par une différence de pression entre la cavité et l’extérieur. La pression plus importante dans la cavité permet l’évacuation du liquide vers l’extérieur.

Le drainage passif par capillarité utilise des mèches de gaze ou d’alginate stériles disposées en couches superposées sur toute la surface d’une cavité, de sa profondeur à la superficie. Ces mèches ont des tailles et des propriétés différentes, permettant une action capillaire isolée ou associée à une action hémostatique et cicatrisante. Le drainage par capillarité peut également se faire, soit par l’intermédiaire de lames de caoutchouc ondulées ou multitubulaires siliconées, soit avec des faisceaux de fils de nylon, les Crins de Florence®, en cas d’abcès ou de plaies des parties molles. Il faut noter également que tous les types de pansement, en cas de plaie suintante, jouent un rôle de drainage par absorption des sécrétions produites.

Drain de Kehr

Drain de Kehr

Le drainage passif par déclivité s’effectue par la mise en place d’un drain tubulaire, pouvant être multiperforé et relié ou non à un flacon collecteur, comme le drain biliaire dit de Kehr®.

Drainage par lame

Drainage par lame

Les drainages passifs nécessitent des poches de recueil collées directement à la peau ou clipsées sur des supports préalablement collés à la peau. Ils peuvent être simplement recouverts de compresses stériles, de pansements hydrofibre ou hydrocellulaire. Le choix du type de recueil dépend du type de liquide, de la quantité et de l’éventuelle nécessité de quantifier le liquide.

Flacon de type Redon® sous vide.

Flacon de type Redon® sous vide.

Le drainage actif simple ou avec prise d’air sur prise murale

Le drainage actif est dit simple quand le système d’aspiration est intégré au système de drainage. Le drain le plus connu est le drain de Jost-Redon (ou Redon®). C’est un drain en plastique siliconé de diamètre variable, multiperforé à une extrémité et relié à l’autre extrémité à une tubulure et à un flacon collecteur sous vide, en plastique rigide, stérile et à usage unique. Il existe d’autres drains plus fins reliés à des flacons collecteurs en plastique à soufflet ou en forme de poire en plastique déformable, stériles et réutilisables. Leur pression d’aspiration n’est pas réglable et diminue avec le remplissage du collecteur. Il est utilisé notamment pour prévenir les hématomes ou compléter l’évacuation en cas de collection initialement septique, l’absence de collection résiduelle favorisant l’accolement des plans sous-cutanés et profonds.

Flacon de type Redon® sans vide.

Flacon de type Redon® sans vide.

Le drain aspiratif avec prise d’air sur prise murale est composé d’un drain de plus gros diamètre, mis dans la cavité et relié par une tubulure à un flacon de recueil sur laquelle la prise d’air murale est branchée. Le montage rappelle celui d’un drain thoracique. Il peut être utilisé en aspiration seule ou associé à un système d’irrigation.

Le rôle infirmier dans la prise en charge du drainage

Si le choix de l’indication et la pose du système de drainage relèvent principalement du rôle du chirurgien, la surveillance rigoureuse de la tolérance, de l’efficacité, de la qualité et de la quantité du liquide ainsi que l’ablation du drain relèvent de celui de l’infirmier, en dehors du renouvellement de certaines mèches.

Quand plusieurs drains sont en place, ils doivent être numérotés et les numéros doivent être reportés sur le dossier de soin en cas de quantification et, sur la demande bactériologique, lors de mise en culture des flacons de Redons®. Cette dernière offre un intérêt en chirurgie infectieuse, notamment orthopédique, en raison de sa valeur pronostique, dans le cadre de la surveillance de l’infection. En chirurgie réglée non infectieuse, la culture systématique des extrémités des drains, lors de leur ablation, ou des liquides de drainage n’a aucun intérêt, ni pronostique, ni thérapeutique.

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Veiller au bon positionnement et fonctionnement du drainage

Lors d’un drainage par mèche, la cavité doit être remplie, de la profondeur à la superficie, sans tasser la mèche ce qui nuirait à sa capacité de drainage. Certains types de mèches doivent être humidifiés pour activer leurs principes actifs.

En cas de drain, l’infirmier doit s’assurer de la position en déclivité pour assurer le drainage et de l’absence de traction du drain, responsable d’inefficacité et de douleur. La surveillance de l’étanchéité et de la perméabilité du drain, non coudé et non bouché, devra également être assurée. En cas d’obstruction, par exemple par un caillot, l’infirmier effectuera des pressions sur le drain associées à des mouvements vers l’extrémité pour l’évacuer. Certains drains, comme le drain biliaire, nécessiteront d’être irrigués au sérum physiologique pour éviter qu’ils ne se bouchent.

Surveiller le vide

L’infirmier doit surveiller le vide pour les drains aspiratifs simples. Les consignes post-opératoires précisent en règle le caractère actif ou passif de l’aspiration, c’est à dire un drain dont le vide est présent ou a été cassé volontairement. Par défaut, il s’agit en règle d’un drainage actif.

Lors de la prise en charge du patient, l’infirmier doit vérifier que le témoin du vide, en forme d’accordéon pour le Redon® et les flacons collecteurs à soufflet, ou sous forme de poire pour les autres, est également écrasé. En cas d’absence de vide pour le Redon®, le flacon qui peut être plein ou présenter un défaut devra être changé. Pour les autres types de flacon, il pourra être vidé puis écrasé avant de remettre le bouchon.

Si un de ces drains ne tient pas le vide, cela signifie en règle qu’il n’est plus étanche au niveau de la peau du patient, soit en raison d’un mauvais positionnement avec une partie des orifices de drainage à l’extérieur ou proche de l’extérieur, soit en raison d’une traction accidentelle du drain ayant entraîné sa mobilisation. Le drain est donc inefficace et doit être ôté après information du chirurgien. Pour les drains aspiratifs sur prise murale, le niveau de dépression est prescrit. L’infirmier doit régler et surveiller le niveau de pression sur l’aspiration murale.

Surveiller et prévenir le risque infectieux

Ce risque existe pour les deux types de drainage mais il est majoré en cas de drainage passif ouvert. L’antisepsie de l’orifice d’un drain ou d’un drainage par lame effectué par irrigation sera fonction de la prescription ou du protocole chirurgical. En présence d’une lame transfixiante, il faut couper la partie opposée de la lame au ras de la plaie pour éviter toute contamination de la plaie, lors de la mobilisation de la lame. Par ailleurs, toutes manipulations comme le changement de flacons collecteurs, l’irrigation, l’ablation ou les mobilisations doivent respecter les règles d’hygiène et d’asepsie.

En cas de retrait incomplet par « oubli partiel » ou rupture accidentelle, le fragment laissé en place peut être la source d’une infection secondaire. Pour éviter tout oubli, le chirurgien doit préciser dans le compte-rendu, et de préférence par un dessin, le type de drain, la taille, la location, l’orifice de sortie exacte et le mode de fixation. Il doit aussi s’assurer de la compréhension des informations.

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Lors de la pose et l’ablation des mèches

Lors de la pose de mèches, les extrémités de la ou des mèches doivent dépasser de la cavité et le nombre de mèches mises en place doit être clairement indiqué sur le compte-rendu et/ou sur la fiche pansement. L’infirmier doit noter les dates et heures de mobilisation et de retrait, mesurer et noter la longueur et la largeur des mèches ou des lames ainsi que l’ablation des fragments. L’épingle de sûreté, fixée à la lame pour empêcher le va-et-vient de celle-ci, sera changée à chaque mobilisation.

Par ailleurs, en cas de résistance du drain lors de l’ablation, l’infirmière devra arrêter le soin et alerter le chirurgien. Il s’agit d’éviter qu’un fragment se détache et reste dans l’organisme du patient. En cas de résistance lors de l’ablation de mèche, il est important de les imbiber de sérum physiologique pour permettre le retrait complet et limiter les douleurs.

En revanche, le retrait de certaines mèches de types alginate peut être plus difficile car, chargées de sérosités, elles se délitent. Il faut donc toujours s’assurer, surtout dans les plaies cavitaires, d’un retrait complet en vérifiant que l’on se trouve bien sur les tissus des berges de la plaie.

L’infirmière a donc un rôle majeur dans la surveillance de la tolérance, de l’efficacité, de la qualité et de la quantité du liquide ainsi que l’ablation du drain. Elle doit alerter le chirurgien en cas de modification de la qualité et de la quantité, de difficultés de retrait et de mobilisation.

Marianne SOULES
Infirmière, Cadre de santé formatrice
DU Plaies et Cicatrisation

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Cet article est paru dans le n°35 d’ActuSoins Magazine (dec-janv-février 2020)actusoins magazine pour infirmière infirmier libéral

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Références :
• Université Médicale Virtuelle Francophone, Le drainage, 2008-2009, http://campus.cerimes.fr/chirurgie-generale/enseignement/drainage/site/html/cours.pdf
• J.E. CLOTTEAU, Drainages et drains : risques récurrents, MACSF, mis à jour le 17 novembre 2017, https://www.macsf.fr/responsabilite-professionnelle/Actes-de-soins-et-technique-medicale/drainages-et-drains-risques-recurrents
• KOSINS AM, SCHOLZ T, CETINKAYA M, EVANS GR, Evidence-based value of subcutaneous surgical wound drainage: the largest systematic review and meta-analysis, août 2013, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23584625/,
• Aesthetic and Plastic Surgery Institute, University of California, Irvine, Orange, CA 92868-3298, USA. akosins@ uci.edu • https://claroline.univ-paris13.fr/claroline/backends/download.php?url=L0FubsOpZV8yMDA5LTIwMTAvTW9kd WxlX0dhc3Ryby1IZXBhdG9sb2dpZS9NaWt1bGljei5wZGY%3D&cidReset=true&cidReq=TSTB
• Bernard L, Pron B, Vuagnat A, Gleizes V, Signoret F, Denormandie P, Si-Ali A, Perrone C, Feron JM, Gaillard JL and the Groupe d’Etude sur l’Ostéite, The value of suction drainage fluid culture during aseptic and septic orthopedic surgery: a prospective study of 901 patients, CID 2002 :34 (1 january), https://core.ac.uk/download/pdf/85217324.pdf

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