Les « petits » candidats n’oublient pas la santé

Adrien Renaud
8 avril 2022 @ 18 h 37 min

Pandémie oblige, presque aucun candidat ne fait l’impasse sur la santé en cette campagne présidentielle. C’est vrai des principaux prétendants à l’Élysée, qu’ActuSoins a interviewés, comme des concurrents plus modestes. Tour d’horizon.

Perturbée par la guerre en Ukraine, la campagne électorale en cours ne s’est pas exactement déroulée comme prévu : alors qu’au bout de deux ans de pandémie, la santé aurait dû constituer un thème majeur d’affrontement entre les candidats, ce sujet n’a été qu’abordé à la marge, victime d’une actualité internationale qui a, de manière légitime, pris le pas sur toute autre considération. Mais ce n’est pas parce qu’on n’a pas beaucoup parlé des propositions des concurrents pour le secteur que celles-ci sont inexistantes.

ActuSoins a interviewé à ce sujet les représentants de ceux qui étaient jugés, avec la part d’arbitraire que cela comporte nécessairement, les plus importants : Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, et Valérie Pécresse. Il est maintenant temps de donner un coup de projecteur sur ce que les six autres participants (Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan, Jean Lassalle, Philippe Poutou, Fabien Roussel et Éric Zemmour) ont à offrir aux patients et aux soignants.

Plus de lits, plus de soignants

En parcourant les programmes de ces candidats, un premier constat s’impose : loin de la diversité à laquelle on aurait pu s’attendre venant d’un panel aussi hétérogène, le diagnostic qu’ils posent sur l’état de notre système de santé est largement partagé, et les mesures qu’ils proposent sont étonnamment convergentes. Tous, à l’exception notable d’Éric Zemmour, mettent ainsi à des degrés divers la priorité sur la nécessité d’ouvrir davantage de lits et de recruter davantage de soignants pour l’hôpital.

C’est ainsi que Nathalie Arthaud, porte-parole de Lutte ouvrière (LO), estime qu’il faut imposer l’embauche de personnel dans tous les services publics indispensables à la population, à commencer par les hôpitaux et les Ehpad. Philippe Poutou, du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), entend de son côté former et recruter 200 000 personnels hospitaliers, et ouvrir 100 000 lits. Jean Lassalle (Résistons !) est plus modeste : s’il veut recruter 100 000 aides-soignants, il n’envisage que 20 000 ouvertures de lits.

Non contents de vouloir recruter des soignants, les candidats promettent également de les payer davantage. Le programme de Nathalie Arthaud prévoit ainsi de fixer un minimum de 2000 euros pour les salaires, pensions de retraites et allocations. Philippe Poutou, lui, envisage de revaloriser les grilles hospitalières de 400 euros par mois, et d’accorder le statut de travailleur en formation aux étudiants infirmiers, rémunérés au Smic. Ce dernier serait par ailleurs revalorisé à 1800 euros nets.

Haro sur les déserts

Les candidats s’intéressent également à la répartition géographique de l’offre de soins, qu’elle soit hospitalière ou ambulatoire. Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), par exemple, promet d’ouvrir de nouveaux hôpitaux, à raison d’un par département. Fabien Roussel, le représentant du Parti communiste français (PCF), fera s’il est élu construire des hôpitaux publics de proximité. Jean Lassalle entend également développer ce type d’établissement, et se fixe même un objectif de temps d’accès : il estime qu’aucun citoyen ne doit se trouver à plus de 40 minutes de route d’un hôpital.

Mais les candidats s’intéressent également à l’ambulatoire : la question des déserts médicaux est en effet l’une des grandes thématiques qu’ils abordent. C’est même elle qui fait l’objet de l’une des seules propositions d’Éric Zemmour (Reconquête) sur la santé : l’ex-journaliste veut en effet recruter « en urgence » 1000 médecins, salariés par l’État, afin d’y exercer. Philippe Poutou et Fabien Roussel, eux, misent davantage sur le développement de centres de santé. Ce dernier entend également restreindre la liberté d’installation des médecins : dans les zones les plus denses, l’installation d’un nouveau médecin doit selon lui être conditionnée au départ à la retraite d’un autre.

Des moyens pour la santé

Autre thème abordé par les candidats : les finances hospitalières. Nathalie Arthaud, par exemple, entend tout simplement en finir avec la « logique de rentabilité à court terme » d’un hôpital actuellement « géré comme une entreprise ». Fabien Roussel compte de son côté en finir avec la Tarification à l’activité (T2A). Nicolas Dupont-Aignan partage cette proposition, et y ajoute la reprise de l’intégralité de la dette hospitalière.

Question finances également, les candidats accordent une importance toute particulière à la question de la Sécurité sociale. Et sur ce sujet, de profondes divergences apparaissent. Si Éric Zemmour entend alléger le coût de la santé en supprimant l’Aide médicale d’État (AME), d’autres candidats s’orientent au contraire vers une extension du périmètre des soins couverts. Jean Lassalle, par exemple, estime qu’il faudrait généraliser à l’ensemble du territoire le système d’Alsace et de Moselle, où l’assurance maladie obligatoire englobe la complémentaire. Philippe Poutou ou Fabien Roussel, de manière plus radicale, proposent tous deux le remboursement à 100 % de tous le soins et médicaments, la suppression des dépassements d’honoraire et des franchises, le tout accompagné de la généralisation du tiers-payant.

On notera enfin une proposition originale, qui pourrait intéresser les infirmiers : Nicolas Dupont-Aignan souhaite amplifier la création de nouveaux métiers de la santé pour soulager les médecins et permettre des évolutions de carrière pour différentes professions, dont les infirmiers. Les mauvaises langues diront que le candidat de Debout la France est à deux doigts d’inventer les Infirmiers en pratique avancée (IPA). Mais au vu de la quasi absence de la profession, dont les effectifs sont pourtant les plus importants du secteur de la santé, dans les programmes des candidats, on aurait tort de bouder son plaisir.

Adrien Renaud

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