Il est « urgent de remettre l’éthique au coeur de la santé »

Les soignants interrogent le sens profond de leur métier et témoignent d'états de "souffrance éthique", voire de souffrance psychique, s'estimant parfois en opposition avec les valeurs éthiques du soin, sans espace pour en parler, affirme le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), dans un avis rendu public lundi. 

© Robert Kneschke / ShutterStock

"L'accumulation de facteurs de fragilisation a engendré une profonde démoralisation chez les soignants qui font face à un décalage de plus en plus manifeste entre leurs pratiques, perçues comme déshumanisées, et les valeurs éthiques du soin, et sont ainsi de plus en plus souvent en situation de souffrance éthique", indique le CCNE. 

En cause notamment? Une "approche de la santé focalisée sur le traitement (le cure), plutôt que sur le soin (le care), et ce, au détriment de la santé publique et d'une approche globale des personnes."

En cause aussi, "une gestion dysfonctionnelle du système de soins", avec un modèle économique dans lequel les acteurs de la santé "ne se reconnaissent pas".

La technicité favorisée au détriment de la relation humaine

"Les avancées technologiques de la médecine s'accompagnent d'une évolution de la conception du soin, centrée sur le geste technique qui peut aisément être évalué par un indicateur 'mesurable'. On ne tient pas suffisamment compte d'une autre partie du soin, qui ne se prête pas aisément à une mesure du même ordre, et qui est pourtant essentielle puisqu'elle consiste à écouter, à dialoguer, à entrer en relation, à accompagner la souffrance, à rechercher par une approche interdisciplinaire le juste niveau de soins pour la personne", pointe le CCNE. 

Ces avancées techniques peuvent générer des situations "inadéquates" du fait d'un déficit de réfléxion éthique couplé à une "sur-valorisation" des actes techniques par rapport aux actes réflexifs.

"Faire du seul motif que l'on sait faire techniquement peut ainsi parfois conduire à des situations de souffrance, de handicap secondaire, de dépendance, de vulnérabilités qui s'imposent à la personne", explique l'avis. 

Altération du rapport au temps

"Le temps des soignants croise de moins en moins celui des malades", pointe aussi le CCNE. Ce temps dépend avant tout de la charge de travail et donc des effectifs soignants et médicaux, aussi bien à l'hôpital qu'en ville ou dans le secteur médico-social. 

Il dépend aussi de la valorisation, notamment financière, des actes techniques, ajoute le CCNE. "Ainsi, le temps technique prend le dessus sur le temps de l'écoute de la souffrance, de l'information de la personne malade pour l'aider à comprendre, consentir ou refuser, sur le temps relationnel et sur le temps réflexif, qui interroge le sens des soins et des traitements possibles."

Des salaires peu élevés au regard de l'engagement demandé

Les salaires des personnels soignants, en particulier des techniciens, des aides-soignants, des infirmiers sont "peu attractifs", pointe enfin le CCNE, aussi bien dans le secteur libéral qu'à l'hôpital, "compte tenu de la charge physique et mentale du soin et de son augmentation générée par des objectifs de performances". 

"Les compétences spécifiques du soin et de l'accompagnement qui sont particulièrement requises par ces métiers méritent d'être mieux valorisées, à l'hôpital comme dans l'ensemble du système de santé. Les infirmiers et infirmières libéraux et de l'hospitalisation à domicile (HAD) par exemple connaissent la réalité sociale et familiale des patients, se rendent chez eux, et entretiennent un rapport de proximité précieusement, en particulier auprès des populations âgées, mal informées, éloignées des lieux de soins.". 

Défaut d'écoute

Lors des auditions conduites par le CCNE, l'un des motifs fréquemment mentionnés par les professionnels exerçant dans le champ de la santé pour expliquer leur souffrance au travail était le sentiment que leurs revendications n'ont pas été écoutées ni reconnues, fait savoir le comité. 

"Ils ont pourtant exposé leur détresse au grand jour, au cours de la crise sanitaire, mais aussi bien avant avec une large mobilisation ces cinq dernières années lors de mouvements sociaux médiatisés, visibles dans l'espace public."

De nombreux discours scientifiques et expérimentiels ont été produits et convergent sur la crise des métiers du soin en France, sans que cela ne se traduise jusqu'à présent par un changement structurel, remarque le CCNE. 

Rédaction ActuSoins

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