Prise en charge d’un patient sous dialyse péritonéale à domicile

Rédaction ActuSoins
22 mars 2023 @ 16 h 18 min

L’insuffisance rénale chronique est une pathologie lourde et très handicapante sur le plan physique mais aussi social. Mais les techniques s’améliorent d’année en année pour rendre le patient plus autonome, acteur de sa pathologie et de sa thérapeutique. Il existe deux types de dialyse permettant de prendre le relais d’un rein défectueux : l’hémodialyse et la dialyse péritonéale. Focus sur la dialyse péritonéale. 

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actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCe dossier a été publié dans le n°45 d’ActuSoins Magazine (juin-juillet-août 2022). Il est à présent en accès libre. 
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Patient sous dialyse péritonéale continue ambulatoire

Patient sous dialyse péritonéale continue ambulatoire. © Doikanoy/Shutterstock

La dialyse péritonéale est une technique de traitement de suppléance de la maladie rénale chronique qui utilise le péritoine comme membrane de dialyse. La solution de dialyse, appelée dialysat, est injectée via un cathéter dans la cavité péritonéale pour permettre l’élimination des déchets. Le cathéter placé au niveau du cul de sac de Douglas est posé au bloc opératoire. Le péritoine, très vascularisé, va jouer le rôle de filtre naturel. La dialyse péritonéale va permettre d’éliminer les déchets du métabolisme (urée, créatinine) ainsi que de réguler la volémie, les concentrations d’électrolytes sanguins (Na+, K+, Ca+) et le pH sanguin.

Il existe deux types de dialyse péritonéale (DP) :

  • la dialyse péritonéale continue ambulatoire (DPCA),
  • la dialyse péritonéale automatisée (DPA).

La DP est indiquée dans le cadre d’une pathologie rénale chronique de type insuffisance rénale terminale. Mais le néphrologue peut décider de passer d’une DP à une hémodialyse en fonction de certains critères (dialyse inadéquate, infections péritonéales, problèmes pariétaux, problèmes mécaniques dus au cathéter, complications métaboliques).

Pour rappel, l’hémodialyse permet d’éliminer les toxines (urée, acide urique) et l’eau qui sont contenus en trop grande quantité dans le sang lorsque les reins ne sont plus en mesure d’assurer leur fonction de maintien de l’équilibre en eau, sodium, potassium et calcium de l’organisme. Un accès vasculaire spécial est nécessaire afin de supporter les traitements de dialyse. Une fistule AV (artério-veineuse) est posée en chirugie. Le sang au contact du liquide de dialyse appelé « dialysat » se débarrasse des substances toxiques avant de retourner dans le corps par la fistule. Ce traitement indolore qui dure de trois à huit heures est effectué trois fois par semaine en moyenne en structure de soins.

Cadre réglementaire de la dialyse péritonéale

Selon l’article D6124-86 du code la Santé Publique, « le domicile ou le lieu où réside le patient est adapté à la pratique de la dialyse péritonéale dans des conditions suffisantes de sécurité et de confort.

Lorsque l’état du patient requiert l’aide d’une tierce personne qui ne peut être trouvée dans l’entourage habituel du patient, il est fait appel à un infirmier ou à une infirmière. Le patient et la tierce personne sont formés à la dialyse péritonéale.

La formation des patients à la technique de dialyse péritonéale est donnée, sous le contrôle d’un médecin néphrologue, par des infirmiers ou infirmières ayant une pratique de la dialyse péritonéale.

L’établissement de santé mentionné à l’article R. 6123- 67 installe, au domicile du patient qu’il prend en charge, l’équipement nécessaire en cas de pratique de la dialyse péritonéale automatisée. Il fournit également les médicaments, les objets et produits directement liés à la réalisation de la dialyse péritonéale. »

La dialyse péritonéale continue ambulatoire

Cette technique, appelée également dialyse manuelle, nécessite en général trois à quatre échanges par jour et nécessite, dans un premier temps, l’intervention d’une infirmière à domicile. Ensuite, si le patient le souhaite, il peut être formé pour le faire lui-même, pour plus d’autonomie. Selon la tolérance du volume intra péritonéal, 1,5 à 3 litres de dialysat sont infusés manuellement dans la cavité avec une stase continue de 4 à 6 heures.

La tubulure se compose d’une poche de dialysat et d’une poche vide de recueil. Elle sera connectée directement au cathéter de dialyse (voir schéma).

Le branchement se fait en Y entre le patient, la poche de dialysat et la poche vide. Il faut tout d’abord vidanger le dialysat présent dans le péritoine du patient par gravité et, lorsque le péritoine est vide, il faut clamper la poche contenant le dialysat vidangé afin d’injecter le nouveau dialysat au patient par gravité.

Réalisation du soin

Solution de dialyse péritonéale

Solution de dialyse péritonéale

Le soin doit être effectué dans des conditions d’asepsie rigoureuse : endroit propre, lavage des mains, port du masque chirurgical…

Avant chaque soin, il est nécessaire que la poche de dialysat soit posée sur un réchauffeur afin que le produit soit à la température corporelle du patient. Le matériel nécessaire – pieds à perfusion, poche de dialysat, balance pour peser la poche, gants non stériles, compresses stériles, antiseptique, coquille bétadinée, et deux clamps- doit être préparé.

Le patient est installé confortablement et son cathéter désinfecté. Par la suite la poche est installée sur la balance, elle-même fixée sur le pied à perfusion.

Lorsque tout est en place, il faut mettre un clamp sur chaque tubulure (poche vide et pleine), ouvrir l’emballage de la coquille bétadinée, saisir l’embout de la poche et l’adapter au cathéter du patient après avoir désadapté l’ancien bouchon. Il est nécessaire de prendre la coquille bétadinée et de la fixer sur la jonction entre la poche et le cathéter du patient afin de limiter le risque infectieux. Pour finir, la poche de drainage est positionnée en déclive afin de commencer le drainage et les clamps sont ouverts.

A la fin du drainage, le clamp sera fermé, la tubulure déconnectée et le nouveau bouchon positionné. La poche doit alors être pesée et tout le dispositif peut être jeté en vidant préalablement la poche dans les toilettes.

Il est important que ce liquide recueilli soit pesé afin de calculer l’ultrafiltration (différence de poids entre le dialysat précédemment injecté et le dialysat évacué). Si l’écart est trop important il faudra en informer le service de néphrologie en raison d’un risque de déshydratation. Le résultat est noté dans le carnet de suivi du patient ainsi que la date, le poids du patient, la tension artérielle, le pouls, le nom du dialysat injecté, la quantité injectée et recueillie, et l’aspect du liquide recueilli. Ces informations sont essentielles pour le suivi du traitement par le néphrologue.

La dialyse péritonéale automatisée

Cycleur utilisé pour la dialyse péritonéale automatisée.

Cycleur utilisé pour la dialyse péritonéale automatisée. © Henrik Dolle/ShutterStock

Elle présente l’avantage de se réaliser la nuit pendant le sommeil du patient grâce à une machine qui s’intitule « le cycleur », ce qui permet au patient de conserver une vie sociale et professionnelle. La durée du traitement est de 8 à 10 heures et, grâce à cette technique, le patient n’aura pas besoin d’un complément de dialyse en journée.

Tous les soirs le patient formé (ou une infirmière à domicile) va installer la poche de dialyse sur le cycleur et la relier au cathéter du patient par l’intermédiaire d’une tubulure.

Une carte électronique insérée dans le cycleur permet d’être programmée selon la prescription médicale. Elle a l’avantage d’enregistrer toutes les informations concernant les séances de dialyse (quantité d’ultrafiltration, temps d’infusion, temps de stase…) Cette carte doit être ramenée lors de la consultation avec le néphrologue pour maintenir un suivi efficace et adapter le traitement en fonction des résultats. Elle permet également de suivre l’observance du patient lors de ses séances.

Dialyse péritonéale : les différentes solutions injectées

  • Physioneal : cette solution va permettre aux patients d’améliorer la correction de l’acidose métabolique et de mieux équilibrer la calcémie. Elle est composée de glucose, de chlorure de magnésium, de chlorure de sodium, de chlorure de calcium, de bicarbonate de sodium et de lactate de sodium.
  • Extraneal : cette solution est compatible pour une dialyse avec un temps de stase long. Sa principale composition, l’icodextrine, induit une ultrafiltration plus élevée que les autres dialysats.
  • Nutrineal : cette solution réduit la charge en glucose et procure une supplémentation nutritionnelle au patients dénutris.

Contre-indications et complications de la dialyse péritonéale

Les principales contre-indications pour une DP concernent les patients à risque de péritonites, la chirurgie abdominale lourde, la hernie abdominale et l’insuffisance respiratoire car celle-ci peut être majorée du fait de l’augmentation du volume du péritoine.

La complication majeure est la péritonite. Celle-ci nécessite une hospitalisation en urgence avec une antibiothérapie adaptée. Les signes les plus fréquents sont un liquide de drainage avec un aspect trouble, des douleurs abdominales, de la fièvre, des nausées ou vomissements, une constipation, une douleur et/ou une rougeur au niveau du point de sortie du cathéter et un drainage insuffisant.

L’indication, en cas de péritonites à répétition dans le cadre d’une DP, est un arrêt du traitement avec un passage à une hémodialyse.

Les autres complications sont les suivantes :
• obstruction du cathéter,
• troubles digestifs,
• dénutrition,
• altération de la membrane péritonéale.

Surveillance

La surveillance du drainage est primordiale. La quantité du liquide recueilli doit être égale à 80 % de celle du liquide injecté. Il faut également surveiller l’aspect et la couleur du liquide collecté pour identifier une éventuelle apparition de péritonite.

L’infirmière surveillera aussi l’apparition d’oedèmes des membres inférieurs, la tension artérielle, le poids du patient, le transit et les signes de déshydratation.

Conclusion

La dialyse péritonéale est un traitement de longue durée qui nécessite de la part des patients une hygiène de vie rigoureuse et est donc souvent perçu comme contraignant et moralement difficile. Il est du devoir des professionnels de santé de leur démontrer la possibilité de garder une vie sociale et professionnelles « presque » identique à celle d’avant. Il faut savoir qu’il est possible de voyager dans n’importe quel pays du monde en étant sous DP. Il est néanmoins important de prévoir bien à l’avance son voyage pour prévenir l’organisme de livraison du matériel des dates et de la destination de livraison.

Dans le cas d’un voyage en avion, la compagnie doit être prévenue au préalable mais il est tout à fait possible, avec une prescription médicale, de voyager avec tout son matériel. Plus vite le patient gagnera en autonomie, plus vite il adaptera sa vie à son traitement.

Elodie VAZ, infirmière

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