Lutte contre l’anorexie mentale : le rôle crucial des infirmiers

À l'occasion de la semaine mondiale de sensibilisation aux troubles du comportement alimentaire, du 27 mai au 2 juin, Nadine Satori et Marion Deloulay, respectivement infirmière en pratique avancée et infirmière au sein du service des TCA du pôle Clinique des maladies mentales et de l’encéphale du Groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie & neurosciences, appellent à déstigmatiser ces troubles.  Avec l'exemple de l'anorexie mentale, elles partagent leur vision de la maladie et soulignent l'importance du rôle infirmier dans le processus thérapeutique. 

Marion Deloulay, infirmière (à gauche) et Nadine Satori, IPA (à droite)

Marion Deloulay, IDE (à gauche) et Nadine Satori, IPA (à droite). © DR

Quelles sont les caractéristiques de l'anorexie mentale et pourquoi est-il urgent de renforcer la sensibilisation autour de cette pathologie ? 

Nadine Satori –  L'anorexie mentale, maladie émergente en pleine évolution, est la pathologie la plus mortelle en psychiatrie en raison de ses complications somatiques ou des suicides qui y sont associés. D’après les données de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), la prévalence de l’anorexie mentale au cours de la vie est de 1,4 % chez les femmes et de 0,2 % chez les hommes, des chiffres stables ces dernières décennies. Si les conduites à risque traversent les siècles, l’évolution de l'anorexie mentale et des TCA en général est directement liée au mode de vie occidental et reste rare dans les pays orientaux, à l'exception du Japon, qui présente un taux significatif de TCA.

Marion Deloulay –  Cette maladie se situe à la frontière entre le psychique et le somatique. En résumé, l’anorexie mentale présente deux formes principales : le type restrictif avec  jeûne, restriction et hyperactivité puis, l’hyperphagie purgative. Au coeur de ces troubles se trouve l'image de soi, qui contraint les patientes à déployer des stratégies de contrôle de leur poids et de leur image, révélant ainsi des difficultés relationnelles avec elles-mêmes et avec autrui. Malheureusement, les structures dédiées à la prise en charge de cette maladie restent insuffisantes aujourd'hui. 

Pour soigner et accompagner ce trouble, votre service propose un modèle de thérapie cognitivo-comportementale. Pourquoi ? 

Nadine Satori – Dans notre structure, nous proposons en effet un modèle de soins cognitivo-comportemental contractualisé dans le cadre d’un projet de soins, incluant un accompagnement en psychothérapie. Ce contrat de soin est bipartite : le patient et le soignant s’engagent autour d’une prise en charge "ici et maintenant". L’approche se concentre non pas sur le "pourquoi" mais sur le "comment", en mettant l'accent sur les actions quotidiennes pour améliorer les habitudes alimentaires et reprendre du poids. Analyser les raisons des comportements ne garantit pas de solutions immédiates. Or, face à des troubles liés à un besoin humain, celui de l’alimentation, la priorité et l’urgence sont bien de trouver des solutions immédiates à la reprise du poids avant de chercher à en comprendre les raisons. Cette nécessité est particulièrement pressante lorsque les patientes présentent un Indice de masse corporelle (IMC) très bas, car elles ne disposent plus des ressources physiques nécessaires leur permettant de procéder à une analyse.

Comment les infirmiers interviennent-ils dans le processus de soins ?

Marion Deloulay – Le rôle infirmier consiste à soutenir l'ensemble des activités de soins, ainsi que l’activité médicale. Au sein du centre expert, l’infirmier réalise une évaluation avec les patient et ensemble ils échangent sur le projet de soins. En devenant le référent du patient, le soignant construit avec lui un lien privilégié visant à le soutenir, l’accompagner et lui permettre de prendre conscience des troubles pour réduire les risques. Son intervention englobe les aspects éducatifs et émotionnels, visant à faire prendre conscience au patient que ses comportements sont pathologiques et qu’il peut être accompagné.

Nadine Satori – En tant qu’IPA, mon rôle est transversal. Je ne fais plus partie de l’équipe de soins. Cependant,  j'organise des consultations de suivi post-hospitalisation avec les patientes en situation clinique complexe, qui s’articulent avec le suivi mis en place par le médecin, en alternance. Au cours de ces consultations, je mets en place des soins axés sur l'approche corporelle et le toucher thérapeutique, permettant de travailler à une meilleure acceptation de son corps.

Propos recueillis par Laure Martin

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L’information en plus

Pour toute demande de renseignements concernant les TCA, il est possible de solliciter la Fédération française d’anorexie et boulimie, qui répond aux besoins des patients, des proches et des professionnels (numéro non surtaxé) : 09 69 325 900 - https://ffab.fr/

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