Tutorat infirmier une formation pour mieux accompagner les étudiants

C’est une affaire gagnant-gagnant : avec les formations au tutorat infirmier, les infirmiers valorisent leurs nombreuses compétences et les acquis de la formation initiale, tandis que les étudiants en soins infirmiers sont mieux suivis au cours de leurs stages.

Si l’encadrement des étudiants en soins infirmiers fait partie du rôle infirmier, certains professionnels approfondissent les acquis de leur formation initiale en suivant une formation spécifique au tutorat.

Du côté réglementaire, une instruction de la DGOS de novembre 2016, relative à la formation des tuteurs de stages paramédicaux et sur laquelle se basent les formations disponibles, indique qu’il « convient de professionnaliser la fonction de tuteur de stage et d’assurer aux professionnels concernés une formation adaptée et harmonisée sur l’ensemble du territoire ».

Au CH du Rouvray (Seine-Maritime) par exemple, la formation « est ouverte depuis trois ans à tout infirmier qui souhaite être tuteur », expliquent Sandrine Villemont, cadre de santé formatrice, et Laure Abraham, cadre de santé auprès de la direction des soins.

Elles témoignent : « la motivation tourne autour de la qualité de l’encadrement. En général les participants ont déjà une expérience de l’encadrement des étudiants et veulent formaliser ainsi que légitimer leur fonction ».

Si le CH du Rouvray est connu pour sa bienveillance envers les stagiaires, c’est sans aucun doute en lien avec l’engagement de ces deux collègues. En 2017, Sandrine Villemont et Laure Abraham commencent à travailler en binôme autour du tutorat au sein de leur établissement et elles repensent entièrement la formation en lien avec les directives de la DGOS. Résultat : elles livrent une formation en quatre jours, deux fois par an, adaptée aux organisations du CH du Rouvray, financée uniquement par les cotisations des salariés.

« Lors de cette formation, nous travaillons sur les notions de compétences relationnelle, organisationnelle, réflexives et pédagogique qui sont les quatre compétences des tuteurs proposées par la DGOS », précisent-elles.

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Formation au tutorat infirmier : des questionnements multiples

Pour les y aider : deux vidéos sur la posture du tuteur, une présentation de la plateforme Collegium santé avec des vidéos de cours, des supports transmis par les formateurs, une matinée entière sur la pédagogie par compétence, etc.

Les questions abordées sont multiples : qu’est-ce que le tutorat ? Qui sont les autres encadrants de proximité ? Comment communiquer ? Comment organiser le planning de stage et le parcours de l’étudiant ? Comment finaliser un bilan de stage ? « Les trois premiers jours permettent de revenir sur l’expérience d’encadrement générée par le tutorat et la quatrième journée se fait à distance pour une analyse des pratiques », précisent les deux cadres. Le but ? À partir d’outils pédagogiques déjà disponibles, réussir à les améliorer ou à les adapter aux besoins des participants.

Isabelle Bayle, coordinatrice des instituts de formations de Saverne et de Sarrebourg (région Grand-Est), docteure en sciences de l’éducation et directrice des soins, propose le même type de formation ouverte à tout infirmier diplômé et finançable via le DPC. « Les expériences professionnelles sont variées, les lieux d’exercice aussi mais il n’y a pas de prérequis demandé », précise-t-elle.

Formation au tutorat infirmier : les bienfaits pour les tuteurs

Ophélie Leroux Lanuzel et Alexis Gigante, infirmiers au CH du Rouvray, ont suivi une formation tutorat en avril dernier. « Nous voulions plus d’informations concrètes sur le tutorat, en savoir plus sur notre rôle, apprendre à bien faire la différence entre les encadrants de proximité et les tuteurs de stage », explique Ophélie Leroux-Lanuzel.

« En formation initiale, nous sommes censés pouvoir encadrer de futurs professionnels, mais nous n’avons pas les apports pédagogiques approfondis. Historiquement chez les infirmiers, l’apprentissage passe par la transmission orale des autres professionnels de santé », renchérit Alexis Gigante.

Tous deux cherchaient aussi une transmission plus horizontale des savoirs, « pour éviter la position des “sachants” envers les étudiants », précise Ophélie Leroux-Lanuzel.

Les formations sont aussi l’occasion de renforcer le lien de coordination entre la formation académique de l’IFSI et le terrain. Alexis Gigante confirme : « c’est valorisant pour nous, cela nous permet d’évaluer nos pratiques et d’endosser des rôles différents ». Enfin, les tuteurs « sont là pour que les étudiants se réfèrent auprès de nous en cas de situations difficiles ou de souci avec l’équipe », rappelle Ophélie Leroux-Lanuzel.

Pour Isabelle Bayle, être volontaire pour ce genre de formation est important, mais cela ne fait pas tout. Ce qui est essentiel est plutôt « l’appétence à la relation à l’autre, l’envie de transmettre à un futur collègue, comment lui montrer et lui expliquer les gestes pratiqués ». Elle note que « certains sont inscrits d’office à la formation continue. Très rapidement, ils s’avèrent contents, apprennent des choses et sont transformés au bout d’une ½ journée. Souvent les participants disent que les étudiants sont mal formés : cette formation les met face à la possibilité de jouer un rôle à ce sujet », explique-t-elle encore.

Sandrine Villemont et Laure Abraham ont le même avis : « les infirmiers ne sont pas au courant de la façon dont on forme les étudiants aujourd’hui. La formation permet de mieux comprendre leur comportement et leur fonctionnement » et de réduire le décalage.

Enfin la formation permet de « se décharger » d’une activité quotidienne, estime Isabelle Bayle, « d’échanger avec d’autres personnes, de faire de l’analyse pratique et de prendre le temps de la réflexivité, notamment à travers des activités ludiques ».

Une sorte de pause bienvenue dans des emplois du temps souvent surchargés. Isabelle Bayle aimerait même que cette formation « devienne un DU ou un master » pour valoriser les compétences acquises.

Aussi, c’est une pierre à l’édifice général : « en suivant cette formation, les soignants travaillent pour un collectif métier et pas seulement pour leur unité de soins ».

Formation au tutorat infirmier : les bienfaits pour les étudiants

À la clé pour les étudiants, les avantages sont aussi nombreux. « Dans le contexte actuel, où l’hôpital peine à recruter, 10 % des étudiants infirmiers abandonnent au bout de leur première année », rappelle Alexis Gigante.

Isabelle Bayle confirme : les étudiants qui se sentent bien traités dans un service ont envie de rester ou de postuler. Le vécu du stage a une influence sur le recrutement.

« En psychiatrie, par exemple, ils ont beaucoup de questions et se sentent démunis. Il faut les accompagner au mieux pour éviter que ça devienne un stage subi », analyse Alexis Gigante.

« Ce sont de futurs collègues, rappelle Ophélie Leroux-Lanuzel. Nous ne sommes pas seulement là pour les évaluer mais pour les accompagner ». Sortir de l’angoisse de la sanction, liée à la pression s’avère nécessaire, car Alexis Gigante rappelle que les étudiants en soins infirmiers sont très exposés aux troubles mentaux. Un bon tutorat permet donc « de créer un environnement sain et cohérent ».

Isabelle Bayle en est convaincue : « il existe de vraies pépites chez les soignants dans les unités de soins. » Les formations tutorat permettent de les faire briller.

Delphine BAUER

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