ESPrévE équipe spécialisée de prévention inter-Ehpad

Géraldine Langlois
8 juillet 2024 @ 17 h 15 min

Dans les Hauts-de-France, des équipes spécialisées de prévention inter-Ehpad (ESPrévE) rencontrent depuis 2019 les responsables et les soignants des Ehpad pour diffuser et développer la culture de la prévention. Un dispositif original qui s’adapte aux moyens et aux ressources de chaque structure.

Ehpad Notre Dame des anges à Lille

À l’Ehpad Notre Dame des anges, à Lille, l’équipe planche sur la thématique de la contention, avec le coordinateur de l’ESPréVe. © Géraldine Langlois

Quelle est la définition de la contention ? », lance Ian Hocmert, coordinateur de l’ESPréVe du groupe hospitalier Loos-Haubourdin, près de Lille. Une vingtaine d’aides-soignants, infirmiers, aides médico-psychologiques et de secrétaires de l’Ehpad lillois Notre Dame des anges, échangent et aboutissent à la définition de la Haute autorité de santé. En groupes, ils planchent ensuite sur trois sujets : les raisons qui peuvent conduire à utiliser la contention, les risques liés à la contention et les types de contentions disponibles dans l’Ehpad. Lors de la restitution, l’animateur précise ici un point réglementaire, là une bonne pratique ou déconstruit une idée reçue. Poser une barrière de lit sans prescription médicale c’est possible, les deux barrières non, rappelle-t-il. Si le résident demande expressément à en avoir deux, il faudra alors absolument régulariser la situation au plus vite avec une prescription. Et « tracer, tracer, tracer » les actions tout en mettant en place une surveillance rapprochée des résidents concernés, insiste-t-il, car la contention elle-même comporte des risques.

Cette séance fait partie d’un accompagnement plus vaste de cet Ehpad par l’ESPréVe de Loos… et dont la totalité des 580 Ehpad de tous statuts des Hauts-de- France peut bénéficier gratuitement depuis la pérennisation des 13 ESPréVe de la région en novembre 2022. En créant ces équipes, il y a trois ans, l’ARS a voulu développer la culture de la prévention dans les Ehpad. Il s’agit de sensibiliser les professionnels à la prévention et aux bonnes pratiques en matière de chutes, de mobilité, de dénutrition, d’hygiène bucco-dentaire, de douleur, d’addictions, d’ostéoporose ou encore de complications liées à la maladie de Parkinson. Le projet vise aussi à soutenir et accompagner les équipes dans leurs démarches de prévention, à contribuer à la prévention individuelle et collective en les aidant à se former et à développer des actions et leurs outils et, globalement, à prévenir l’aggravation des conséquences des maladies sur la qualité de vie et le bien-être des résidents ainsi que les hospitalisations.

actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article a été publié dans n°49 d’ActuSoins Magazine (juin 2023).

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ESPréVe : 580 Ehpad concernés

Les ESPréVe, financées par l’ARS et adossées chacune à un centre hospitalier, sont composées d’un ergonome ou d’une psychomotricienne, d’un enseignant en activité physique adaptée et d’une diététicienne (soit deux équivalents temps plein au total). « Lors de leur démarrage, elles organisent une réunion d’information avec les représentants des Ehpad de leur territoire pour présenter le dispositif et sa méthodologie », explique Camille Scappe, coordinatrice territoriale et régionale des ESPréVe. Dans les Ehpad intéressés, « le point de départ de l’accompagnement réside dans l’autodiagnostic », poursuit Ian Hocmert. Il s’agit d’un état des lieux de la structure sur les thématiques retenues, réalisé par les équipes. « Il met en exergue les points forts de la structure et les sujets sur lesquels ces dernières ont le plus besoin d’être accompagnées pour développer la prévention », ajoute Camille Scappe. L’ESPréVe locale convient avec l’Ehpad d’une ou deux thématiques prioritaires : « Nous valorisons les actions qui sont déjà menées et nous nous mettons d’accord sur des objectifs », précise Ian Hocmert.

Comme le souligne la coordinatrice, « il s’agit de faire en sorte que l’Ehpad ne soit pas consommateur mais acteur dans le développement d’une démarche de prévention. Nous, nous sommes là en soutien. » Ils coconstruisent ensemble un plan d’action sur un an qui peut comporter des interventions de types différents et en nombre variable. Aucun accompagnement n’est identique. Il peut par exemple consister à donner plus de place à la prévention dans le projet d’établissement de la structure, dans les projets de soins et les projets de vie. Il peut aussi se traduire par l’organisation de séances de sensibilisation du personnel sur les thématiques ciblées, comme celle sur la contention pour l’Ehpad Notre Dame des anges. Une ESPréVe peut également animer des groupes de travail sur les thèmes en question ou aider à créer un flyer sur l’aménagement des chambres pour éviter leur encombrement par des meubles… « L’intérêt, c’est que ces actions aient un effet sur les résidents », insiste Camille Scappe.

Qualité de vie des résidents

Un accompagnement peut en combiner plusieurs. Dans l’Ehpad lillois, « l’ESPréVe a accompagné la mise en place d’un groupe de travail sur la contention avec la psychologue, une infirmière et une aide-soignante, explique Fiona Djaafri, infirmière référente contention. Nous avons créé la fiche de poste des référentes » vers lesquelles les membres de l’équipe peuvent se tourner en cas de doute ou de questionnement. Elles ont apprécié de prendre le temps de se pencher sur ce sujet et de bénéficier d’un regard extérieur. Le projet comprend aussi une sensibilisation du personnel à la nécessité d’aborder la contention lors des transmissions et la participation à la mise à jour, en cours, du protocole sur ce sujet.

Les animateurs se renseignent en amont des séances sur le matériel disponible dans l’Ehpad pour adapter leur intervention. Pendant celle de Lille, Ian Hocmert a mis un point d’honneur à en parler et à évoquer les ressources disponibles ou consultables facilement. De son côté, Fiona Djaafri a présenté les référentes contention puis proposé des études de cas. « Il s’agit de voir quel matériel ou méthode les personnes envisagent d’utiliser et pourquoi, mais aussi de déterminer les alternatives possibles, souligne Camille Scappe. Parfois on se rend compte que le matériel n’est pas utilisé pour la bonne raison. » Une soignante s’est prêtée à la démonstration de la pose d’une ceinture abdominale de contention sur une collègue : « il ne faut jamais faire de noeud, rappelle Ian Hocmert, et ne pas trop serrer. Il faut toujours pouvoir passer la main entre la personne et la ceinture ». Des participantes ont pris des notes. Rebecca, aide-soignante, a apprécié la séance et trouvé les rappels théoriques bienvenus.

Partir de l’existant

Les membres des ESPréVe sont formés à la dimension réglementaire, aux bonnes pratiques, aux ressources disponibles sur les différentes thématiques couvertes par le programme ainsi qu’aux outils disponibles. Il existe dans la région, par exemple, un parcours moteur et nutrition senior et un kit de prévention des chutes pour les résidents atteints de la maladie de Parkinson et de la sclérose en plaques. Ils sont également formés à l’animation de réunions basée sur les connaissances et la participation des professionnels et les moyens de la structure. « Il y a beaucoup de créativité sur les formes de missions », apprécie Ian Hocmert. Une des ESPréVe a ainsi créé un escape game sur la contention.

Le bilan d’impact de 2022 n’est pas encore finalisé à l’heure où nous écrivons ces lignes. Mais le bilan 2021, sur 70 % des Ehpad ayant bénéficié d’un accompagnement (soit 70 structures), montre, entre autres, des effets importants sur la mobilisation des professionnels sur les thématiques de prévention, une plus grande intégration de la prévention dans l’accompagnement des résidents et la mise en place de nouvelles actions pour et avec les résidents sur ces sujets. Sur le territoire de Lille, comme les autres probablement, une très grande majorité de participants sont des soignants : 37 % d’aides-soignants et des AMP, 22 % d’Infirmières et 13 % d’IDEC. L’ARS Grand-Est s’intéresse aussi au dispositif, qui pourrait ainsi essaimer dans d’autres régions.

Géraldine Langlois
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Cet article est paru dans ActuSoins Magazine  en  juin  2023Actusoins magazine pour infirmière infirmier libéral
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