L’apprentissage est loin de se situer au premier rang des choix effectués par les étudiants, lorsqu’il s’agit de se former aux soins infirmiers.
Est-ce pour encourager cette voie que Jean Castex a annoncé la fin des quotas pour l’apprentissage des infirmiers et des aides-soignants ?
Serait-ce une manière d’agir sur l’attractivité de ces métiers particulièrement en tension ? « C’est une mesure positive qui témoigne que le Gouvernement place le secteur de la santé au cœur de la relance économique », assure Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), dans un communiqué de presse.
Aujourd’hui, 100 000 postes, dont 34 000 d’infirmiers et 24 000 d’aides-soignants, sont à pourvoir dans les établissements de santé. « Seuls 900 apprentis travaillent dans le secteur sanitaire privé, alors que nous pourrions former en apprentissage entre 4000 et 5000 personnes », affirme Lamine Gharbi.
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Les conditions de l’apprentissage
L’apprentissage est accessible en deuxième et troisième années de formation en soins infirmiers, à condition d’avoir moins de 30 ans et d’avoir validé l’équivalence aide-soignante.
Lorsqu’un étudiant souhaite s’orienter dans cette voie, un contrat d’apprentissage – un contrat à durée déterminée – est conclu entre lui, l’entreprise qui l’emploie et l’Ifsi, qui doit être agréé par un Centre de formation des apprentis (CFA).
« Si un étudiant souhaite s’orienter vers l’apprentissage, il doit déposer son dossier à l’Ifsi, et ensuite le CFA se charge de trouver un établissement intéressé, fait savoir Michèle Appelshaeuser, vice-présidente du Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec). Néanmoins, l’Ifsi reste responsable de l’enseignement théorique et clinique, ainsi que du parcours de stage de l’apprenti. »
Ce dernier va disposer d’un maître d’apprentissage nommé par l’établissement, et d’un tuteur pour ses stages.
Favoriser le statut d’étudiant
La Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) n’est pas frontalement contre l’apprentissage dans l’enseignement en soins infirmiers. Mais elle n’est pas totalement pour non plus.
« Derrière le statut d’apprenti, il y a celui d’employé, rappelle Félix Ledoux, président de la Fnesi. L’étudiant n’en est plus un et ne dispose que de cinq semaines de congés par an. Pendant les périodes de vacances scolaires, il va travailler comme aide-soignant ou agent des services hospitaliers (ASH). »
Et de poursuivre : « A la Fnesi, nous nous battons pour que les étudiants soient reconnus comme tels, avec des droits qui sont importants. Donc si l’apprentissage se développe, ce sont tous les droits pour lesquels la Fnesi se bat depuis vingt ans qui vont être balayés. »
La Fédération craint également que l’apprentissage ouvre la porte à ce qu’elle considère comme d’autres dérives : le pilotage de la formation par les employeurs alors « qu’on tend à être intégrés à l’université », l’impossibilité, dans les faits, pour le stagiaire, de découvrir d’autres terrains de stage en dehors de son établissement de rattachement.
« C’est l’Ifsi qui reste maître de l’affectation des stages, rapporte Michèle Appelshaeuser. Donc normalement, les établissements hospitaliers n’ont pas d’injonction à donner sur les lieux de stage de l’apprenti même si certains essayent de le faire notamment parce que nous sommes dans un cadre de pénurie de professionnel de santé. »
Malgré tout, si un apprenti doit, d’après son parcours, effectuer son stage dans un service qui n’existe pas dans son établissement « employeur », ce dernier ne peut pas l’empêcher de le réaliser dans une autre structure, et l’Ifsi doit y veiller.
Rendre la filière attractive
Pour le moment, les étudiants sont loin de privilégier cette voie.
Pourtant, elle peut présenter des avantages. « Elle peut constituer une réponse à certaines situations de précarité que traversent les étudiants en soins infirmiers (ESI) », soutient Michèle Appelshaeuser. Et d’ajouter : « Certains étudiants décrochent de leurs études à la suite d’événements de vie. Or, l’apprentissage permet de bénéficier d’un revenu, et peut ainsi permettre à certains d’aller jusqu’à la fin de leur formation. »
Contrairement à la filière « classique », l’apprentissage permet en effet au futur soignant de percevoir un salaire qui varie en fonction de son âge et de son année d’étude, ainsi que du secteur dans lequel il effectue son apprentissage. Et c’est sans compter la prise en charge du coût de la formation pédagogique. Un avantage financier certain…
Les établissements aussi ne portent pas l’apprentissage, « notamment parce qu’à l’issue du contrat d’apprentissage, d’un point de vue législatif, l’apprenti ne doit rien à l’établissement [même si certains insèrent une clause dans le contrat, NDLR], fait savoir Michèle Appelshaeuser. L’objectif de l’apprentissage est notamment de favoriser la culture de l’entreprise alors que dans les faits, ce n’est pas vraiment le cas. »
Pour rendre la filière attractive, il faudrait selon elle, expliquer aux établissements l’intérêt d’avoir recours aux apprentis à condition de réfléchir également à rendre obligatoire une durée d’exercice du métier chez l’employeur, une fois l’apprenti diplômé.
Un constat partagé par la FHP qui estime nécessaire de renforcer le temps de formation chez l’employeur, de mettre en place une clause de dédit-formation et d’étoffer la liste des actes que peuvent pratiquer les apprentis et qui relèvent du métier pour lequel ils se forment, sous la supervision de leur maître d’apprentissage.
Même si la filière est encore peu choisie, la Fnesi prévoit, avec la suppression des quotas, « de mener un important travail d’information auprès des ESI car nous craignons que pour des raisons financières, certains fassent ce choix, s’inquiète Félix Ledoux. Notre formation ne doit pas devenir qu’un apprentissage, nous ne sommes pas des apprentis infirmiers mais bien des étudiants infirmiers. »
Laure Martin
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