Depuis 2019, le Bus Santé Femmes sillonne les départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines en Île-de-France pour aller à la rencontre des femmes dans une démarche de prévention sociale et médicale. Dans le bus, elles peuvent consulter gratuitement, de façon anonyme et sans rendez-vous des professionnels de santé, mais aussi une avocate, une assistante sociale ou un officier de prévention de la gendarmerie.
Cet article a été publié dans le n°50 d’ActuSoins magazine (septembre-octobre-novembre 2023).
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Mardi 20 juin (2023, NDLR), 10h place du 8 mai 1945 à Suresnes dans les Hauts-de-Seine. Comme tous les matins de la semaine, la rue est animée. Des camions livrent leurs marchandises, des nounous passent en poussette, des habitants vont et viennent avec un sac de courses à la main dans ce quartier commerçant au cœur de la ville à une dizaine de kilomètres de Paris. Au milieu de la place, s’est installé pour deux jours le Bus Santé Femmes.
« Bonjour mesdames », lance Marcelle Mele, coordinatrice chargée de l’installation, de l’accueil et de l’orientation des femmes. « C’est le Bus Santé Femmes, nous nous occupons de la santé des femmes. C’est gratuit et anonyme », explique-t-elle aux passantes. Quand certaines sont intéressées et s’arrêtent pour demander plus d’informations, la coordinatrice leur explique qu’elles peuvent consulter le ou les professionnels de leur choix présents dans le bus : un psychologue, un médecin, une infirmière, une avocate… Parfois, une assistante sociale et un officier de prévention sont également présents, mis à disposition par la commune.
Besoin pour les femmes
Financé par les conseils départementaux des Hauts-de-Seine et des Yvelines, le dispositif a été créé en 2019 par l’Institut de Hauts-de-Seine (IHS), une association en faveur de la santé, l’éducation, l’insertion et la solidarité, en partenariat avec la RATP. L’objectif : répondre à un besoin de prévention observé sur le terrain. « Nous nous sommes rendu compte que l’accès aux soins est plus difficile pour les femmes. À quoi s’ajoutent les violences dont elles sont victimes », explique le docteur Mourad Souames, référent santé à l’IHS, spécialiste en santé publique.
Selon les statistiques de l’association, il ressort qu’une femme sur trois accueillie dans le bus a déjà renoncé à des soins pour des raisons financières. À l’échelle nationale, ce chiffre est moins élevé et atteint 24%[1]
Nombreuses aussi sont celles qui ont des problèmes de santé ou un risque élevé d’en avoir. 58% des femmes vues dans le bus sont en surcharge pondérale (surpoids ou obésité), contre 41,3%[2] des femmes à l’échelle nationale.
La plupart déclarent avoir des problèmes de sommeil. Le besoin social est aussi prégnant : elles sont 25% en moyenne à être à la tête de familles monoparentales. À chaque étape du bus, un ou deux cas de violence faites aux femmes est identifié.
Le format du bus itinérant est rapidement apparu comme une solution adaptée. « Le principe c’est l’aller vers ces femmes », explique le Dr Souames. « Si on ne va pas vers elles, elles ne se font pas dépister, elles ne vont pas chez le médecin. Ce sont souvent des femmes isolées, certaines en situation de précarité. D’autres, évoluent dans des milieux favorisés mais se sentent délaissées, en proie à l’ennui, aux addictions ou avec des problèmes de couple, complète-t-il. La misère n’est pas une question d’argent », ajoute Béatrice Rolland, responsable du bus. Le bus va donc à leur rencontre, en s’installant au cœur des villes, là où le passage est fréquent. L’emplacement mais aussi les dates et le créneau horaire s’organisent en concertation avec les communes. À ces dernières revient aussi la mission de communiquer en amont de la venue du bus pour prévenir les personnes intéressées.
Bus santé femmes : Dépistage et échanges
En cette toute fin de printemps, avant même que le bus n’ouvre ses portes, plusieurs femmes attendent déjà leur tour. Pendant ce temps, elles remplissent un questionnaire santé, anonyme, utilisé à des fins statistiques par l’IHS. Une fois à l’intérieur, elles découvrent une petite salle d’attente confortable à la décoration soignée et chaleureuse. De part et d’autre de cette entrée, se trouvent des espaces cloisonnés faisant office de cabinets.
En fonction de leurs besoins, les personnes vont poser des questions aux professionnels ou faire part de problématiques précises sur les plans médical, juridique, social… Certaines vont évoquer leurs vertiges au médecin, les conflits de voisinage ou les difficultés financières qui les minent avec le psychologue ou l’assistante sociale. D’autres vont évoquer les violences dont elles sont victimes et demander comment se faire aider pour porter plainte ou quitter leur domicile. Les femmes venant au bus se voient également proposer la possibilité de passer différents tests : audition, vision, diabète, cholestérol. Ces deux derniers dépistages sont aussi « l’occasion pour échanger sur le tabac, l’alcool et l’alimentation », souligne Mourad Souames, rappelant que les maladies cardio-vasculaires représentent la première cause de mortalité chez les femmes.
Si les femmes pénètrent dans le bus pour voir en premier lieu un professionnel, rien n’empêche d’en consulter plusieurs, au fil des besoins qui sont identifiés. « Par exemple, une femme vient faire un dépistage visuel. L’infirmière détecte un besoin de parler. Elle lui propose alors de discuter avec le psychologue. Lequel va mettre la femme en relation avec les personnes et structures partenaires de la ville qui peuvent l’aider comme le CCAS, un CMP, une association… », illustre Béatrice Rolland.
Bus santé femmes : (Re)prendre en main sa santé
C’est d’ailleurs là que réside tout le principe du bus. « Notre objectif est d’écouter ces femmes, de dépister et d’orienter vers les structures médicales et sociales locales », explique Béatrice Rolland. Autrement dit, les professionnels intervenants n’ont pas vocation à poser un diagnostic, faire un soin, prescrire un traitement ou démarrer un accompagnement. Par ailleurs, le Bus Santé Femmes n’a pas pour objectif de se substituer à l’offre existante sur le territoire. Mais plutôt à faire connaître celle-ci auprès des habitantes et les orienter vers les structures médicales et sociales locales qui peuvent les aider. « Pour les femmes en situation de précarité, je les oriente vers les consultations d’ophtalmologie et d’audition des hôpitaux publics », précise Élisabeth3, infirmière à la retraite et intervenante régulière depuis deux ans dans le Bus Santé Femmes.
Un document listant tous les interlocuteurs médicaux et sociaux de la commune est d’ailleurs remis à chaque femme accueillie dans le bus.
Finalement, le bus « aide les femmes à (re)prendre en main leur santé physique, administrative, mentale etc. C’est assez global et complémentaire. En tant qu’infirmière on n’est pas tant dans le dépistage que dans une main tendue et c’est très important », résume Agathe Brisse, étudiante en médecine, qui intervient régulièrement sous contrat partiel au poste d’infirmière dans le Bus Santé Femmes. En tout cas, à chaque date, le bus bat son plein, avec une trentaine de femmes accueillies en moyenne par demi-journée. Des communes d’autres régions souhaitent déployer un dispositif similaire, et sollicitent régulièrement l’IHS pour les y aider. De son côté, l’association francilienne réfléchit à la possibilité de proposer dans le bus des consultations gynécologiques et dentaires. À n’en pas douter, le besoin est là. Reste à savoir si un seul bus suffira.
Alexandra Luthereau
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1 Source : chiffres publiés par la DREES en juillet 2021 à partir de données de 2017
2 Source : Assurance maladie
3 Élisabeth n’a pas souhaité communiquer son nom
Chiffres
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Âge moyen : 50 ans
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25% de femmes monoparentales
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25% sans diplômes
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2 300 femmes du 92 et 78 ont été reçues dans le bus santé femmes en 2022
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122 communes visitées en 2022
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