Au-delà du bouleversement politique inédit que provoque la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République, cette décision suscite une grande inquiétude chez les représentants de la profession infirmière en raison de l’arrêt de l’ensemble des travaux parlementaires.
« Nous recevons de nombreuses annulations de nos différentes réunions de travail avec les tutelles en raison notamment du devoir de réserve des instances en lien avec les élections législatives, fait savoir Evelyne Malaquin-Pavan, présidente du Conseil national professionnel (CNP) infirmier. Pour le moment, les prochaines échéances sont prévues pour la rentrée. En attendant, nous continuons à travailler sur nos dossiers afin d’être prêts à la reprise, tout en restant vigilants car nous ne connaissons pas les retombées des nouvelles colorations politiques à venir sur l’ensemble des chantiers en cours pour notre profession. » Le flou sur la future composition de l’Assemblée nationale et du gouvernement laisse en effet planer un doute sur le sort des textes.
Ordre, associations, syndicats, multiplient les appels à poursuivre les travaux.
Réforme de la profession
Les travaux sur la réingénierie du décret de compétences infirmiers et de la formation risquent notamment d’être perturbés. « Cette dissolution est une déception, reconnaît Christophe Mesnier, nouveau président de Coordination nationale des infirmiers (CNI). La réingénierie de la profession aurait dû être terminée avant la fin de l’été 2024, les travaux étaient bien avancés, et aujourd’hui, la promesse du ministre délégué en charge de la santé, Frédéric Valletoux, semble bien compromise. » Et d’ajouter : « Les infirmiers sont fatigués, ils manquent de reconnaissance, et avec ce nouveau décret nous espérons et attendons plus d’autonomie. Désormais nous ne savons pas comment la situation va évoluer. »
Un point de vue partagé par le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), qui a exprimé « sa profonde inquiétude » pour l’avenir de la profession face à l’arrêt des travaux alors qu’un texte « crucial » pour la profession était en cours d’élaboration. Un texte dont dépend l’ouverture des négociations conventionnelles pour les infirmiers libéraux. « Alors que la profession n’a de cesse d’exprimer sa souffrance depuis des mois, il est impératif de pouvoir reprendre ces travaux et les conclure au plus vite afin de permettre l’ouverture de négociations tant attendues, rappelle le Sniil. […] Il est urgent de revaloriser notre profession et de reconnaître nos compétences qui tiennent une place cruciale dans le système de santé. »
« Tous ces reports vont nécessairement retarder la mise en œuvre des négociations conventionnelles pour une revalorisation financière de nos actes que nous attendons », renchérit Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière. Pour la Fédération nationale des infirmiers, « quel que soit le contexte politique, une loi reste nécessaire pour répondre aux enjeux d’un système de santé à bout de souffle et redéfinir les missions d’une profession infirmière dont la colère s’est exprimée. »
L’ONI plaide également pour la poursuite des travaux sur l’encadrement de l’exercice infirmier avec le passage d’un décret d’actes à un décret de missions ; une autonomisation des infirmiers ; la reconnaissance du soin relationnel ou encore l’encadrement juridique de la consultation infirmière et du droit à la prescription afin de « faire advenir une réforme ambitieuse de l’exercice infirmier, au service de l’accès aux soins ».
Des textes en attente de publication
Actuellement trois décrets et un arrêté sont aussi attendus par la profession : la création du statut d’infirmier référent ; le décret sur les plaies et cicatrisation pour les IDE ; l’accès direct et la primo-inscription pour les infirmiers en pratique avancée (IPA). « Ces textes […] ne doivent pas devenir des dommages collatéraux de la situation politique », soutient l’Ordre national des infirmiers (ONI), qui souhaite l’aboutissement rapide du travail législatif mené depuis plusieurs années. Concernant la pratique avancée, les textes « ont d’ores et déjà fait l’objet de toutes les concertations et sont prêts à être publiés, rappelle l’Union nationale des infirmier.es en pratique avancée (UNIPA). Au vu de l’importance capitale de leur mise en vigueur dans le cadre de l’accès aux soins des Français, la publication au Journal Officiel doit s’effectuer dans les plus brefs délais » tout comme la promulgation des décrets.
Laure Martin
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