“’J’ai été opéré de la cataracte, il y a quelques mois, et depuis mes deux yeux sont larmoyants, explique un patient à Émilie, infirmière, aujourd’hui en poste à l’accueil des urgences ophtalmologiques du CHIC. Mon médecin m’a prescrit un traitement, mais rien ne change. Je viens vous voir parce que je suis inquiet. » Après s’être assurée que la demande relevait d’une urgence, Émilie l’inscrit au planning de la journée.
« Légalement, nous n’avons pas le droit de refuser les patients aux urgences, souligne-t-elle tout en deman-dant à l’étudiante en soins infirmiers, en stage dans le service, d’aller chercher un dossier patient. Mais avec notre maîtrise du circuit des patients, nous cherchons à” réorienter les fausses urgences vers des rendez-vous de consultations afin d’éviter l’engorgement. »
Cet article a été publié dans le n°50 d’ActuSoins magazine (septembre-octobre-novembre 2023).
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Un service d’expertise
55 000 patients sont pris en charge tous les ans au sein du service d’ophtalmologie du CHIC. Ce dernier propose deux offres à la population : un service de proximité pour ceux souffrant de problèmes ophtalmologiques de type glaucomes, cataracte ou problèmes de vue. Puis un service d’expertise dans la prise en charge des pathologies de la rétine, dont plus particulièrement celles liées à la macula.
Le service est organisé autour de cette offre de soins avec à la fois des consultations programmées et des prises en charge urgentes, réparties entre des urgences ophtalmologiques générales (conjonctive, corps étranger dans l’œil) et des urgences maculaires liées spécifiquement à un problème de rétine. Le service est ainsi réparti en six secteurs, chacun avec son code couleur : consultation générale, partie fonctionnelle de l’œil, rétine, recherche clinique, urgences générales et urgences maculaires. Dans chacun d’eux, des médecins, des infirmières, des aides-soignantes ou encore des orthoptistes jouent un rôle clef pour la prise en charge optimale des patients.
Côté infirmières, elles sont neuf à se relayer, chaque se-maine, au sein des différents postes du service. « C’est une organisation intéressante pour nous, elle nous permet de varier nos activités », explique Catherine, infirmière.
Aujourd’hui, à l’accueil des urgences, c’est donc Émilie qui reçoit les patients. Le rythme est soutenu ! Outre les appels téléphoniques des patients ayant besoin de renseignements ou de réassurance, elle gère principalement l’inclusion de ceux arrivant aux urgences, c’est- à-dire sans rendez-vous. À la demande de l’interne, qui s’occupe des consultations d’urgences, l’infirmière de l’accueil peut aussi réaliser des soins aux patients : pansements oculaires, prises de sang, perfusions, aide à la mise des gouttes de collyre notamment pour les enfants. Elle assure également l’orientation des patients présents pour les urgences macula. Plusieurs situations peuvent se présenter. « Lorsque le patient est déjà connu du service, je l’oriente directement aux urgences macula », fait savoir Émilie. C’est le cas également lorsqu’il n’est pas connu du service mais qu’il est adressé par son médecin avec un courrier. En revanche, lorsqu’un patient vient de lui-même, il va d’abord être reçu aux urgences ophtalmiques « générales » avant d’être envoyé aux urgences maculaires, si nécessaire.
Les injections intra-vitréennes (IVT)
En arrivant à l’étage des urgences macula, le patient pris en charge peut se voir proposer le même jour, si nécessaire, une IVT. Certains patients viennent d’ailleurs spécifiquement pour ces injections, tandis que d’autres présents pour un contrôle, peuvent aussi en avoir besoin dans l’immédiat. Cet accès aux IVT « le jour-même » participe au bien-être des patients, parfois âgés et habitant loin. Sans parler du fait qu’une injection retardée peut entraîner un risque de perdre la vue.
« Les IVT sont prescrites pour les patients diabétiques ou encore ceux atteints d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), afin d’apporter le traitement directement au contact de la lésion », explique le Dr Carl-Joe Mehanna, assistant spécialiste en ophtalmologie. Dans la salle d’attente, un patient attend justement pour recevoir une IVT, dans l’une des trois salles dédiées. L’interne pratiquant l’acte est accompagnée d’un binôme infirmier/aide-soi-gnant. Le patient est appelé et s’allonge sur la table.
Après avoir effectuée l’identitovigilance du patient, Katia, infirmière dans le service depuis 20 ans, le prépare à l’intervention pendant que Sharlène, aide-soignante, vérifie l’équipement. « J’effectue la détersion de l’œil, avec une phase de désinfection », explique Katia, précisant qu’entre 60 et 80 patients par jour viennent pour une IVT. L’intervention, rapide, est indolore car l’œil est endormi. Néanmoins, elle peut impressionner le patient, d’autant plus qu’un écarteur est apposé sur les paupières pour permettre leur ouverture maximum. « Nous avons un rôle de réassurance, poursuit Katia. Nous parlons aux patients, leur tenons la main lorsqu’ils sont angoissés par l’IVT. »
La fréquence des IVT varie en fonction des patients.
« Certains viennent tous les mois, tandis que d’autres prennent rendez-vous tous les deux à trois mois, indique le Dr Mehanna. Aujourd’hui, la recherche clinique se concentre non plus sur l’efficacité des traitements, acquise, mais sur leur longévité, afin de chercher à espacer au maximum deux rendez-vous. »
Les examens spécifiques
En parallèle, au rez-de-chaussée, Kelly, infirmière, est en train de perfuser un jeune patient d’une dizaine d’années venu sur rendez-vous pour une angiographie. Cette technique d’imagerie médicale portant sur les vaisseaux sanguins non visibles sur des radiographies standards, nécessite l’injection d’un produit de contraste afin de prendre des photos du fond de l’œil. Le médecin peut ainsi visualiser l’état des vaisseaux sanguins de la rétine pour poser un diagnostic : affections de l’œil touchant ces vaisseaux notamment en cas d’occlusion, rétinopathie diabétique, DMLA, infections rétiniennes ou encore de tumeurs.
Dans le service, plusieurs salles sont équipées pour effectuer des angiographies, afin de recevoir un grand nombre de patients. Dans le cas de l’enfant, l’objectif est de dépister une éventuelle maladie génétique. « Parmi les pistes envisagées, une dystrophie des cônes, la maladie de Stargardt ou encore une maladie de surcharge », indique le Dr Aliénor Vienne-Jumeau, interne. Installée à côté de l’appareil où l’enfant est assis, Kelly, le perfuse puis injecte le fluor, permettant au médecin d’observer sur l’écran, la vascularisation de l’œil.
L’éducation thérapeutique du patient
La découverte d’une maladie de la rétine peut être difficile à accepter pour les patients. Depuis octobre 2022, les patients atteints d’une DMLA humide peuvent bénéficier de séances d’éducation thérapeutique organisées par un médecin, deux infirmières, un orthoptiste et un psychologue. « Lorsque le patient vient pour sa première IVT, je prends contact avec lui afin de lui proposer de participer au programme d’ETP », explique Sidonie, infirmière en charge de l’ETP.
S’il est d’accord, la première séance se déroule lors de son rendez-vous pour sa deuxième séance d’IVT, afin de lui laisser le temps d’intégrer l’existence de sa maladie. Lors de la première séance d’ETP, il est reçu par l’infirmière afin de faire le point sur son mode de vie, son alimentation, son hygiène, connaître son ressenti par rapport au diagnostic et au traitement, et savoir comment il vit depuis l’annonce de la maladie.
Dans un deuxième temps, il participe, par groupe de cinq patients, à des ateliers, au cours desquels le médecin explique en détail l’anatomie et la physiologie de l’oeil, introduit la maladie avec des mots simples. L’orthoptiste intervient pour montrer aux patients l’ensemble des instruments pouvant les accompagner au quotidien. En parallèle, le patient peut être suivi par le psychologue s’il le souhaite.
Puis six mois plus tard, il est convoqué pour un bilan. Lors des séances d’ETP, le patient peut être accompagné par ses aidants, l’occasion de mieux appréhender la maladie. « Nous avons une tablette permettant de montrer à la famille la vision du patient malade, cela permet aussi une meilleure acceptation de la pathologie par tous », conclut Sidonie.
Laure Martin
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Cet article a été publié dans ActuSoins Magazine
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