L’Ordre infirmier contre le suicide assisté

L’Ordre infirmier contre le suicide assisté

Le Conseil de l’Ordre infirmier vient de publier sa position dans le débat sur la fin de vie et d’affirmer son opposition à à la légalisation de l’euthanasie  des suicides médicalement assistés. Une position déontologique face à une prochaine évolution législative.

L'Ordre infirmier contre le suicide assisté
Extrait d’une exposition photo de l’association “Les p’tites lumières” © Jean-Louis Courtinat

L’Ordre rappelle en premier lieu le rôle de l’infirmier : l’infirmier « exerce sa profession dans le respect de la vie et de la personne humaine. Il respecte la dignité et l’intimité du patient et de la famille » (Art. R4312-2 du code de la santé publique). 

« L’infirmier ou l’infirmière agit en toute circonstance dans l’intérêt du patient. » (Art. R4312-26). « Il y a incompatibilité complète de l’assistance à mourir, du suicide assisté, a fortiori de l’euthanasie, avec le rôle de l’infirmier et ses règles professionnelles », affirme l’ONI.

Concernant le suicide médicalement assisté ou l’euthanasie,l’ONI craint un glissement vers une banalisation « en cas de légalisation de l’euthanasie », comme le montrent des exemples à l’étranger, notamment au Benelux et en Belgique. « Faire porter tout le poids de l’euthanasie sur l’infirmière n’est absolument pas acceptable. La loi doit être extrêmement claire sur ce point », insiste l’Ordre.

Sur la sédation terminale, l’Ordre adopte une position d’équilibriste, reflet de la loi Leonetti. L’ONI définit la sédation terminale comme « destinée à soulager le malade au risque de provoquer la mort » et l’estime inacceptable s’il s’agit « d’une manière d’abréger la vie ». Pour le CNOI, « en cas de demande d’une sédation terminale par un patient, un avis collégial doit être émis et inscrit au dossier du patient. L’infirmière doit y participer (…) Si l’avis collégial est favorable à la mise en oeuvre d’une sédation, l’infirmière pourra se dégager de l’application en faisant valoir sa clause de conscience ».

L’Ordre considère en outre « qu’il faut probablement renforcer le caractère opposable des directives anticipées tant il est impensable que l’équipe ne les prenne pas en compte. Mais il conviendra d’y apporter cependant des exceptions : l’urgence, le décalage de celles-ci par rapport à la situation actuelle clinique du patient, la demande de la personne de confiance, leur rédaction dans un contexte de pathologie psychiatrique,… »

La Conférence des citoyens pour une “exception d’euthanasie”

Cette prise de position intervient alors qu’un projet de loi pourrait être déposé avant l’été – il s’agit de l’engagement n°21 du candidat Hollande – pour compléter la loi Leonetti de 2005. En outre, la Conférence des citoyens mise sur pied par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu lundi 16 décembre un avis venant relancer le débat.

Les dix-huit membres de cette Conférence, représentatifs de la population française, se sont prononcés en faveur de l’autorisation de la sédation en phase terminale, de la légalisation du suicide médicalement assisté « reposant avant tout sur le consentement éclairé et la pleine conscience » de personnes « en fin de vie ou atteintes d’une maladie incurable ou irréversible ».

La Conférence se positionne aussi pour une « exception d’euthanasie (…) envisageable dans des cas particuliers, ne pouvant entrer dans le cadre du suicide assisté lorsqu’il n’existe aucune autre solution (pas de consentement direct du patient) ». Ces cas seraient laissés à l’appréciation d’une commission médicale et locale ad hoc.

[dropshadowbox align=”center” effect=”lifted-both” width=”350px” height=”” background_color=”#ffffff” border_width=”1″ border_color=”#dddddd” ]”Un projet de loi pourrait être déposé avant l’été”[/dropshadowbox]

En priorité les dix-huit citoyens demandent le « développement massif de l’accès aux soins palliatifs » qui doivent être érigés en « cause nationale ». Seuls 20 % des personnes qui devraient en bénéficier y ont accès, rappellent-ils.

Avant de se prononcer les dix-huit citoyens avaient auditionné de nombreuses personnes qualifiées, des professionnels de santé, des personnes ayant accompagné un proche en fin de vie,…

Ces citoyens vont donc beaucoup plus loin que le rapport Sicard (ex-président du décembre 2012 qui rejetait l’idée d’inscrire l’euthanasie ou le suicide assisté dans une loi, mais évoquait la possibilité d’accorder un geste médical « accélérant la survenue de la mort » ou du Comité consultatif national d’éthique (CCNE, juillet 2012).

L’infirmière : un rôle clef au chevet du patient

Concernant la prise en charge de la fin de vie, l’Ordre estime nécessaire « le renforcement de la pluridisciplinarité dans la décision, avec participation obligatoire de l’infirmière » qui est amenée « à connaître le malade sur le plan médical, mais aussi à recevoir ses confidences avec ses souhaits sur sa fin de vie, ses croyances religieuses, l’acceptation ou non de son traitement, l’efficacité de la prise en charge de la douleur ». Cette proximité entre infirmiers et patients est d’autant plus marquée dans les Ehpad ou la présence d’une infirmière de nuit doit être « généralisée ».

« La prise en charge de la douleur reste encore inégale et insatisfaisante », ajoute l’Ordre qui souligne que « l’amélioration de la prise en charge de la douleur est la première réponse indispensable (…). Avant de demander l’interruption des soins ou l’interruption de la vie, la personne souhaite avant tout ne pas souffrir ». L’ONI préconise ainsi « que le droit de prescrire des antalgiques de palier 1 soit ouvert aux infirmiers ».

Cyrienne Clerc

Pour aller plus loin :

Rapport de La Conference de Citoyens Sur La Fin de Vie Avis Citoyen

Rapport de l’ONI sur la prise en charge de la fin de vie

 

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