Pour la première fois depuis sa création en 2019, la 92e section du conseil national des universités (CNU 92) dédiée aux sciences infirmières est présidée par un infirmier, Sébastien Colson. Son élection a eu lieu le 7 janvier. Un symbole fort pour la profession et sa place à l’université.
Vous êtes le premier président de la CNU 92 à être issu de la profession infirmière. Comment cela se fait-il ?
Au moment de la création de la section, nous étions très peu d’infirmiers à être maîtres de conférences et aucun n’était professeur des universités. Le ministère de l’Enseignement supérieur a fait le choix de nommer des personnes proches des sciences infirmières pour occuper les postes au bureau de la section en attendant la montée en charge de la discipline en France.
Les trois professeurs des universités qui en ont fait partie auparavant étaient issus de la sociologie, de la pharmacie et des sciences de l’éducation. Il faut les remercier d’avoir assuré en quelque sorte l’intérim de la section alors que nous n’avions pas les ressources nécessaires et pour leur action et leur investissement en faveur de la discipline. Sans eux les sciences infirmières n’auraient pas peu atteindre leur niveau de développement actuel.
Puis, entre septembre et décembre 2024, l’ensemble de la section a été renouvelé. J’ai été élu président. Aurore Margat, également professeur des universités en sciences infirmières, a été élue première vice-présidente. Florence Policard et Elise Verot, maîtres de conférence dans la discipline aussi, ont été élues respectivement deuxième vice-présidente et assesseur.
N’est-ce pas un symbole fort que la CNU 92 soit désormais dirigée par un infirmier ?
Je suis honoré de la confiance que mes collègues m’ont témoigné en m’élisant à cette fonction. C’est un développement de carrière atypique pour beaucoup d’entre nous qui sommes diplômés d’Etat. Cela ne va jamais assez vite mais l’évolution des 20 dernières années a été phénoménale ! Nous voulons que cette évolution se poursuive et qu’on arrive à une vraie reconnaissance universitaire de la profession. Nous sommes sur la bonne voie !
Vous faites figure de pionnier à toutes les étapes de votre parcours et du développement des sciences infirmières à l’université. Pouvez-vous en tracer les jalons ?
Au départ je voulais être infirmier puériculteur ou pédiatre, pour travailler dans le monde de la santé et auprès des enfants. Tout naturellement je me suis dirigé vers la profession infirmière. J’ai obtenu mon diplôme d’Etat à Nancy, où j’ai travaillé en onco-hématologie pédiatrique, avant de partir à l’APHP. Mes études de puériculture, en 2008, m’ont donné envie de revenir dans le monde des études et de m’investir pour ma profession. C’était l’époque où se préparait la réforme des études de 2009.
Je me suis rapproché de l’Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE) (dont je suis devenu président en 2010). Et je me suis inscrit en master de sciences cliniques infirmières, ouvert par l’EHESP et l’université d’Aix-Marseille. C’était le premier du genre, on avait des étoiles plein les yeux ! Je me suis engagé ensuite dans un doctorat porté par une cotutelle de l’université d’Aix-Marseille en santé publique et l’université de Montréal en sciences infirmières – une première aussi ! Quand je l’ai obtenu, en 2015, je me suis impliqué dans le master en sciences cliniques infirmières.
J’ai été nommé maitre de conférence en 2017, tandis que l’université d’Aix-Marseille transformait sa faculté de médecine en faculté de sciences médicales et paramédicales et ouvrait une école universitaire en sciences infirmières, dont j’ai été élue directeur. J’ai obtenu l’habilitation à diriger des recherches en 2021 et je suis devenu professeur des universités en sciences infirmières, le premier de la discipline, en décembre 2021.
Quelles sont les missions de la CNU 92 ?
Une de nos missions principales consiste à valider la qualification des candidats aux titres de maîtres de conférences et professeurs des universités, c’est-à-dire à vérifier leur implication dans l’enseignement en sciences infirmières et dans la recherche en sciences infirmières. Cette qualification est nécessaire s’ils veulent postuler à des postes ouverts dans les universités.
Nous donnons aussi notre avis sur l’attribution des primes d’enseignement et de recherche et sur les dossiers de candidature à l’avancement de carrière. Nous représentons aussi la section, à titre consultatif, dans les conseils nationaux professionnels infirmiers. La section CNU 92 participe par ailleurs aux travaux de réforme de la formation infirmière. Nous sommes également sollicités, parfois, par les universités qui créent un département de sciences infirmières ou par nos ministères de tutelle, comme cela a été le cas au sujet de la bi-appartenance des enseignants chercheurs.
Quel projet vous tient le plus à cœur ?
Je voudrais participer à acclimater dès le plus jeune âge les infirmières à l’utilisation des données de la recherche dans la pratique clinique (tout comme dans les pratiques managériales et dans l’enseignement). Aujourd’hui, notre langage diffère encore de celui des médecins sur ce point. Les infirmiers et les chercheurs peuvent travailler ensemble pour faire évoluer leurs pratiques en utilisant la littérature scientifique.
Nous travaillons sur des projets de recherche expérimentaux pour dédramatiser la recherche dans les études infirmières mais aussi celles des spécialités infirmières et des cadres. Les mémoires ne servent pas seulement à valider un diplôme mais à dire pourquoi on va utiliser les données probantes qui sont présentées. Certains étudiants réalisent qu’ils se faisaient un monde de l’unité d’enseignement sur la recherche et finissent par prendre beaucoup de plaisir à se saisir des tenants et aboutissants de l’enseignement par la recherche. Une partie d’entre eux s’investissent d’ailleurs dans des doctorats et le développement des compétences d’enseignement et de chercheurs. »
Propos recueillis par Géraldine Langlois