Ebola : que va faire la France en Guinée ?

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Alors que Marisol Touraine est cette après-midi à Milan pour une réunion informelle entre ministres de la santé européens sur la lutte contre le virus Ebola, la présence française en Guinée se renforce alors que huit personnes, membres d'une mission de sensibilisation ont été tuées par des villageois. Des informations exclusives ActuSoins.

© Amandine Colin/MSF Pour parvenir à contrôler une épidémie d’Ebola, les équipes doivent travailler en étroite coopération avec les populations touchées.

© Amandine Colin/MSF
Pour parvenir à contrôler une épidémie d’Ebola, les équipes doivent travailler en étroite coopération avec les populations touchées.

A Milan, les ministres de la santé négocient cet après-midi pour "mettre en place des mécanismes de régulation européenne, notamment sur le rapatriement en Europe des soignants" qui pourraient être touchées par le virus, a expliqué à ActuSoins le directeur général de la Santé, le Professeur Benoît Vallet, à l'occasion d'un colloque de l'EPRUS (Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires) qui se tenait ce 22 septembre au ministère des Affaires sociales et de la Santé.

Un système de régulation européen pourrait également "encourager l'effort des pays les plus éloignés. Ils seraient ainsi assurés que leurs ressortissants et soignants pourront être évacués en Europe pour y être soignés si nécessaire", ajoute-t-il.

Ces discussions se tiennent à Milan alors qu'un missionnaire espagnol de 69 ans contaminé par le virus, a été rapatrié ce matin. Ce directeur d’un hôpital dans la ville serra-léonaise de Lunsar, a été hospitalisé à Madrid "dans un état grave".

L'infirmière française reçoit un médicament expérimental, le TKM

Concernant l'infirmière française de MSF, rapatriée la semaine dernière, elle reçoit un traitement expérimental, "un ARN interférent, le TKM-Ebola, de la société canadienne Tekmira" qui cible l’ARN viral  indispensable à la réplication du virus, a confirmé le Pr Vallet.

Les soignants américains rapatriés, il y a quelques semaines avaient été traités avec le ZMapp, un cocktail de trois anticorps monoclonaux mais les stocks de ce produit sont épuisés.

La deuxième éventualité, selon le Pr Vallet, est l’antiviral T-705 encore appelé favipiravir, homologué en mars dernier au Japon en tant qu’antiviral contre la grippe saisonnière.

En Guinée, un hôpital français d'une cinquantaine de lits 

Plusieurs experts et soignants  ont déjà effectué des missions en Guinée. Revenu, il y a quelques jours de Guinée, le Dr Sissoko, envoyé par l'EPRUS raconte : "trois missions ont été envoyées en Guinée pour mettre en place la filière épidémiologique. Une dernière mission comprenant cinq réservistes de l'EPRUS est en cours. Quatre personnes chargées d'aider l'hôpital Donka à Conakry sont revenues. Elles aidaient l'hôpital à mettre en place une filière d'orientation des patients, une gestion des stocks et un numéro d'appel d'urgence et de régulation,  le 115". 

Un cinquième réserviste, le Dr Antoine Perrin est actuellement à Macenta, en Guinée Forestière (sud du pays) où va être construit l'hôpital promis par François Hollande, "un centre de quarante à cinquante lits avec une infrastructure partagée entre les ministères français de la Défense, de la Santé et de l'Intérieur", indique le Pr Vallet.

"L'EPRUS enverra des soignants réservistes dans cet hôpital qui devrait être opérationnel en novembre", précise le Pr Vallet qui n'exclut pas la présence de volontaires d'autres pays européens.

A Macenta et Womé, la défiance locale

Actuellement MSF dispose d'un centre de transit à Macenta, en pleine Guinée forestière. Ce centre avait été vandalisé par une population en colère en avril dernier. Cette région est particulièrement touchée : "sur dix-sept cas d'Ebola en Guinée, hier, seize ont été identifiés à Macenta", a expliqué le Dr Antoine Perrin, joint lors du colloque de l'EPRUS.

"Une des difficultés, sur place, c'est la coopération de la population. Quand une personne est contaminée, elle entre dans un centre et la famille ne la voit plus. Cela fait naître des rumeurs. En outre, la famille ne peut pas s'occuper des  funérailles, même si nous essayons  d'y faire participer un parent. Pour ces personnes qui pratiquaient des funérailles selon des traditions séculaires dans la forêt, c'est un changement brutal", explique le Dr Sissoko, épidémiologiste.

"L'épidémie est venue se greffer sur un manque de confiance, après dix années de guerre où certaines familles ont vu partir les plus jeunes comme enfants soldats. Cela fait plusieurs mois que nous travaillons en amont, en passant par les communautés, les religieux,...mais il y a un véritable manque de confiance", ajoute le Dr Sissoko.

La situation dans la région est critique comme le montre l'assassinat de huit personnes. Les corps de huit personnes qui ont été retrouvés, le 18 septembre, à Womé, dans la région de N'Zérékoré, proche de Macenta (sud de la Guinée). Ils étaient tous membres d'une mission de sensibilisation au virus Ebola attaquée à coups de machette par les villageois.

Parmi les corps identifiés figurent le premier responsable préfectoral de la santé, le directeur adjoint de l'hôpital de N'Zérékoré, le sous-préfet de la localité et un pasteur. Les autres sont des journalistes qui accompagnaient cette mission. La délégation était conduite par le premier magistrat de la région. Ce dernier, tout comme le préfet, ont réussi à s'enfuir.

« Les manifestants soupçonnaient l'équipe d'être venue les tuer parce que, selon eux, Ebola n'est qu'une invention des Blancs pour tuer les Noirs » , a raconté un des membres de la mission.

Un essai clinique de l'antiviral japonais favipiravir en Guinée

Par ailleurs, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) va tester le favipiravir en Guinée. "L'essai thérapeutique sera mené à partir de début novembre sur une soixantaine de patients contaminés par le virus dans deux centres", confirme le Pr Vallet.

L''EPRUS a également été mobilisé pour préparer et conditionner deux tonnes de matériel de protection (gants, masques, tenues de protection), un don de la France à la Guinée qui a déjà été acheminé.

Cyrienne Clerc

L’épidémie d’Ebola a fait 2 793 morts en Afrique de l’Ouest, sur 5 762 cas, selon le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en date du 18 septembre et publié aujourd'hui. Le Liberia, de loin le pays le plus touché, a enregistré 1 578 morts sur 3 022 cas. Dans les deux autres pays les plus affectés, il y a eu 623 morts en Guinée sur 965 cas, et 584 morts en Sierra Leone sur 1 753 cas.

A relire : Violaine Levistre, une infirmière MSF dans l’enfer d’Ebola

Evacuation (lente) d’une infirmière française de MSF atteinte d’Ebola

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