51% des infirmières ont été victimes ou témoins de harcèlement sexuel durant les trois dernières années

Avec 51% de professionnelles concernées durant les trois dernières années, les infirmières sont particulièrement touchées par le harcèlement sexuel, révèle une étude réalisée par Medscape. Les personnes de moins de 45 ans sont les plus touchées et beaucoup indiquent que c'est surtout en début de pratique ou de stage que le risque et le plus grand. 

51% des infirmières ont été victimes ou témoins de harcèlement sexuel durant les trois dernières années

Caresses, frottements, sollicitations sexuelles, mails et photos à caractère sexuel, avances... Au cours des 6 dernières années, un quart des infirmières et des sages-femmes ont été témoins d'une forme de harcèlement sexuel de la part d'un autre professionnel de santé sur leur lieu de travail et 9% l'ont directement subi. 

"Le chef de service s'amusait à coincer les infirmières contre les murs pendant la visite. Je lui ai fait manger un montant de porte en me poussant au dernier moment devant tout le monde", témoigne une IDE. "Un collègue aide-soignant m'a harcelée et m'attendait dans le parking à chaque fin de service. Comme je l'ai repoussé, il a décidé de ne plus faire ce que je lui demandais pendant le travail. J'en ai parlé à ma cadre qui n'a rien fait. Ce sont mes collègues qui m'ont aidée", indique un autre témoignage. 

Selon un autre témoignage, les remarques sur le physique seraient monnaie courante dans les services. "Un chirurgien s'est un jour permis de faire une remarque sur ma culotte...qu'on ne voyait même pas. Il s'est par la suite excusé", explique une infirmière. 

Les patients... les plus harceleurs

Côté harcèlement par les patients, les statistiques annoncées sont encore plus affligeantes : les infirmières sont dix fois plus fréquemment victimes d'un patient que d'un collègue. En totalité (patients et collègues confondus), sur les trois dernières années,  51% des IDE ont ainsi été témoins ou victimes de harcèlement sexuel.

Chez les médecins, davantage représentés par l'étude ( 1007 médecins contre 76 IDE et sages-femmes), le harcèlement de la part des patients est six fois plus impotant que par les collègues.

Un quart des médecins témoigne d'un comportement inapproprié de la part de patients, tel qu'une demande de rendez-vous (42%), des tentatives d'attouchement (25%) ou une demande de rapport sexuel (8%).

Les femmes médecins se voient davantage victimes d'attouchements ou sollicitées pour accepter un rendez-vous galant

Le harcèlement touche également les hommes.

"La patiente me dit : 'je suis très libre. Mon mari est souvent absent...Un autre 'Je n'ai pas de plaisir avec mon mari, avec vous je pense que ça serait mieux'", rapporte un médecin. 

Un autre praticien indique "des SMS anonymes avec des promesses de relation sexuelle ou des invitations à déjeuner de la part d'une patiente"

Le milieu médical : un monde à part ? 

Le milieu médical est-il un monde à part où la pression est telle que les comportements à caractère sexuel peuvent être tolérés? Les harceleurs ont-ils conscience de leurs actes? "A l'heure de #metoo et d'une société encore en pleine évolution, les praticiens ont parfois du mal à s'y retrouver", analyse l'étude. 

Une interne aux urgences estime que "l'agresseur...malheureusement, souvent, n'a pas conscience d'être un agresseur". Un généraliste confirme que les commentaires "à caractère sexuel dégradant pour la femme" sont considérés comme une "attitude normale" par "plusieurs confrères" car ceux-ci sont "nostalgiques d'une époque des carabins...". Peut-être inconscient de la gravité de ses actes, l'auteur des commentaires dont elle a été victime "s'est d'ailleurs dénoncé tout seul, fier de l'avoir fait en ligne et diffusé à tous les confrères du département". 

Pour une gynécologue "la grivoiserie n'est pas du harcèlement, il faut savoir différencier et ne pas franchir les limites dans un sens et dans l'autre". Une opinion partagée par plusieurs hommes, tel ce cardiologue qui demande "entre drague et harcèlement, où est la limite? On tombe dans n'importe quoi!"

"Est-ce du harcèlement ou des situations de séduction? Le fait que ce soit dans le cadre professionnel change-t-il les choses?", interroge un chirurgien. 

Des conséquences majeures 

Pour la majorité des victimes, le harcèlement a eu un impact psychologique certain. Seule une personne sur huit indique ne pas avoir été atteinte par l'incident.

40% des victimes adoptent également des mauvaises habitudes de vie : un quart d'entre elles se sont isolées, d'autre ont indiqué avoir augmenté leur consommation d'alcool, de tabac ou de médicaments sur ordonnance, ou manger de façon compulsive.

A la suite de l'incident, 20% des victimes ont envisagé de démissionner et 8% l'ont fait. Plus d'un tiers ont indiqué avoir eu des difficultés à se concentrer, et pour un quart d'entre elles, l'incident a eu un impact négatif sur l'attention qu'elles portent à leurs patients, les conduisant, pour certaines (5%) à commettre des erreurs médicales. 

Elles font peu confiance aux responsables chargés de mener des enquêtes sur leur lieu de travail et considèrent que les agresseurs ont d'autant plus de chance de ne pas avoir à répondre de leurs actes qu'ils ont un statut économique et hiérarchique supérieur. 

Plus d'un médecin sur dix pense que le harcèlement sexuel est tacitement accepté dans leur milieu professionnel. Ce sentiment est deux fois plus prononcé parmi les internes (1/5). 

Presque la totalité (97%°) des répondants indiquent qu'il n'y a pas de formation obligatoire sur le harcèlement sur leur lieu de travail et seulement 11% ont une bonne connaissance de la procédure de dépôt de plainte. 

Les victimes ne portent pas plainte

Si plus de la moitié des victimes ont confronté leur offenseur, la grande majorité ne l'a pas dénoncé. Lorsqu'elles ont rapporté l'incident, elles se sont confiées à un collègue ou à un représentant des ressources humaines. 

Bien que le harcèlement sexuel constitue un délit, seul 5% des victimes ont eu recours à des services de police.

Pourquoi n'ont-ils/elles pas dénoncé? "Tout d'abord en raison d'un sentiment d'impunité qui protégerait les harceleurs", explique l'étude. 

Ainsi, une psychiatre explique que son agresseur "avait été condamné pour harcèlement sur des internes et restait numéro 2 du CHU dans sa discipline donc co-responsable de l'ensemble de la validation des stages et des thèses...J'ai arrêté la médecine et déménagé pendant 4 ans". 

Les victimes estiment qu'elles ne seront pas écoutées "Si ce n'est pas trop grave, et étant donné le manque de crédibilité donné à la parole des femmes dans notre société, il vaut mieux rester discrète", conseille une psychiatre. 

"Parce que tout le monde trouve ça drôle et normal. C'est triste", constate également une urgentiste. 

Une généraliste, qui a démissionné suite au harcèlement qu'elle a subi, témoigne de la difficulté à dénoncer : "C'est tellement dur à prouver. On est tellement seule". 

Rédaction ActuSoins

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Pour consulter le rapport (chiffres et témoignages)

https://francais.staging.medscape.com/diaporama/33000214?faf=1

 

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