A Séoul, une infirmière au cœur de la Mecque de la chirurgie esthétique

Dans une société ultra concurrentielle, la chirurgie esthétique est, pour beaucoup de Sud-Coréens, un moyen de se démarquer et de s’élever dans l'échelle sociale. Après seize mois de cours et de stage, "certificat en infirmerie" en mains, Seu Jan Lim assiste les médecins de la clinique MINE. Cet article a été publié dans le n°40 d'ActuSoins Magazine (mars 2021).

Dans le quartier riche de Gangnam, à Séoul, les cliniques de chirurgie esthétiques se sont multipliées

Dans le quartier riche de Gangnam, à Séoul, les cliniques de chirurgie esthétiques se sont multipliées. © Anthony Micallef.

A la sortie de la station de métro Apgujeong, des dizaines de panneaux publicitaires accrochent l'œil.

Jeunes femmes aux visages de poupées de cire vantant des opérations des paupières, du nez ou des seins, photos avant-après chirurgie, médecins tout sourire posant comme des stars de K-pop.

Cette zone du célèbre quartier huppé de Gangnam a fait de Séoul une véritable Mecque de la chirurgie esthétique, connue dans toute l'Asie. La capitale coréenne compte pas moins de 500 établissements dédiés à ce business dont le bâtiment de la clinique MINE, haut de six étages.

Une jeune patiente de 18 ans, timide et anxieuse, est venue avec sa sœur et sa mère pour une augmentation de la poitrine, une partie de son corps “qui la complexe depuis longtemps”. Si elle a choisi la clinique, c’est pour la réputation de celui qui doit l’opérer : le docteur Lee, également directeur et propriétaire de MINE qu'il a fondée en 2011, est un expert reconnu de la chirurgie mammaire, formé au prestigieux Centre médical Asan, un des meilleurs hôpitaux de Corée. “J’ai testé différents services, mais c’est ce qui me plaisait le plus : c'est très complet, cela nécessite la coordination de beaucoup de qualités : des connaissances, de la précision et de l'habileté”, commente-t-il.

Et il apprécie les relations avec les patients : “Ici nous pratiquons une beauté dite de confort. Mais ce n’est pas qu’une question de beauté : beaucoup de patients traversent des moments déterminants de leur vie, un divorce, la retraite et ils veulent un changement. Nous pouvons contribuer à leur redonner confiance en eux et les aider”, s'enthousiasme le chirurgien.

Bien entendu il rencontre tous ses patients avant la chirurgie, pour essayer de comprendre leurs désirs et leur expliquer ce qui est possible ou irréaliste. “Nous devons parfois dissuader de pratiquer certaines chirurgies, comme la pose d'implants trop gros”.

Un certificat en infirmerie en seize mois

Seu Jan Lim infirmière prépare les instruments au bloc opératoire de la clinique

Seu Jan Lim prépare les instruments au bloc opératoire de la clinique. © Anthony Micallef.

Pour assister les médecins salariés, la clinique a peu de personnel et seulement une infirmière. De fait, Seu Jan Lim est devenue indispensable.

La jeune femme au visage rond et souriant est employée par MINE depuis neuf mois seulement, mais n’y chôme pas. Au terme de ses études, un certificat en infirmerie obtenu après un an en école privée et quatre mois de stage pratique, elle obtient le statut d’infirmière auxiliaire assistante. Il existe aussi un statut d’infirmière diplômée, qui se prépare en trois ans.

Comme partout en Corée, la compétition est féroce et l'examen final difficile. Son diplôme en poche avec une spécialisation en soins d'urgence, elle a d’abord travaillé dans un hôpital de médecine orientale.

Inspirée de la médecine chinoise, avec des techniques non invasives, comme l’acupuncture ou l’utilisation des plantes, cette pratique reste aujourd’hui encore usitée en Corée. “Cela m’intéressait beaucoup car ce sont des techniques différentes : il n’y a pas d’incision, d’outils médicaux comme le scalpel”, explique la jeune femme.

Si elle est passé du côté du bistouri, c’est d’abord par curiosité : “j’ai commencé à m'intéresser à ce domaine à cause des séries médicales coréennes à succès, comme New Heart ou Brain : j’ai voulu savoir comment cela se passait en réalité”, rigole-t-elle. “Cela m'intéresse aussi beaucoup de comparer les deux approches médicales modernes et traditionnelles, car je les trouve complémentaires”.

Assister l’anesthésiste

 A la clinique, sa journée de travail commence à 9 h 20. “La première chose que je fais en arrivant c’est de stériliser et préparer les équipements médicaux pour les premières interventions qui commencent vers 10 h”. Elle assiste l’anesthésiste et le chirurgien pendant l’opération puis nettoie les instruments.

Seu Jan Lim est également en charge des patients auxquels elle explique les procédures et qu'elle guide au réveil. “Je les aide à s’habiller, vérifie qu’ils prennent bien les nutriments ou les médicaments anti-douleur qu'on leur a prescrit”.

Sur son planning, les journées sont de 8 h, mais elles se prolongent régulièrement jusqu’à 16 h. Elle accepte bien volontiers ces heures supplémentaires car son salaire de base de 1400 euros peut se retrouver majoré jusqu’à 1700 euros. Présente à la clinique cinq jours par semaine, elle dispose d’un jour de congé en semaine et du dimanche. 


L’équipe étant petite, Seu Jan a de bonnes relations avec les médecins : “C’est un partenariat essentiel pour le bénéfice du patient. Il faut respecter la subordination car la stérilisation et la contamination sont des domaines critiques, et il faut du timing et de l’expertise mais également du calme. Surtout dans le cas des opérations difficiles, où nous devons rester concentrés. J’apprends beaucoup des médecins et je dois bien connaître leurs méthodes opératoires pour pouvoir les assister en chirurgie”, explique-t-elle.

Elle avoue préférer les rhinoplasties, car elle participe plus activement. 



La chirurgie esthétique : un passeport social ?

Dr Sung Wook Lee, chirurgien et fondateur de la clinique de chirurgie esthétique MINE, et Seu Jan Lim, préparent une intervention chirurgicale

Dr Sung Wook Lee, chirurgien et fondateur de la clinique de chirurgie esthétique MINE, et Seu Jan Lim, préparent une intervention chirurgicale. © Anthony Micallef.

Sur la place de la chirurgie esthétique dans son pays, la jeune infirmière pose un regard objectif : “En Corée du Sud, elle sert à survivre à la compétition. Pour trouver un travail par exemple, c'est si difficile qu'il faut un atout supplémentaire pour convaincre un employeur”.

Katie Lee, directrice exécutive chez MINE, confirme : “Nous sommes dans une société patriarcale. La beauté des femmes devient aussi synonyme de pouvoir. La société coréenne est très compétitive : plus vous êtes beau, plus vous avez de chance de vous élever dans la structure sociale”.

Culturellement, une opération esthétique n’est pas mal vue en Corée, où un tiers des jeunes femmes l’ont déjà pratiquée. C’est même un cadeau classique des parents aux jeunes adultes, pour les récompenser après le bac par exemple, ou comme une forme d’investissement pour une réussite future.

Une des opérations les plus populaires est la bléphorastie, qui agrandit l'œil et atténue son effet “bridé” en détachant le pli des paupières. La chirurgie est aussi demandée par les hommes qui, autant que les femmes, sont soumis à l’hyperconcurrence de la société, tant dans l’éducation, que l’emploi ou la vie amoureuse.


Depuis la vogue de la K-pop (musique) et des K-drama (séries), l'industrie de la beauté et de la chirurgie plastique est florissante, confirme Katie Lee et attire des clients de toute l’Asie et au-delà : “Le boom était énorme il y a dix ans et le nombre de cliniques a explosé. Aujourd'hui c'est très compétitif. Nous devons constamment veiller à rester à la pointe des connaissances et des techniques".

Même si Bangkok a détrôné Séoul en tant que destination de tourisme médical, les chirurgiens plastiques coréens restent les plus prisés pour les opérations sophistiquées. 
Seu Jan, ravie de son emploi, se voit continuer dans ce secteur.

David Breger

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Cet article a été publié dans le n°40 d'ActuSoins Magazine (mars - avril - mai 2021)

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