Le diabète gestationnel

Chaque année en France, 2 à 6 % des femmes enceintes souffrent de diabète pendant leur grossesse. Quelles sont les spécificités de ce type de diabète et leur prise en charge ?

actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article a été publié dans n°45 d'ActuSoins Magazine (juin 2022).
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Le diabète gestationnel

©iStock/Jovanmandic.jpg

Le diabète est un désordre métabolique entraînant une hyperglycémie. La glycémie est la concentration sanguine en glucose libre, sa norme varie entre 3,8 et 5,5 mmol (1) / L. On parle de diabète quand la glycémie à jeun est supérieure à 7 mmol/L ou à 11 mmol/L en post prandial.

Le pancréas est formé de cellules épithéliales glandulaires regroupées en amas dont 1 % sont des îlots de Langerhans et constituent la partie endocrine du pancréas. Ils synthétisent les hormones dont l’insuline et le glucagon. L’insuline est la seule hormone hypoglycémiante. Elle permet le passage du glucose depuis la circulation générale vers les cellules et elle freine la production du glucose par le foie. Le glucagon est une hormone hyperglycémiante qui stimule cette production hépatique de glucose.

Chez une personne non diabétique, l’action de ces deux hormones assure l’homéostasie glycémique, avec une production d’insuline qui s’adapte en permanence. Chez un patient diabétique, le déficit absolu ou relatif de la sécrétion d’insuline entraîne donc un état d’hyperglycémie chronique.

Chez les femmes enceintes concernées par le diabète, deux cas de figures peuvent survenir.

Celles dont le diabète, de type 1 ou de type 2, est préexistant à leur grossesse et celles pour lesquelles le diabète apparaît durant leur grossesse. On parle alors de diabète gestationnel.

Dans ces deux cas, il existe des risques de complications à la fois pour le foetus et pour la femme. L’identification des facteurs de risques, le dépistage et la prise en charge du diabète gestationnel permet de diminuer ces complications.

Diabète préexistant à la grossesse et connu

Il correspond à un diabète de type 1 ou un diabète de type 2.

Le diabète de type 1

Le diabète de type 1 est la conséquence d’un déficit en insuline. Il représente 5 à 10 % des diabétiques et apparaît chez un sujet jeune avec un début rapide. Sa découverte est en lien avec des signes cardinaux et son traitement consiste en des injections d’insuline. Pour rappel, les signes cardinaux de ce type de diabète sont des symptômes d’apparition brutale : une polyurie (pouvant atteindre 3 à 4 litres par jour), une polydipsie, une polyphagie et un amaigrissement de plusieurs kilos en quelques semaines.

Le diabète de type 2

Le diabète de type 2 est la combinaison d’une résistance à l’insuline avec une sécrétion compensatoire insuffisante. L’insulinorésistance se traduit par une réduction de la captation du glucose par les cellules cibles et une augmentation de la production hépatique de glucose. Le diabète de type 2 représente 85 à 90 % des diabétiques. Il débute plus tardivement, en général après quarante ans, et est fréquemment associé à une obésité. La maladie est asymptomatique à son début puis s’installe de façon lente et insidieuse. Sa découverte est souvent fortuite et certaines complications peuvent déjà être irréversibles au début de la prise en charge. Il arrive qu’il soit méconnu avant la grossesse. Au début de la maladie, le traitement est la prise d’antidiabétiques oraux (ADO), en l’absence de grossesse.

Un diabète préexistant à la grossesse entraîne une situation à haut risque pour le foetus. Un suivi obstétrical rapproché est nécessaire.

L’hyperglycémie pendant la période de conception augmente la fréquence des malformations congénitales graves et des fausses couches précoces. Il est donc recommandé de programmer la grossesse pour qu’elle survienne à un moment d’équilibre glycémique, quand la maladie est connue. Les autres complications foetales sont les mêmes que pour le diabète gestationnel.

Diabète gestationnel

C’est une affection fréquente qui touche entre 2 et 6 % des grossesses. Sa prévalence augmente avec l’âge de la femme, avec moins de 1 % des grossesses concernées avant trente ans et plus de 5 % à partir de 45 ans. L’OMS défini le diabète gestationnel comme « Un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois pendant la grossesse, quel que soit le traitement nécessaire et son évolution au cours du post-partum ». Il peut être de sévérité variable.

Cette définition englobe en fait deux entités différentes, selon que cette intolérance glucidique est transitoire ou chronique. Dans le premier cas, ce diabète survient en général à partir de 24 semaines d’aménorrhée (SA) et disparaîtra après l’accouchement.

[dropshadowbox align="none" effect="lifted-both" width="auto" height="" background_color="#ffffff" border_width="1" border_color="#dddddd" ]Contrairement au glucose, l’insuline ne passe pas la barrière placentaire. Une hyperglycémie maternelle entraîne une hyperglycémie foetale et par conséquent un hyperinsulinisme foetal.[/dropshadowbox]

Dans le second cas, il s’agit d’un diabète préexistant à la grossesse, le plus souvent de type 2, découvert pendant cette période et qui perdurera après l’accouchement. Cela concerne environ 15 % des diabètes gestationnels. Il est à noter que dans la population générale, 30 % des diabètes de type 2 sont méconnus. C’est pourquoi un dépistage de diabète devrait idéalement être proposé à toute femme émettant un désir de grossesse, si elle présente des facteurs de risque au diabète de type 2.

Physiopathologie

Des modifications hormonales et physiologiques ca- ractérisent la période de la grossesse. Les œstrogènes et la progestérone agissent sur les îlots de Langerhans en entraînant un hyperinsulinisme. De plus, à partir du deuxième trimestre, l’apparition d’une insulinorésistance diminue la tolérance de l’organisme au glucose et aug- mente le besoin en insuline.

Contrairement au glucose, l’insuline ne passe pas la barrière placentaire. Une hyperglycémie maternelle en- traîne une hyperglycémie fœtale et par conséquent un hyperinsulinisme fœtal.

Enfin, une glycosurie peut s’observer pendant la grossesse, par abaissement du seuil de réabsorption rénale du glucose.

Facteurs de risque du diabète gestationnel

La prise en charge des femmes concernées repose sur le dépistage ciblé, au cours de leur grossesse, quand elles présentent des facteurs de risque de diabète ges- tationnel. L’examen consiste en une glycémie à jeun au premier trimestre, puis d’une hyperglycémie provoquée par voir orale (HPGO) avec 75 g de glucose, entre 24 et 28 SA.

Un âge maternel élevé (après 35 ans) et/ou une sur- charge pondérale (IMC > 25) sont des facteurs de risque du diabète gestationnel. Si la patiente a souffert de diabète gestationnel au cours d’une précédente grossesse, qu’elle a un antécédent de macrosomie fœtale (> 4 000 g), de mort fœtale in utero inexpliquée ou des antécédents familiaux au premier degré de diabète de type 2, elle sera également considérée comme une personne à risque.

Infirmière libérale : Grossesse quand le diabète s’en mêle

Complications du diabète gestationnel

Les risques liés au diabète gestationnel concernent aussi bien le fœtus que la mère.

Au cours de la grossesse, le diabète gestationnel apparaît au delà de la période d’organogenèse, c’est à dire quand les organes du fœtus se forment. Il n’entraîne donc pas d’augmentation du risque de malformation congénitale. En revanche, le risque de malformation existe si la femme présentait un diabète de type 2 mé- connu avant la grossesse et qu’il est non équilibré.

Les risques pour le fœtus

La principale complication du diabète gestationnel est la macrosomie fœtale, c’est à dire un poids de nais- sance supérieur à 4 000 grammes, nécessitant dans certains cas une césarienne. En cas d’accouchement par voie basse, les complications obstétricales liées à cette macrosomie sont rares mais peuvent être dramatiques. Il y a un risque de dystocie des épaules avec fracture de la clavicule de l’enfant ou d’une paralysie du plexus brachial. Une souffrance neurologique à l’extraction instrumentale peut également se présenter et aller jusqu’au décès de l’enfant.

L’autre risque pendant la grossesse est l’apparition d’un hydramnios (excès de liquide amniotique), exposant à un risque de rupture prématurée des membranes et à un risque d’accouchement prématuré.

Au cours de la naissance, comme évoqué ci-dessus, le nouveau-né présente un hypersinsulinisme. Au moment du clampage du cordon, le bébé est privé de l’apport en glucose assuré par les échanges avec sa mère. Le risque est donc l’hypoglycémie. Il présente également un risque de détresse respiratoire, l’hypersinsulinisme fœtal freinant la synthèse du surfactant pulmonaire.

Les risques maternels

Concernant les risques maternels, le risque de pré-éclampsie est augmenté, surtout en cas de sur- charge pondérale associée. Les symptômes de la pré-éclampsie associent une hypertension artérielle, une protéinurie et une prise de poids avec œdèmes au cours de la deuxième partie de la grossesse. Les conséquences peuvent être fatales pour la mère et impliquent souvent un déclenchement de l’accouchement avant le terme et donc une prématurité pour le nouveau-né.

En présence d’un diabète gestationnel, les risques infectieux sont également augmentés, en particulier les infections urinaires.

Enfin, les femmes souffrant de diabète gestationnel pendant leur grossesse sont exposées aux risques théoriques d’une macrosomie fœtale, avec un risque de césarienne plus élevées, des traumatismes de la filière génitale en cas d’accouchement par voie basse, un travail plus long et une augmentation des risques d’hémorragie de la délivrance.

A plus long terme, on observe généralement un retour à une glycorégulation normale dans le post-partum immédiat. Par contre, il existe un risque de récidive dans plus de 30 % des cas lors des grossesses ultérieures. Il existe également un risque élevé de développer un diabète de type 2 à distance, surtout en cas de surcharge pondérale. Ce risque est encore majoré si le diabète gestationnel est apparu avant 24 SA, avec des glycémies élevées en post-prandial et la nécessité de recourir à l’insuline.

Prise en charge du diabète gestationnel

La prise en charge doit être précoce et pluridisciplinaire : obstétricien, diabétologue, diététicien, pédiatre, sagefemme, infirmier…

L’objectif à court terme est de diminuer les risques foetaux et maternels pour la grossesse en cours. L’objectif à plus long terme est de faciliter une prise en charge précoce de ces patientes si elles présentent des facteurs de risque de récidive du diabète gestationnel ou bien de diabète de type 2.

La glycémie à jeun doit être maintenue en dessous de 5,25 mmol/L). L’auto surveillance est réalisée par la patiente au moyen de prélèvements capillaires, quatre à six fois par jour, en pré et en post-prandial. Des dosages réguliers de l’HbA1c (hémoglobine glyquée) sont également réalisés. Une surveillance des corps cétoniques dans les urines pourra aussi être recommandée, en particulier si les glycémies sont élevées.

La prise en charge diététique tient une place centrale dans la prise en charge de ces patientes et comprend une éducation à un régime qui inclut des glucides à index glycémique bas et élimine les grignotages et les glucides à index glycémique élevé. La prise alimentaire est à fractionner au cours de la journée. Une activité physique modérée doit être maintenue tout au long de la grossesse, à raison de trente minutes trois à cinq fois par semaine. La marche ou la natation sont recommandées. L’insuline ne sera prescrite que si les objectifs glycémiques ne sont pas atteints avec l’application de ces règles hygiéno-diététiques.

L’éducation thérapeutique des patientes est au coeur de la prise en charge avec, par exemple, la mise en place d’un carnet de surveillance des glycémies.

Rôle infirmier et diabète gestationnel

Le rôle infirmier dans le suivi du diabète gestationnel va cibler principalement le soutien dans l’autogestion de la maladie par ces patientes.

Les contraintes liées à l’auto-surveillance glycémique et l’application du régime peuvent être mal acceptées dans cette période particulière de la vie d’une femme. Il faut donc les accompagner pour une gestion optimale de la maladie qui permettra d’en minimiser les risques, tout en les rassurant et en les valorisant.

L’information aux patientes est au centre de cet accompagnement. Elle doit leur permettre d’acquérir des connaissances sur leur maladie et des compétences techniques pour être autonomes dans la gestion des hypo et hyper-glycémies. Une collaboration est donc à mettre en place avec les patientes en fonction de leurs besoins et du niveau de leurs connaissances.

Enfin, il ne faudra pas négliger l’apprentissage des gestes techniques comme la réalisation d’une glycémie capillaire ou l’injection d’insuline avec la description du matériel à utiliser, la fréquence des tests, les cibles glycémiques et comment les interpréter. Les proches pourront également être impliqués dans cette éducation thérapeutique et pourront ainsi réaliser ces gestes si besoin. Idéalement, cet accompagnement sera réalisé en collaboration avec le reste de l’équipe pluridisciplinaire, afin de permettre la mise en place d’un projet de soin personnalisé et adapté à chaque patiente.

Véronique NORMIER CALHOUN
IADE ET Ergonome, membre de l'association Facteur Humain en Santé
https://facteurshumainsensante.org/

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1) Rappel : 5,5 mmol/L = 1 g/L

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