Une équipe de gériatrie « hors les murs »

Fruit dun partenariat entre le Centre Hospitalier du Pays dAix (CHIAP) et le Centre Gérontologique St Thomas de Villeneuve, léquipe mobile gériatrique extra-hospitalière est une unité innovante capable dintervenir rapidement pour favoriser le maintien au domicile des personnes âgées. 

Cet article a été publié dans le n°44 d'ActuSoins Magazine (mars-avril-mai 2022). Il est à présent en accès libre. 

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Sophie, infirmière et Mathilde, psychologue se rendent chez une ancienne institutrice de 80 ans

Sophie, infirmière (à gauche) et Mathilde, psychologue (à droite) se rendent chez une ancienne institutrice de 80 ans, à la clavicule fracturée, pour réaliser une évaluation gériatrique (autonomie, marche, fragilités psychologiques,…). © Christelle Calmettes

Cest par un froid matin dhiver que l’équipe mobile aixoise se réunit dans les locaux du Centre Gérontologique St Thomas de Villeneuve pour échanger sur les missions à venir. Composée de deux infirmières, dune ergothérapeute, de deux médecins gériatres, dune psychologue, dune secrétaire et dune assistante sociale, léquipe mobile gériatrique extra-hospitalière, dite EMG EH, est un service public financé par lARS dont les demandes dinterventions sont toujours réalisées en accord avec le médecin traitant.

La réunion hebdomadaire de début de semaine est un temps fort pour l’équipe. Certains n’étant détachés qu’à 25 % ou 50 %, difficile pour eux d’être systématiquement ensemble lors des interventions. Alors le lundi matin, cest le moment de faire le lien, d’échanger les informations, de prévoir les plannings…

Leur mission ? Réaliser des évaluations gériatriques multidisciplinaires au domicile de patients âgés de 75 ans ou plus et résidant à vingt minutes de voiture au maximum. Le but est de rendre des préconisations afin de soutenir le maintien au domicile en premier lieu, mais également d’éviter des recours non pertinents aux urgences et de soutenir les patients et leurs proches dans des situations gériatriques complexes.

Évaluer et préconiser

Évaluation cognitive de la patiente

Évaluation cognitive de la patiente. © Christelle Calmettes

« L’équipe va évaluer les conditions de vie » explique Sophie, infirmière, « Lorsque lon nous contacte, on commence par enquêter sur les différents comptes rendus auxquels nous avons accès afin de savoir qui sont les aidants principaux et si des aides sont déjà mises en place. A partir de là, on se rend chez le patient pour réaliser une expertise. Nous essayons de déterminer tout ce qui est possible de faire pour favoriser un maintien à domicile, dans le cas contraire, nous pouvons préconiser une orientation vers les services hospitaliers ou en Ehpad ».

Une position claire et une fonction précise, en appui des solutions existantes, qui ne comporte ni soin médical, ni intervention durgence médicalisée, ni suivi des patients. Corinne, la seconde infirmière de l’équipe, complète : « La visite à domicile permet d’évaluer laspect psychologique du patient, ladaptabilité du domicile mais également de déterminer sil y a une nécessité de demander une augmentation des aides. Ensuite, cest le médecin gériatre qui, en fonction de notre rapport, établit les ordonnances et décide du suivi ».

Imaginer un environnement adapté

Sophie infirmière fait passer un test unipodal à la patiente pour vérifier son équilibre

Sophie fait passer un test unipodal à la patiente pour vérifier son équilibre. © Christelle Calmettes

Lautre Corinne de l’équipe, ergothérapeute, joue un rôle clef dans lintervention. Elle évalue la marche, les risques de chute, les obstacles et propose ensuite des solutions matérielles et concrètes pour permettre une meilleure autonomie en toute sécurité.

« Il existe de nombreuses solutions assez simples à mettre en place et qui ne nécessitent pas de gros travaux. Par exemple, dans une baignoire, il est possible dinstaller des planches de bains et des sièges pivotants » précise lexperte. « L’idée est de perturber le moins possible la personne dans ses habitudes tout en soulageant lentourage, ajoute-t-elle. Un jour, jai installé une enceinte à laquelle la patiente, qui avait des problèmes auditifs, pouvait ordonner daugmenter ou de baisser le son de la télévision. Ce n’était pas grand-chose à installer mais cela a considérablement aidé à diminuer les sollicitations aux aidants ». 

Parmi les autres missions principales de l’équipe, évaluer les troubles de lhumeur, la nutrition ou encore les troubles cognitifs. Cest la mission de Mathilde, psychologue, qui vérifie aussi les fragilités psychologiques, lanxiété, la dépression ou même les éléments traumatiques de lhistoire de vie.

Évaluer les troubles

Les résultats des tests sont enregistrés au fur et à mesure de la visite à domicile

Les résultats des tests sont enregistrés au fur et à mesure de la visite à domicile. © Christelle Calmettes

Parfois ce sont les aidants qui ont un doute et qui partagent leur inquiétude avec elle, comme dans le cas de cette patiente, ancienne institutrice de 80 ans qui avait chuté et s’était cassé la clavicule. Selon son fils, elle avait des absences et apparaissait parfois incohérente. Lintervention a démontré que ce n’était pas le cas et Mathilde a ainsi pu rassurer la famille.

Dans le cas contraire, elle aurait pu orienter la patiente vers lhôpital de jour afin de consulter une psychologue spécialisée et de réaliser des tests plus complets et ainsi aboutir à un diagnostic. Autant de situations complexes qui entrainent des cas de refus et de déni. « Lorsque qu’il y a des troubles ou une perte manifeste dautonomie, il faut parfois laisser le temps de lacceptation qui doit être respecté. Sans cela, notre intervention est vouée à l’échec. A force dexpliquer on finit par ouvrir de petites portes. Nos interventions prennent aussi en compte les souhaits du patient », explique Mathilde.

Des interventions parfois complexes

Sophie et Mathilde, de retour dans leur bureau, font le point sur la situation de la patiente

Sophie et Mathilde, de retour dans leur bureau, font le point sur la situation de la patiente. © Christelle Calmettes.

La principale difficulté pour l’équipe mobile est de pouvoir pénétrer dans le domicile. Un travail de patience qui leur demande parfois dattendre et dinsister de longues minutes devant la porte. Martin, lun des deux médecins gériatres, se souvient : « Nous sommes intervenus dans un immense appartement à la sortie d’Aix-en-Provence. Une dame âgée se trouvait dans une chambre vide, sans pouvoir sortir, si ce nest pour faire dincessants allers-retours en service de rééducation. Elle criait toute la journée et jetait ses excréments contre les murs. Son mari narrivait plus à supporter la situation et pourtant il refusait, ainsi que le reste de la famille, une prise en charge en Ehpad ».

Pour sortir de cette situation, le médecin gériatre a travaillé en concertation avec tous les partenaires pour les convaincre : « Au bout de deux mois, la famille a finalement accepté et la situation sest considérablement améliorée pour tout le monde. En Ehpad, elle a cessé de crier et a retrouvé une intégrité physique. Puis la situation financière familiale sest normalisée, à la suite à lobtention dune aide sociale pour financer l’établissement. Le mari a finalement pu quitter son logement pour un appartement plus petit et mieux adapté ».

Un récit qui montre aussi que, parfois, les aidants sont eux-mêmes des personnes âgées en souffrance. Les couples sont ainsi souvent évalués ensemble afin de prendre en compte le niveau de fatigue et la charge du plus aidant.

Dans dautres cas, ils sont laidant principal de personnes plus jeunes, par exemple dun enfant handicapé. « Nous avions réalisé une double visite chez une mère de 89 ans qui soccupait encore de sa fille de 68 ans souffrant de gros troubles psychiatriques. Elle était épuisée », se souvient le gériatre.

Un service en devenir

Mis en place en 2020, lEMG EH a totalement trouvé sa place et son utilité avec larrivée de la crise sanitaire. Après avoir fait lobjet de quelques articles de presse, elle sest surtout fait connaitre par le bouche-à-oreille au fil des interventions. Aujourd’hui, déjà bien identifiée par les professionnels de santé et les structures médicales, l’équipe est de plus en plus sollicitée pour ses expertises.

En 2021, ce sont quelque 280 patients qui ont été évalués dont 180 qui ont fait lobjet dune visite, soit le double de lannée 2020. Un modèle pionnier qui laisse présager de belles années de développement devant lui.

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