Travail en 12 heures à l’hôpital : plus de risques et peu d’avantages ?

Dans de nombreux hôpitaux, les 12 heures se généralisent, à la demande des directions et souvent même des soignants. Pourtant, ces longues plages horaires impactent la santé, avec des risques plus importants de développer des troubles psychologiques et des conduites addictives.

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© ARegina / Shutterstock

« J’ai davantage de jours offs, mais cela a un prix : je suis très fatiguée quand je finis ma semaine et je souffre de migraines chroniques, expliqué Andrée, infirmière au Centre hospitalier intercommunal (CHI) de Cavaillon, dans le Sud-Est de la France. C’est paradoxal car, malgré tout, je ne voudrais pas revenir aux huit heures. Avec les douze heures, je gère mieux ma vie personnelle, c’est sûrement le piège. » À 61 ans, ce rythme de travail est donc un choix “par défaut”.

Épuisement, troubles du sommeil, conduites addictives

L’organisation du temps de travail en 12 heures arrange aussi bien les soignants que les directions des hôpitaux. Mais quid de la santé ? Deux Français, Guillaume Fond, médecin psychiatre à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et Guillaume Lucas, cadre de santé et docteur en santé publique, se sont penchés sur cette question. Pour cela, ils ont interrogé 2 369 infirmiers et 764 aides-soignants, entre mai et juin 2021.

« Les horaires de 12 heures sont très demandés par les soignants pour avoir plus de jours de repos, mais ils entraînent des problèmes de santé physique et mentale, tels que l'épuisement, les troubles du sommeil et les conduites addictives », explique Guillaume Lucas.

Au-delà des longues plages horaires, c’est surtout le travail de nuit qui est néfaste pour la santé des soignants. « Le travail en horaires atypiques, de nuit, perturbe le rythme circadien, augmentant ainsi les risques de dépression, d'obésité et d'autres maladies chroniques, assure Guillaume Lucas. Le personnel de nuit consomme plus de caféine, de tabac, d’hypnotiques et d'anxiolytiques. »

Des infirmiers plus à risque que d’autres

« Les soignants qui travaillent en 10 et en 12 heures présentent aussi des risques plus élevés de burn-out, comparativement à leurs collègues qui exercent en 7 heures, explique Guillaume Lucas. Les personnes très consciencieuses, les jeunes qui se heurtent à la réalité du monde du travail - et parfois au harcèlement -, et les salariés en fin de carrière, qui ressentent un épuisement vis-à-vis de la souffrance et de la mort, sont les plus à risque de dépression. »

Pourtant, ces plages horaires se généralisent dans de nombreux hôpitaux. « Certains en profitent pour faire des économies et ne mettre que deux infirmiers en 12 heures sur 24 heures, au lieu des trois qu’il faudrait, indique Céline Laville, infirmière au CHU de Poitiers et ancienne présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI). Cela est encore plus néfaste pour la santé des salariés qui ont une charge de travail plus importante avec moins d’effectifs. Autres problèmes : le temps nécessaire pour les transmissions, l’habillage et le déshabillage n’est pas prévu… En pratique, les infirmiers font donc plus que 12 heures. »

La fatigue, un cercle vicieux dangereux

Les jeunes générations, surtout, demandent à travailler en 12 heures et parfois même la nuit. Et l’argument est généralement le même : moins de jours passés à l’hôpital, c’est plus de temps pour sa famille. « Quand on travaille la nuit et qu’on s’occupe des enfants la journée, la fatigue est extrême, explique Guillaume Lucas. C’est un cercle vicieux car la fatigue accroît l’épuisement physique et psychique, ce qui augmente le risque de maladies. Cette situation peut aussi être dangereuse pour le personnel et les patients car il y plus d’erreurs médicamenteuses la nuit que le jour, vers 2-3 heures du matin surtout. »

Alors, comment résoudre ce problème ? « L’idéal serait de faire des vacations de huit heures par jour, avec 4 jours de travail par semaine, soit 32 heures hebdomadaires et instaurer des vrais temps de pause », conseille Guillaume Lucas. De son côté, Andrée préférerait diminuer de 2 heures ses journées et, surtout, améliorer ses conditions de travail en augmentant les effectifs.

Diane Cacciarella

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