Il n’a pas manqué une voix. Les membres du HCPP (Haut conseil des professions paramédicales) ont été unanimes, lors de la réunion du 7 octobre, pour s’élever contre un projet de décret relatif aux conditions techniques de fonctionnement des établissements de santé privés autorisés à exercer l’activité de soins en psychiatrie.
Ce projet “supprime toutes normes et quotas infirmiers en psychiatrie pour s’en remettre à la bonne volonté de l’établissement privé, sans réel moyen d’évaluation ou de contrôle pour l’ARS”, indique le SNPI (Syndicat national des professionnels infirmiers).
Il autorise des locaux sans espaces extérieurs et des portes non sécurisées Il ne fait plus mention ni de locaux “thérapeutiques”, ni d’une superficie minimum pour un nombre donné de patients. La mention d’un quota plancher pour le nombre d’infirmiers par patients (trois infirmiers pour dix patients) est également gommée…
Des allègements avaient été demandés par la fédération de l’hospitalisation privée (FHP) qui n’en demandait cependant pas autant ! (lire notre article du 11 septembre).
“Il faut laisser les établissements responsables sans fixer de normes rigides qui souvent sont en obsolètes comme en psychiatrie où elles datent de 1956”, expliquait récemment Lamine Gharbi, président de la FHP, à ActuSoins, défendant ainsi ce projet.
“Un établissement spécialisé en anorexie mentale aura ainsi plutôt besoin de renforcer ses équipes de psychothérapeutes ou de nutritionnistes, un autre plus besoin d’éducateurs sportifs et pas nécessairement d’un nombre fixe d’infirmiers”, ajoutait Olivier Drevon, président de l’UNCPsy, la branche psychiatrie de la FHP.
Ratios inutilement contraignants ?
Il s’agit de “faire porter aux établissements la responsabilité d’adapter ces effectifs aux besoins de santé des patients accueillis, à la nature et au volume d’activité effectué et aux caractéristiques techniques des soins dispensés et non plus en fonction de ratios inutilement contraignants”, explique le rapport ministériel qui accompagne le projet de décret repoussé à l’unanimité par le HCPP.
Le SNPI a vigoureusement réagit contre ce qu’il nomme un projet de psychiatrie “low cost”.
“La suppression du quota infirmier renseigne bien sur la dégradation des prises en charge des patients car les infirmiers sont au cœur des soins 24h/24. La disparition de l’effectif minimum indispensable disparait, c’est la porte ouverte aux abus, on sait bien qu’en psychiatrie, c’est l’effectif humain qui contribue à des soins de qualité, sinon c’est de l’enfermement avec de la simple distribution de médicaments”, indique Thierry Amouroux, secrétaire général du SNPI.
“La porte ouverte aux abus”
“ C’est la porte ouverte à la création de structures privées, à l’image de ce qu’on faisait il y a plus d’un siècle et demi à l’asile. L’objectif est de réaliser des structures moins contraignantes et surtout plus rentables. Globalement les établissements privés vont fleurir sans contrainte et sans contrôle. Comme souvent, on oublie l’intérêt du patient et de sa famille,”, ajoute-t-il.
“Faire des cellules, sans cours, sans jardins, sans un nombre minimum de mètres carrées, c’est mettre les patients dans des situations explosives. les jardins sont importants pour calmer les tensions”, souligne Thierry Amouroux à ActuSoins.
De même, s’il n’y a plus de “locaux “thérapeutiques”, “les patients tourneront en rond toute la journée”, ajoute-t-il. Si les portes ne sont pas sécurisées par l’extérieur, “il faudra casser la porte pour pouvoir entrer”, quand “un patient s’enferme dans sa chambre et se blesse”.
Cyrienne Clerc
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