Cette « génération Z » qui arrive dans les IFSI et sur le marché du travail

Cette « génération Z » qui arrive dans les IFSI et sur le marché du travail

Le changement d'aspirations et de positionnement des jeunes IDE diplômés vis-à-vis de leur carrière est souvent évoqué par les DRH et directeurs de soins parmi les difficultés que rencontrent les établissements hospitaliers à recruter des infirmiers depuis plusieurs mois. Certains y voient la conséquence du recrutement des étudiants en IFSI via Parcoursup. D'autres évoquent plutôt un changement générationnel radical.
Cette « génération Z » qui arrive dans les IFSI et sur le marché du travail
© ARLOU_ANDREI / ShutterStock

Beaucoup d’établissements de soins n’ont plus, désormais, l’embarras du choix parmi les candidatures d’IDE fraichement sortis des instituts.

Certains constatent même une baisse de ces candidatures spontanées. Dans un contexte de pénurie infirmière comme la France en a rarement connu, les DRH font feu de tout bois pour « séduire » ces jeunes diplômés.

Une directrice d’IFSI connaît ainsi un établissement de SSR qui offre un véritable « pont d’or » aux jeunes IDE, avec rachat de leurs années d’étude, salaire élevé, bonus pour la retraite…

Les hôpitaux et cliniques essaient aussi de les attirer par des avantages ou des mesures statutaires, par exemple une titularisation rapide dans la fonction publique hospitalière. Contre toute attente, cela ne suffit pas à attirer les jeunes IDE dont l’éventail des choix professionnels s’est considérablement élargi. Leurs aspirations sont manifestement ailleurs.

Un effet de Parcoursup ?

Pour Matthieu Girier, président de l’Association pour le développement des ressources humaines dans les établissements sanitaires et sociaux (ADRHESS) la suppression du concours d’entrée en IFSI au profit du recrutement des ESI par la plateforme Parcoursup, en 2018, a modifié le profil des étudiants et donc des jeunes diplômés.

Cela s’est d’abord traduit, selon lui, par une modification de l’ancrage géographique des étudiants. Alors que ceux qui passaient le concours privilégiaient des écoles dans leur secteur géographique, ceux qui sont recrutés par Parcousup peuvent venir de beaucoup plus loin et font preuve, une fois diplômés, d’une plus grande mobilité géographique, observe-t-il.

Surtout, le nouveau mode de recrutement des infirmiers a selon lui eu un effet sur le profil des ESI en termes de motivation. « Quand on présentait le concours d’une école, on voulait être infirmier », indique Matthieu Girier, alors qu’on peut désormais intégrer un IFSI en deuxième, troisième ou quatrième choix via Parcoursup, attiré par (ou poussé par des parents vers) un secteur aux nombreux débouchés.

« Quand on passait le concours, on avait peut-être une maturation plus importante de son projet, observe Michèle Appelshaeuser, présidente du Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec). Il fallait se préparer, notamment à l’entretien motivationnel, et être au clair sur ses motivations ». Ce que n’exige pas Parcoursup.

Une enquête menée ces dernières semaines par le Cefiec montre d’ailleurs un taux d’abandon en cours d’études non négligeable. Quelque 2771 étudiants ont quitté dans les deux premiers mois de formation la première année les IFSI qui ont répondu à cette question, et qui représentaient 17612 places occupées. Pour ces instituts-là (165 sur 350 au total), cela représente 12,9% des effectifs. Les données sur les années précédentes manquent mais selon Michèle Appelshaeuser cette proportion a augmenté.

13% d’abandons en première année

« La première cause évoquée par les étudiants qui abandonnent est un problème d’orientation », précise-t-elle. Certains sont arrivés en IFSI faute d’avoir été acceptés sur leurs premiers choix et réalisent que la voie infirmière ne leur convient pas, d’autres se trouvent finalement pris sur des choix qu’ils préfèrent. La seconde raison évoquée est « personnelle ». La présidente du Cefiec note que la crise du Covid est à peine mentionnée. 

Pour Mathilde Padilla, présidente de la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (Fnesi), le recrutement des étudiants par Parcousup a certes « beaucoup de défauts » mais il a tout de même rendu rendu les IFSI plus accessibles à de nombreux candidats en faisant sauter le verrou financier et favorisé une plus grande diversité des profils étudiants.

Surtout, elle estime que l’évolution des aspirations et des choix professionnels des ESI résulte plus d’un changement générationnel que du recrutement des étudiants via Parcoursup. Michèle Appelshaeuser évoque aussi l’arrivée dans les IFSI d’étudiants de « la génération Z ».

Génération Z

Il s’agit, selon la présidente de la Fnesi, d’un changement générationnel « à 360° » dans lequel « on se recentre sur soi, sur ce qu’on veut, on prend soin de soi » et on est peut être moins dans l’engagement que les générations précédentes.

Les jeunes diplômés « ont du mal à se dire qu’ils vont rester longtemps sur un même lieu de travail, poursuit-elle, et préfèrent parfois les contrats courts voire l’intérim pour avoir le sentiment de ne pas être “enfermés”, se sentir libres ».

Surtout après avoir traversé deux ans de crise sanitaire… Pour  Michèle Appelshaeuser,  « ils veulent avoir une maîtrise de leur plan de carrière et de leur mobilité », pouvoir changer rapidement d’emploi s’ils en ont envie, ne pas se sentir coincés…

Pour éviter les abandons en cours d’études, estime la présidente de la Fnesi, « il faut réapprendre à enseigner à ces personnes », en tenant compte des particularités de leur attention et de leurs appétences, par exemple, pour les nouvelles technologies.

En termes de choix professionnels à l’issue du diplôme, l’enquête du Cefiec montre que les jeunes diplômés sont toujours nombreux à avoir une appétence particulière pour les services « techniques » à leur sortie de l’école.

66% des étudiants des IFSI ayant répondu à l’enquête du Cefiec s’orientent vers le MCO et la réanimation. De manière peu étonnante, les secteurs du handicap ou grand âge les attirent moins.

Mais les aspirations des jeunes diplômés dépassent largement la seule spécialité. Pour les attirer dans les établissements, indique Mathilde Padilla, « il faut miser sur la qualité de vie au travail ».

Les nouveaux diplômés sont aussi particulièrement attachés à la qualité du travail en équipe, ajoute Michèle Appelshaeuser. S’ils se sont sentis bien accueillis dans un service lors d’un stage, ils auront davantage envie d’aller y travailler ensuite.

La crise sanitaire a peut-être accentué ce « virage générationnel ». Pour Mathilde Padilla, ses effets se reflètent aussi dans les choix professionnels des jeunes diplômés : « cette crise a fait très mal aux jeunes, affirme-t-elle. Les étudiants des promotions qui vont sortir ont été utilisés comme des petites mains, baladés sans leur demander leur avis. Ils ont le sentiment d’avoir été trahis. Beaucoup ont été dégoûtés de l’hôpital public. »

Géraldine Langlois

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20 réactions

  1. A LaGlaz

    Bonjour, laissez-moi également exprimer ce que je ressens à la lecture de votre message. Moi aussi, je suis en colère quand je vois des soignants partir en pleurant voire en burn-out !

    Mais je suis désolé, vous cautionnez un système totalement défaillant. Vous parlez de sélection sociale en parlant du concours, très simple pour régler ce faux problème, vous mettez en place la gratuité du concours pour les personnes dont les parents sont non-imposables/système de bourse etc …. Ça existe dans certaines écoles de commerce/architecture etc.

    Votre argument n’est pas solide. Je suis désolé mais je suis scandalisé quand je vois des étudiants qui ont été mal orientés par un système défaillant prendre la place d’Aides-soignants, d’ASH ou encore d’Aux-pur qui se voient depuis des années refuser le moindre financement et qu’on déploie le tapis rouge à des étudiants (pour une question de pognon !) sortant de PARCOURSUP qui ont été acceptés en remplissant un dossier et basta.

    Le métier d’IDE, au même titre qu’AS, mérite un examen de sélection oral pour les AS (ce qui est encore le cas heureusement pour les AS) voire oral/écrit pour les IDE.

    Oui, je suis scandalisé, au même titre que sur les conditions de travail indignes des soignants en 2022 et je suis également scandalisé par des personnes qui défendent le système Parcoursup ici. Je suis partisan de la méritocratie, vous, apparemment, de la sélection arbitraire puisque vous défendez la sélection par un logiciel tout droit sorti de cerveaux de technocrates.

    Et oui, bien sûr, revoir les salaires/les effectifs etc c’est la priorité des priorités, mais ici on parlait avant tout dans l’article de PARCOURSUP et des causes des démissions des étudiants. Ça ne va pas du tout, mais alors pas du tout !

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  2. J’ai 40 ans et suis en 3 eme année à l’IFSI. J’ai du passer un concours de la formation professionnelle..En 1ère année il n’y a eu que 5 abandons de formation sur 70 étudiants.
    J’ai travaillé dans les secteurs de la restauration du tourisme, du batiment en faisant beaucoup d’heures et en travaillant les jours fériés pas de problème.
    Les conditions de travail aussi bien à l’hôpital qu’en clinique sont lamentables. On prend les soignants pour des larbins. Ils ne doivent pas avoir de vie privée,pas prendre de jours de congé. L’encadrement en stage est souvent déplorable, les soignantes sont fatiguées et elles n’ont pas le temps d’encadrer les étudiants quand elles ne les harcèlent ou maltraitent pas.
    A chaque stage, j’ai vu des soignantes pleurer, démissionner. Elles avaient pris 10 jours de congé dans l’année et n’arrivaient plus à appliquer leurs valeurs en raison de la fatigue accumulée:maltraitance institutionnelle.
    Sous effectif partout. Lors de mon dernier stage en clinique, les intérimaires coutant trop chères, on a modifié les plannings pour que les filles ne puissent plus poser de RTT.
    Je trouve ça scnadaleux. On veut des gens qui dédient leur vie, ne puissent pas avoir de vie privée. ça s’appelle des bonnes soeurs. en formation on vous parle de dignité, d’empathie, de respect….Est ce qu’on en a pour les soignants? Et tout le monde s’étonne que les jeunes ne veuillent pas se faire exploiter??? Par contre la tarification à l’acte, la cotation en bourse de groupes qui s’engraissent sur la santé ça ne gène personne?? Arrêtons l’hypocrisie!!

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  3. comprenez que toutes ces mesures n’ont qu’un objectif pallier au manque de soignants qui existait dejà avant la crise sanitaire, les conditions de travail n’attirent plus personne depuis bien longtemps. Les orientations des politiques dans santé y sont pour beaucoup.
    Ce n’est pas une question de génération, j’ai 20 de métier j’ai aimé ce que je faisais et je ne pense pas avoir été “ni bonne soeur” ni corvéable à merci. L’essentiel est d’avoir surtout un peu d’ethique de soin peut importe l’age… mais çà nos institutions ne l’on toujours pas compris (DMS, T2A , absence de formation, etc…) donc ceux qui sont là partent, ce qui arrivent ne reste pas longtemps et les autres ne veulent pas venir

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  4. Le première chose qui m a sautée aux yeux avant même la lecture de l article c est la generation Z!ça ne choque personne à l heure actuelle ou bien je focalise sur l actualité ?

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  5. Certes parcourtsup a peu être modifié la sélection des profils, mais d’un autre côté ce n’est pas le problème principal. Nous ne somme plus la génération « bonnes sœurs », nous ne sommes plus dévoués au métier d’infirmier. Le métier d’infirmier est un métier avant tout, il doit comme tout métier être rendu attractif pour attirer, fidéliser. Vos accusations sur parcourtsup ne servent qu à noyer le poisson. Rendez les conditions de travail plus favorable, avec des effectifs, du temps pour le relationnel, un salaire digne de ce nom vis à vis des contraintes familiales. Modifier les directions et le management du « c est comme ça et pas autrement », du vous n’êtes qu un pion de l hôpital public et on vous utilise comme ça nous chante …
    Arrêtez donc avec l hypocrisie de parcourt sup a essayer de chercher des excuses alors que le fond du problème sont les conditions de travail !

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  6. Je suis soignant et tout à fait d’accord pour revenir à une sélection avec un oral : face à un jury de professionnel qui saura sélectionner des profils de personnes en fonction des spécificités du métier et non pas uniquement par rapport à un niveau scolaire comme cela est le cas avec “PARCOURSUP” qui admet même des personnalités non adapté. Il faut stopper en urgence ce type de recrutement et revenir aux bases afin de ne sélectionner que des personnes motivées, mobilisées avec un réel projet de devenir soignant.

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  7. La vraie question n’est pas seulement les études et le recrutement. Mais pourquoi malgré des ponts d’or. Il y a peu de recrutement….certainement parce que le soin dans les conditions actuelles, certains management. La course sur le terrain. L’encadrement des étudiants dans un contexte de rentabilité. Les plannings exigeants et qui changent sans arrêt. Bref ils n’en veulent pas. Ce n’est pas le recrutement le problème mais les conditions de travail.

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  8. Il faut savoir aussi que certain IFSI manque cruellement d organisation et pratique un bourrage de crane impossible a gerer. Entre cours en distanciel et cours sur site avec 1h de pose ilpossible de joindre les 2 lieux. Les stagiaires sont souvent tenus par des soignant non pedagogue qui au lieu de faire apprecier leur metier degoute les 1er annee. Les validatiins de stage sont etablis sans reel fondement clair. Les tuteurs devraient etre formés à faire apprécier leur métier et pas le contraire. Les formateur devraient être former à une réelle pédagogie et avoir un discours bienveillant au lieu de dénigrer leur propre métier, dégoûter et rabaisser les étudiants.

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  9. Ce « parcours sup » est une catastrophe.
    Bon nombre d étudiants ont un niveau médiocre et sont dépourvus de qualités essentielles à la profession d infirmier.

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  10. Totalement d’accord.

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