Travailler à l’hôpital avec un casier judiciaire ?

Travailler à l’hôpital avec un casier judiciaire ?

Le casier vierge est-il indispensable pour travailler à l'hôpital ? Cette question est récemment revenue d'actualité lors de l'affaire Farid Benyettou, étudiant infirmier et ex-mentor des ex-mentor des frères Kouachi, les deux tueurs du massacre à Charlie Hebdo. Une récente décision du Conseil d'Etat en faveur d'une agent d'entretien au CH d'Hyères, condamnée pour complicité de trafic de stupéfiants, montre que cela est possible. La décision aurait-elle été différente pour un infirmier ? Où est la ligne jaune ?

Travailler à l'hôpital avec un casier judiciaire ?Dans cet arrêt, le Conseil d’État a précisé sa jurisprudence sur l’impact du casier judiciaire sur le contrat de travail d’un agent contractuel de droit public. Il a ainsi annulé le licenciement d’une agent d’entretien hospitalier en voie de titularisation, estimant la sanction disproportionnée avec une condamnation portée sur son casier judiciaire non déclarée à son employeur.

Le centre hospitalier de Hyères (Var) avait recruté en 2002 une agent d’entretien sous le régime du contrat aidé, avant de lui proposer, après plusieurs contrats à durée déterminée et un contrat à durée indéterminée initié en 2010, de la titulariser.

Ayant réclamé un extrait de son bulletin n°2 de son casier judiciaire conformément aux exigences légales sur l’incompatibilité de certaines mentions avec des fonctions publiques, le CH a découvert que la contractuelle avait été condamnée en 2008 à 30 mois d’emprisonnement avec sursis pour complicité de trafic de stupéfiants.

En l’espèce, l’agent avait été reconnue complice de transport, détention et d’acquisition de stupéfiant : elle hébergeait à son domicile son conjoint, qui se livrait à un trafic et a été condamné à huit années de prison ferme par le même jugement. Mais elle avait par la suite ” dénoncé ces agissements illicites aux services de police et accepté de collaborer au déroulement de l’enquête diligentée par ceux-ci”, rappelle le jugement qui ajoute qu’elle “s’est toujours acquittée de ses fonctions d’agent d’entretien dans des conditions satisfaisantes”.

Le directeur avait alors décidé de la licencier en août 2010 au motif d’une incompatibilité de son casier judiciaire avec les fonctions qu’elle exerçait, et d’une “faute disciplinaire de nature à justifier la sanction du licenciement sans préavis ni indemnité”, en l’occurrence pour ne pas avoir averti son employeur de sa condamnation.

Erreur d’appréciation et sanction disproportionnée

Le tribunal administratif de Toulon en 2012, puis la cour administrative d’appel (CAA) de Marseille en 2013 avaient annulé ce licenciement en jugeant que la sanction était manifestement disproportionnée.

Le Conseil d’État a finalement donné gain de cause à la plaignante en confirmant l’annulation du licenciement pour erreur d’appréciation du directeur.

La haute juridiction administrative considère que les faits pour laquelle l’agent a été condamnée ne permettaient pas de prononcer une sanction aussi sévère qu’un licenciement sans préavis ni indemnité.

Le Conseil d’État a donc définitivement annulé le licenciement de l’agent, et condamné l’hôpital à verser 3.000 euros à l’avocat de la plaignante au titre des frais de procédure.

Rappelons qu’aux termes de l’article 3 du décret du 6 février 1991 : ” Aucun agent contractuel ne peut être recruté si, étant de nationalité française : (…) 2° Les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ” ;

Cyrienne Clerc

 


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